Une cérémonie chargée d'émotion

L'Ethiopie rend hommage au chef d'état-major assassiné

  • Publié le 25 juin 2019 à 19:58
  • Actualisé le 25 juin 2019 à 20:19

Les responsables militaires et religieux éthiopiens ont rendu hommage au chef d'état-major de l'armée, condamnant son assassinat et ceux de responsables régionaux samedi, lors d'une cérémonie chargée d'émotion mardi durant laquelle le Premier ministre Abiy Ahmed a ouvertement pleuré.

Le chef du gouvernement éthiopien, dont l'agenda réformiste et progressiste a reçu une gifle avec les assassinats politiques de samedi, a essuyé ses larmes avec un mouchoir blanc durant cette cérémonie à Addis Abeba en l'honneur du chef d'état-major Seare Mekonnen et d'un général à la retraite tué en même temps que lui.

M. Abiy n'a pas pris la parole.

"Le crime (les assassinats) n'a pas été commis par des forces étrangères, mais par notre propre peuple, et cela le rend encore plus douloureux", a déclaré Abune Mathias, le Patriarche de l'Eglise orthodoxe éthiopienne, devant plus de 1.000 personnes, principalement des soldats et des proches des deux hommes tués samedi.
Samedi, le général Seare Mekonnen a été tué par son garde du corps à son domicile d'Addis Abeba alors qu'il organisait la réponse à une attaque menée dans l'après-midi à Bahir Dar (nord-ouest) contre une réunion de hauts responsables de la région Amhara.

Le président de cette région, Ambachew Mekonnen, un de ses conseillers et le procureur général régional, Migbaru Kebede, qui participaient à cette réunion, ont été tués dans cette attaque, menée selon les autorités par un "commando armé".

Les attaques de Bahir Dar et d'Addis Abeba étaient coordonnées, estiment les autorités. Elles évoquent une "tentative de coup d'Etat" contre le gouvernement de la région Amhara, une des neuf régions du pays dessinées sur les bases d'un fédéralisme ethnique.
Le lien entre les deux attaques ainsi que les motifs de celle contre le général Seare restent à éclaircir, alors que les observateurs ont émis des doutes sur la théorie de la tentative de coup d'Etat.

Mais tous s'accordent pour dire que ces événements s'inscrivent dans le cadre des tensions politico-ethniques dont l'Ethiopie est le théâtre et qui ont fait plus de deux millions de déplacés.

- 'Mentor' -

Lors de la cérémonie de mardi, l'assistance s'est levée comme un seul homme lorsque les cercueils, recouverts de drapeaux éthiopiens et portés par des généraux, sont entrés dans la salle.

De nombreux militaires se sont succédé sur l'estrade pour saluer les longues carrières des deux hommes. Evoquant le général Seare, un autre général a évoqué un valeureux guerrier "qui savait comment gagner" sur le champ de bataille, "était très courageux" et "a été le mentor de beaucoup de soldats". "Cela aurait été différent s'il avait été tué sur le champs de bataille (...), mais qu'a-t-il fait pour mériter cela?", a interrogé le général Birhanu Jula, adjoint du général Seare.
A la fin de la cérémonie, M. Abiy a salué les deux cercueils, qui ont ensuite été emmenés à l'aéroport d'Addis Abeba, d'où ils seront transportés vers Mekele, dans leur région natale du Tigré (nord).

- "Groupe secret" -

Abiy Ahmed s'est efforcé depuis son entrée en fonction en avril 2018 de démocratiser le pays, légalisant des groupes dissidents et améliorant la liberté de la presse. Mais cet assouplissement a également permis une expression plus libre des tensions intercommunautaires.
Les autorités accusent le chef de la sécurité de la région Amhara, Asaminew Tsige, tué lundi à Bahir Dar par des policiers alors qu'il était en fuite, d'être derrière les deux attaques.

Les observateurs pensent que M. Asaminew, un nationaliste amhara ayant ouvertement entrepris de former des milices ethniques, se serait senti sur la sellette en raison de sa rhétorique belliqueuse. Il aurait pour cette raison organisé les attaques.

Quatre hauts responsables locaux, dont le chef des forces spéciales de la région Amhara, ont été arrêtés pour ces attaques, a déclaré lundi soir le chef de la police de la région Amhara, Abere Adamu, à l'agence de presse proche du pouvoir régional.

Il a également assuré que sept membres de ce qu'il décrit comme "un groupe secret" ayant organisé la "tentative de coup d'Etat" ont été tués dans des circonstances qu'il n'a pas précisées. Six membres des forces de sécurité ont par ailleurs trouvé la mort dans l'opération.

Le chef de la police nationale Endashaw Tassew a, lui, déclaré lundi soir que des membres du "groupe secret" ont persuadé le garde du corps du général Seare de tuer ce dernier, sans donner plus de précisions. "L'impact aurait pu être pire au niveau national si nous n'avions pas été en mesure de répondre".
AFP

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