Italie

Pont de Gênes: les dernières grandes piles détruites à l'explosif

  • Publié le 28 juin 2019 à 14:10
  • Actualisé le 28 juin 2019 à 14:34

Les deux principales piles de ce qui restait du pont de Gênes après l'effondrement meurtrier d'août 2018 ont été détruites à l'explosif vendredi matin mais, une fois la poussière retombée, la polémique perdure sur les concessions dont bénéficie en Italie son gestionnaire Atlantia.

La détonation a été déclenchée à 09H37 (07H37 GMT) et les quelque 4.500 tonnes de béton et d'acier des deux immenses piles à haubans n°10 et 11 se sont effondrées en sept secondes dans un nuage de poussière, sous les yeux et quelques applaudissements de nombreux Gênois venus assister à distance à la démolition.

Les deux vice-Premiers ministres italiens, Matteo Salvini (Ligue, extrême droite) et Luigi Di Maio (Mouvement 5 étoiles, antisystème), étaient là aussi, embourbés dans une polémique sur une possible révocation des concessions de la société italienne Atlantia, gestionnaire du pont via Aspi (Autostrade per l'Italia).

La destruction a nécessité l'évacuation de près de 4.000 riverains, même si les occupants des immeubles situés sous le pont ont été contraints d'abandonner leur logement depuis le jour du drame. "Tout s'est déroulé comme prévu", s'est réjoui le maire de Gênes, Marco Bucci, également commissaire chargé de la reconstruction, qui attend le feu vert des experts en fin d'après-midi pour autoriser les riverains à rentrer chez eux.

Des réservoirs et des canons d'irrigation ont été disposés sur le site pour établir un mur d'eau afin d'éviter la dispersion des poussières fines sur la ville. Le 14 août 2018, sous une pluie battante, une partie de ce pont conçu dans les années 1960 s'était effondrée de façon inattendue, entraînant dans sa chute véhicules et passagers, parmi lesquels quatre enfants. Son démantèlement a commencé en février, avec le lent démontage des différents tronçons entre les plus petits piliers.

Parallèlement, la construction d'un nouveau viaduc autoroutier en acier et en béton, dessiné par l'architecte italien Renzo Piano, a commencé avec une coulée de béton symbolique cette semaine. Un premier élément, en provenance de la région de Naples, doit arriver vendredi dans le port de Gênes.

- "Grave manquement" -

Mais MM. Salvini et Di Maio se déchirent sur la place du concessionnaire Atlantia dans l'avenir de ce tronçon autoroutier. M. Di Maio, qui détient le porte-feuille du Développement économique, a réaffirmé sa volonté de retirer à Atlantia toutes ses concessions en Italie. Pour lui, le groupe et son actionnaire principal, la famille Benetton, sont responsables de négligences dans la maintenance du pont.

Mercredi, le ministre a assuré que le groupe perdrait beaucoup de valeur avec la révocation des concessions et qu'il ne pouvait donc pas être impliqué dans le sauvetage de la compagnie aérienne Alitalia, le fleuron national en grande difficulté.

Ces propos ont provoqué la stupeur d'Atlantia et d'une partie du monde économique et politique. "La société se réserve le droit de mettre en ?uvre toute action et initiative légale", a mis en garde Atlantia, en soulignant que les paroles de M. Di Maio avaient entraîné une baisse du titre. "La responsabilité d'Atlantia dans la chute du pont Morandi est une chose, et l'entreprise devra en répondre devant les instances prévues. C'est autre chose de faire des affirmations de pure propagande qui peuvent déclencher des dynamiques spéculatives", a fustigé une responsable du Parti démocrate (centre gauche), Raffaella Paita, en demandant une enquête du gendarme boursier italien, la Consob. Le patronat italien s'est dit aussi "stupéfait".

M. Salvini, véritable homme fort du gouvernement, a pour sa part nettement atténué son discours par rapport aux jours qui ont suivi le drame, en soulignant qu'Atlantia donnait "du travail à des milliers de personnes" et qu'il fallait faire attention aux "jugements sommaires". Atlantia, leader mondial des concessions autoroutières et aéroportuaires, emploie quelque 30.000 personnes dans le monde.

Depuis le sommet du G20 à Osaka, le chef du gouvernement italien, Giuseppe Conte, a fait savoir que la procédure de révocation suivait son cours: "le grave manquement (de la société gestionnaire du tronçon) est un fait objectif, on ne peut pas faire comme s'il ne s'était rien passé".

AFP

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