Afrique

Soudan: le Conseil militaire appelle la contestation à négocier "sans conditions"

  • Publié le 20 juin 2019 à 02:26
  • Actualisé le 20 juin 2019 à 09:03

Le chef du Conseil militaire de transition au pouvoir au Soudan a appelé mercredi les manifestants à des négociations "sans conditions", espérant renouer un dialogue qui s'est révélé impossible depuis la dispersion sanglante d'un sit-in début juin.

Après plusieurs mois de manifestations qui ont mené à la destitution par l'armée du président Omar el-Béchir le 11 avril, le Soudan est toujours le théâtre d'un bras de fer entre le Conseil militaire et les principales forces de la contestation.

Les négociations entre les deux parties qui doivent dessiner l'avenir du pays sont suspendues depuis le 20 mai, chaque camp voulant prendre la tête d'une future instance de transition. Mercredi, le chef du Conseil militaire, Abdel Fattah al-Burhane, a appelé l'Alliance pour la liberté et le changement (ALC), fer de lance de la contestation, mais aussi "toutes les forces politiques" à accepter des négociations "sans poser de conditions".

"La situation du pays ne permet pas de rester sans gouvernement. Pour qu'il n'y ait pas de coup d'Etat, venez" négocier, a-t-il poursuivi.
La tension est montée d'un cran le 3 juin, quand des hommes armés en tenue militaire ont dispersé un sit-in devant le QG de l'armée dans la capitale Khartoum.

Les manifestants y campaient depuis des semaines pour faire pression sur les militaires et réclamer un transfert du pouvoir aux civils.
Au moins 128 personnes ont été tuées dans l'opération et la répression qui s'est poursuivie les jours suivants, selon des médecins proches de la contestation. Les autorités ont évoqué un bilan de 61 morts.

- "Révolution en danger" -

Après plusieurs jours de violence et une campagne de désobéissance civile très suivie, un représentant de la médiation éthiopienne a annoncé le 11 juin que le Conseil militaire et la contestation avaient accepté de revenir à la table des négociations. Aucune date n'a toutefois été fixée.

Les meneurs de la contestation restent fermes sur plusieurs points sur lesquels ils s'étaient déjà mis d'accord avec les généraux au pouvoir avant l'interruption des négociations. Parmi ces conditions, il y a notamment le fait que les deux tiers du Parlement de transition doivent être réservés à l'ALC.

"Nous avons accepté la médiation éthiopienne et nous avons posé un certain nombre de conditions avant la reprise des négociations, en particulier le respect de ce qui a été convenu par le passé", a souligné lundi un leader du mouvement de contestation, Mohammed Naji al-Assam, lors d'une conférence de presse.

Militaires et contestataires s'étaient également accordés sur une période de transition de trois ans, qui doit être suivie par le transfert du pouvoir à une administration civile. "C'est toujours le pouvoir des armes versus le pouvoir de la rue", a estimé Alan Boswell, du centre de réflexion International Crisis Group (ICG), interrogé par l'AFP. "La révolution est en grand danger. Mais elle est loin d'être terminée".

Les meneurs de la contestation avaient encore appelé à manifester mercredi en fin de soirée dans les zones résidentielles de la capitale. Dans un quartier de Khartoum, des dizaines de personnes clamaient "Le pouvoir aux civils! Le pouvoir aux civils!", selon des témoins interrogés par l'AFP.

- "Reconstruire la confiance" -

La dispersion sanglante du sit-in a provoqué un tollé international, poussant l'ONU, les Etats-Unis et les mouvements de la contestation à réclamer une enquête indépendante. "Le Conseil militaire a la responsabilité" d'adopter les mesures nécessaires pour "reconstruire la confiance qui ouvrirait la voie à une transition civile", a estimé l'ambassadeur de Grande-Bretagne Irfan Siddiq, dans un entretien à l'AFP.
Les généraux ont regretté des "erreurs qui se sont produites" lors de la dispersion, assurant ne pas l'avoir ordonnée et que l'objectif de l'opération était tout autre.

La crise économique au Soudan et une décision gouvernementale de tripler le prix du pain ont été à l'origine des premières manifestations en décembre contre le régime de Béchir, destitué après trois décennies au pouvoir.

Selon des experts, les Emirats, l'Egypte et l'Arabie saoudite semblent soutenir les généraux tandis que Washington plaide pour une transition menée par les civils.

AFP

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