Justice

Liberté ou détention provisoire ? Le Dr Péchier devant la cour d'appel

  • Publié le 12 juin 2019 à 10:25
  • Actualisé le 12 juin 2019 à 10:40

L'anesthésiste Frédéric Péchier, soupçonné d'avoir empoisonné 24 patients au cours d'interventions chirurgicales, a répondu mercredi à la convocation de la Cour d'appel de Besançon qui devrait dire dans la journée s'il reste en liberté sous contrôle judiciaire ou s'il est placé en détention provisoire.

Arrivé vers 07h50 en voiture, le Dr Péchier, 47 ans, homme à la carrure imposante, vêtu d'une parka marron et d'un pantalon noir et fumant une cigarette, a retrouvé à l'entrée du palais de justice l'un de ses avocats, Me Randall Schwerdorffer. L'un comme l'autre n'ont fait aucune déclaration.

L'audience doit débuter à 09H00 et pourrait se tenir à huis clos. A l'issue des débats, les magistrats de la chambre de l'instruction se retireront avant de rendre leur décision -leur pratique habituelle-, à moins qu'ils ne décident de mettre leur arrêt en délibéré devant la complexité exceptionnelle de ce dossier.

Autrefois praticien réputé, Frédéric Péchier avait été mis en examen une première fois en 2017 pour sept cas d'empoisonnements, dont deux mortels.
Laissé en liberté sous contrôle judiciaire à l'issue de cette première mise en examen, il l'a également été après la seconde, à la mi-mai, pour 17 dix-sept autres cas, dont sept mortels.

Parmi ses victimes présumées, certaines, restées plusieurs jours dans le coma après avoir subi des arrêts cardiaques à l'occasion d'opérations qui ne présentaient pas de difficultés particulières, en portent encore les séquelles. Dès 2017, le Dr Péchier s'était vu interdire d'exercer sa profession. Ce contrôle judiciaire a été renforcé à la mi-mai avec une obligation d'éloignement de Besançon et de ses environs.

Il réside depuis chez ses parents, non loin de Poitiers, là où il a débuté ses études de médecine et où son père exerce lui-même comme anesthésiste.
Le parquet avait immédiatement interjeté appel de la décision de la juge des libertés et de la détention (JLD) prise à la mi-mai, estimant que l'anesthésiste devrait être désormais placé en détention provisoire le temps de l'instruction de cette affaire qui devrait se prolonger encore des mois, voire davantage.
Sans se prononcer sur la culpabilité du médecin, les juges de la chambre de l'instruction devront dire si son maintien en liberté est susceptible de créer un trouble à l'ordre public, d'entraver l'enquête ou encore de faire peser une pression sur les victimes présumées.

- "Dénominateur commun" -

L'anesthésiste est soupçonné d'avoir pollué, entre 2008 et 2017, des poches de perfusion de 24 patients, âgés de 4 à 80 ans, non pour les tuer, mais plutôt, selon les enquêteurs, pour provoquer des arrêts cardiaques, démontrer ses talents de réanimateur et discréditer ses collègues d'une clinique de Besançon avec lesquels il était en conflit.

Le procureur de la République de Besançon Etienne Manteaux assure que Frédéric Péchier est "le dénominateur commun" de tous ces "événement indésirables graves". Avocat de plusieurs victimes présumées, Me Frédéric Berna, compte faire valoir que le médecin a "violé son contrôle judiciaire", ce dont il assure avoir la preuve grâce à des écoutes téléphoniques.

Avant même sa deuxième mise en examen, Frédéric Péchier aurait pris contact, par l'intermédiaire de proches, avec d'autres médecins, pour obtenir du matériel médical et faire la démonstration, via ses avocats, de son innocence. Il aurait aussi biaisé des rapports d'expertise, selon l'avocat. "A partir de ce moment-là, on trouve anormal que le contrôle judiciaire ne se transforme pas en détention", a déclaré Me Berna à l'AFP, estimant que le médecin "fait tout pour empêcher que la vérité éclate".

Des accusations réfutées par la défense de l'anesthésiste, représentée par Me Schwerdorffer, ténor du barreau bisontin, et Me Jean-Yves Le Borgne, par ailleurs avocat de l'ancien patron de Renault Carlos Ghosn. "Il n'est pas vrai de dire qu'il est entré en contact ou a essayé d'entrer en contact pour influencer des témoins, c'est faux", a asséné Me Schwerdorffer sur France 3.

Choqués par le maintien en liberté du médecin, plusieurs victimes présumées ou proches de victimes ont prévu de se rendre au tribunal mercredi. "Il y a 24 cas de soupçons d'empoisonnement et l'homme est toujours libre", s'offusque Sandra Simard, 38 ans, restée cinq jours dans le coma début 2017 à l'occasion d'une opération du dos. Certains y voient un traitement de faveur par rapport à d'autres justiciables, quand la défense du médecin rappelle qu'il n'a jamais cherché à se soustraire à la justice.

AFP

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