Relations internationales

Syrie: Ankara et Washington vers la création d'une "zone de sécurité"

  • Publié le 7 août 2019 à 20:37
  • Actualisé le 8 août 2019 à 05:04

La Turquie et les Etats-Unis ont décidé mercredi d'établir un "centre d'opérations conjointes" pour coordonner la création d'une "zone de sécurité" dans le nord de la Syrie, une mesure visant à prévenir un affrontement entre forces turques et kurdes.

Cette annonce, chiche en détails, intervient après trois jours d'intenses négociations avec les Etats-Unis, qui cherchaient à éviter une nouvelle opération militaire turque contre les Unités de protection du peuple (YPG), une milice kurde qui contrôle des zones du nord de la Syrie.

Soutenues et armées par les Etats-Unis contre le groupe Etat islamique (EI), les YPG sont toutefois considérées par la Turquie comme une "organisation terroriste" menaçant sa sécurité.

Selon deux communiqués publiés séparément par le ministère turc de la Défense et l'ambassade américaine à Ankara, les deux pays se sont entendus pour mettre "rapidement" en place "un centre d'opérations conjointes en Turquie pour coordonner et gérer la mise en place de la zone de sécurité".

Aucun détail n'a cependant été dévoilé sur ce projet de "zone de sécurité", ni sur sa profondeur, ni sur les forces qui en auraient le contrôle, deux points où les divergences entre les deux parties étaient particulièrement fortes.
D'après la presse turque, Ankara réclamait une bande de 30 km de profondeur, bien plus que la formule proposée par Washington. En outre, la Turquie demandait à avoir le contrôle exclusif de cette zone.

Le communiqué publié par les Turcs et les Américains se borne à indiquer que des mesures "destinées à lever les inquiétudes de la Turquie" seraient prises "sans délai".
Vieille idée du président turc Recep Tayyip Erdogan, la création d'une "zone de sécurité" s'est imposée en janvier dernier lorsque le chef de l'Etat américain Donald Trump l'a évoquée au moment où Ankara semblait sur le point de lancer une opération d'envergure contre les YPG.

- "Couloir de paix" -

Mais après des mois de négociations tortueuses, Ankara avait multiplié les signes d'impatience ces derniers jours, menaçant de passer à l'offensive. Mardi encore, M. Erdogan affirmait qu'il lancerait "très bientôt" une opération si les discussions n'aboutissaient pas.

Les discussions semblent avoir brusquement progressé depuis mardi : avant la publication du communiqué mercredi, le ministre turc de la Défense Hulusi Akar avait qualifié de "positives" les négociations, se réjouissant du fait que les Américains s'étaient, selon lui, "rapprochés" des positions turques.
Le ministère turc de la Défense a indiqué mercredi que la "zone de sécurité" devait à terme devenir un "couloir de paix" où pourraient s'installer les réfugiés syriens, qui sont plus de 3,6 millions à avoir rejoint le Turquie.

Le soutien de Washington aux YPG empoisonne depuis plus de trois ans les relations entre la Turquie et les Etats-Unis, alliés au sein de l'Otan. Les YPG sont l'épine dorsale des Forces démocratiques syriennes (FDS), une coalition kurdo-arabe que les Etats-Unis et d'autres pays occidentaux, comme la France, ont appuyée et armée contre les jihadistes de l'EI.

Mais Ankara considère les YPG comme une "organisation terroriste" en raison de ses liens étroits avec le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), un groupe qui livre une sanglante guérilla sur le sol turc depuis 1984. La Turquie redoute que l'implantation d'une zone autonome kurde à sa frontière ne galvanise les velléités séparatistes sur son sol.

En 2016, l'armée turque a lancé une offensive terrestre dans le nord-ouest de la Syrie contre l'EI et les YPG. L'an dernier, elle a mené une deuxième offensive contre les combattants kurdes, s'emparant de l'enclave d'Afrine.
Cette fois, ce sont les territoires contrôlés par les YPG à l'est de l'Euphrate qui sont dans le collimateur d'Ankara. Ces dernières semaines, les médias turcs ont fait état de l'envoi de véhicules militaires et d'unités de commandos vers des localités turques à proximité de la frontière syrienne.

AFP

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