Irak

La Zone verte de Bagdad a rouvert, celle de Kaboul s'agrandit

  • Publié le 19 juillet 2019 à 09:12
  • Actualisé le 19 juillet 2019 à 09:23

La Zone verte de Bagdad, inaccessible à la population irakienne pendant 16 ans, a rouvert début juin, signe de l'amélioration de la situation sécuritaire. Celle de Kaboul, avec ses blocs de béton armé de six mètres de haut, s'étend au contraire toujours plus face aux menaces d'attentats.

Près de 30 km de murs en béton ont été retirés et 600 rues du centre de la capitale irakienne rendues à la population ces six derniers mois, indice d'un retour à une certaine normalité après des années de conflit en Irak depuis la chute de Saddam Hussein en 2003.

Un tel projet paraît incongru à Kaboul, l'un des endroits les plus dangereux d'Afghanistan, où les talibans et le groupe Etat islamique ont multiplié les attentats.

Si les attaques ont sensiblement baissé ces derniers mois, alors qu'Américains et talibans négocient une fin de crise, le pays est encore tout sauf stable. La Zone verte, qui couvre aujourd'hui une surface de 2 km carrés, est même en cours d'agrandissement.

Son "expansion" a été "planifiée en grande partie en direction de l'aéroport", relève une source sécuritaire requérant l'anonymat. Les travaux, démarrés entre fin 2017 et début 2018, "vont à un rythme très lent" car "des centaines de parcelles" doivent être détruites et leurs propriétaires relogés, ajoute-t-elle. Plusieurs responsables interrogés par l'AFP ont refusé de s'exprimer sur ce projet sensible.

- Ambassades et palais présidentiel -

La Zone verte de Kaboul vit bunkérisée. Tout autour, des kilomètres de T-Walls s'élèvent pour la protéger: des blocs de béton armé larges de 50 centimètres et faisant jusqu'à six mètres de haut.

Si on la qualifie de "verte", une couleur synonyme de situation apaisée dans le nuancier sécuritaire, c'est par opposition au reste de la ville, résolument rouge.

Erigée en 2001 après la chute des talibans, qu'une coalition menée par les Etats-Unis avait chassés du pouvoir, elle abrite la plupart des ambassades, le quartier général de l'Otan ou encore le palais présidentiel. Nombre d'hommes politiques de premier plan y vivent. Le ministère de la Défense y a aussi son siège.

Toute la journée, des hélicoptères la survolent. Gradés et personnels d'ambassades ne se rendent à l'aéroport, distant de moins de cinq kilomètres, que par les airs, par crainte d'attentats au sol.

Car la Zone a beau être considérée comme "verte", elle a été l'objet de nombreuses attaques. La plus meurtrière, l'explosion devant l'une de ses portes d'entrée d'un camion citerne piégé, a fait au moins 150 morts et 400 blessés en mai 2017. Plusieurs ambassades, dont celles de France et d'Allemagne, avaient alors été fortement endommagées.

Depuis, de nouvelles mesures de sécurité ont été prises "à l'intérieur et autour de la Zone verte", dont son extension, indique la source sécuritaire. Avant d'accéder en ville, et potentiellement à la Zone verte, les camions doivent désormais passer au travers d'un nouveau scanner proche de l'aéroport, selon un responsable, qui évalue son coût à 300 millions d'euros.

- "Kaboul est devenue moche" -

"La dernière fois que j'y ai conduit mon taxi, c'était sous le régime taliban", se souvient Shir Mohammad, un chauffeur de 48 ans. Seule une part infime de la population est autorisée à pénétrer dans ce quartier retranché. Les palpations corporelles sont alors de rigueur. Les véhicules sont, là encore, scannés. Seuls les 4x4 blindés munis de plaques diplomatiques peuvent se déplacer dans la majeure partie de ce secteur divisé en différents niveaux de sécurité.

Depuis 17 ans, les habitants de Kaboul sont ainsi privés d'accès au coeur de leur ville : la Zone verte coupe en deux le quartier Wakir Akbar Khan, autrefois lieu de résidence des riches familles du cru.

En outre, la fermeture des grands axes de l'intérieur de la Zone verte et les checkpoints armés qui la sécurisent congestionnent fortement la ville aux heures de pointe. Une réouverture des accès "réduirait considérablement la pression du trafic dans la ville", dit Shir Mohammad, le chauffeur de taxi.

Shukrullah Khan, un autre Kabouli, attend impatiemment le jour où "la Zone verte rouvrira au public", quand "tous les murs anti-explosion seront enlevés" autour de la zone bunkérisée et partout ailleurs dans la ville. Ces T-Walls "défigurent Kaboul, qui est devenue moche", soupire-t-il.

La municipalité tente de cacher leur laideur anxiogène en les recouvrant de fresques peintes par des artistes. Autant d'odes à la liberté et à l'art, aux antipodes de ce que représente la Zone verte, citadelle grise et triste dans un pays en conflit.

AFP

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