Syrie

A Idleb, le régime syrien engagé dans une "guerre d'usure"

  • Publié le 28 juillet 2019 à 11:14
  • Actualisé le 28 juillet 2019 à 11:21

Depuis trois mois en Syrie, l'aviation du régime et l'allié russe bombardent sans cesse la province d'Idleb, n'épargnant ni hôpitaux ni écoles. Car pour reprendre cette région dominée par les jihadistes, le pouvoir a engagé une "guerre d'usure", estiment des experts.

L'opposition au régime de Bachar al-Assad a dénoncé une "extermination", et l'ONU a condamné "l'indifférence" de la communauté internationale face à des bombardements qui ont tué des centaines de 700 civils et fait plus de 400.000 déplacés.

Dominée par les jihadistes de Hayat Tahrir al-Cham (HTS), l'ex-branche syrienne d'Al-Qaïda, la province d'Idleb dans le nord-ouest du pays en guerre accueille également d'autres factions extrémistes ainsi que des groupes rebelles affaiblis.

L'objectif des frappes aériennes et du pilonnage quasi-quotidien est de "faire pression sur les factions et leur base populaire", explique Nawar Oliver, chercheur au centre Omran basé à Istanbul. "Cette région accueille tous les Syriens de l'opposition, et les familles de combattants".

La moitié des trois millions d'habitants d'Idleb et de sa région sont des déplacés qui ont fui les combats dans d'autres régions ou ont refusé de rester dans des localités rebelles reconquises par le régime.

"L'usure engagée (par le régime) est terrifiante, avec la prise pour cible des civils, des établissements de santé et autres infrastructures", souligne M. Oliver.

- "Dernière bataille, dernière poche" -

Depuis fin avril, les bombardements de la province d'Idleb et des zones adjacentes contrôlés par les jihadistes ou les rebelles dans les provinces d'Alep, de Hama et de Lattaquié ont tué plus de 750 civils, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH).

Selon l'ONU, des établissements de santé ou des membres du personnel médical n'ont pas été épargnés, et 50 écoles ont été endommagées.

Cette escalade intervient malgré un accord conclu en septembre 2018 entre Moscou et Ankara, qui soutient certains rebelles, prévoyant une "zone démilitarisée" pour séparer les zones jihadistes ou insurgées des territoires gouvernementaux attenants. Mais certaines dispositions de l'accord n'ont pas été respectées.

L'accord russo-turc "a entraîné un report ou un arrêt temporaire de toute offensive terrestre du régime", estime M. Oliver. Mais la campagne aérienne pourrait préparer le terrain "à une opération terrestre".

Les bombardements se concentrent sur le sud d'Idleb et le nord de Hama, où des combats meurtriers opposent les prorégime aux jihadistes ou aux rebelles.

La Russie et le régime Assad "présentent Idleb comme la dernière bataille, la dernière poche terroriste", souligne M. Oliver.

Appuyé par ses alliés indéfectibles, la Russie et l'Iran, le pouvoir a reconquis plus de 60% du territoire. Mais outre Idleb, de vastes régions dans l'est et le nord-est lui échappent et restent aux mains de forces kurdes soutenues par Washington.

Damas a engagé des négociations sur le sort de ces régions, sans progrès. "La Russie (...) pousse pour que l'ensemble du territoire syrien soit sous contrôle du pouvoir d'Assad", analyse Samuel Ramani, chercheur à l'université d'Oxford versé sur la question syrienne.

- Influence turque -

Mais malgré la violence des combats, les loyalistes n'ont pas réalisé d'avancées stratégiques sur le terrain.

Pour des experts, cela s'explique principalement par le soutien militaire apporté par la Turquie voisine aux rebelles, et la présence de forces turques sur des postes d'observation dans le secteur.

"La Russie souhaite que la Turquie renonce à fournir une assistance militaire" aux rebelles car cet appui "entrave la progression" du régime, dit M. Ramani.

La Turquie, qui accueille environ 3,5 millions de réfugiés syriens, craint qu'une offensive d'envergure à Idleb ne provoque un afflux massif vers sa frontière.

Le risque est réel: de nombreux déplacés sont déjà installés dans des secteurs proches de la frontière. "Moscou peut accepter une influence accrue de la Turquie à Idleb, sur le court terme. Mais Damas exige de la Turquie un départ immédiat de Syrie", dit Nicholas Heras, expert du Center for a New American Security.

Néanmoins "stabiliser Idleb pour que les réfugiés puissent commencer à y retourner, se traduit par une influence turque encore plus grande", explique-t-il.

Dans ces conditions, reprendre Idleb, explique M. Ramani, "sera une lente guerre d'usure pour Assad".

AFP

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