Près d'une ancienne mine

Aude: pollution dans la "vallée de l'arsenic", 38 enfants surexposés

  • Publié le 13 août 2019 à 19:19
  • Actualisé le 13 août 2019 à 20:32

Trente-huit enfants surexposés à l'arsenic selon le dernier bilan: 15 ans après sa fermeture, le legs de la mine d'arsenic de Salsigne (Aude), qui fut la plus grande au monde, alimente dans la région la crainte d'une pollution tenace et toxique.

"On est dans un pays où les règles ne sont pas les mêmes si on se trouve à Paris ou au fin fond de la province", s'emporte le maire de Lastours, Max Brail. "A Paris (où les travaux de décontamination des sols pollués au plomb après l'incendie de Notre-Dame viennent de débuter), on y met les moyens, mais chez nous, non", ajoute-t-il à l'AFP.

Fin juin, la découverte de taux d'arsenic plus élevés que la moyenne chez trois garçonnets avait confirmé les craintes des habitants sur de possibles écoulements provenant des déchets toxiques. Le 8 juillet, un dispositif de surveillance des populations de la vallée de l?Orbiel, au nord de Carcassonne, avait en conséquence été mis en place.

Un mois plus tard, les résultats sont sans appel: sur 103 enfants de 11 ans ou moins testés, 38 ont un taux d'arsenic dans l'urine par gramme de créatinine supérieur à 10 microgrammes/gramme, qui est la valeur de référence, indique mardi l'agence régionale de santé (ARS Occitanie). Dix d'entre eux ont même un taux supérieur à 15 µg/g.

"Lorsque la concentration trouvée est supérieure à la valeur de référence de 10 ?g/g, il est recommandé d?effectuer un prélèvement de contrôle 2 mois après avoir supprimé ou limité les sources d'exposition. En effet, un seul dosage ne peut montrer l'exposition au cours du temps puisque c'est le reflet d'une exposition récente, et non d'une exposition chronique", souligne l'ARS.

"En cas de seconde analyse au-delà de la valeur de référence, les équipes de l'ARS proposeront aux familles qui le souhaitent un accompagnement personnalisé à domicile", précise l'agence publique. Dans le cas de l'arsenic, l'ingestion par les habitants de certains aliments produits localement (légumes racines, légumes feuilles, champignons, plantes aromatiques?) ou d'eau de boisson contaminée "est très largement majoritaire", selon l'ARS.

- "Déplacer" les déchets -

Depuis 1999, des recommandations sanitaires ont été délivrées, mais des études ont mis en avant "des pratiques et des habitudes non-conformes comme par exemple l'usage d'eau provenant de puits privés ou de sources communales non contrôlés". Plus importante mine d'or d'Europe et première mine d'arsenic du monde, Salsigne a été exploitée pendant près d'un siècle jusqu'en 2004. Mais elle a légué des millions de tonnes de déchets toxiques stockés sur cinq sites alentour, dont certains, dénoncent des associations, ont perdu de leur étanchéité. Les inondations d'octobre 2018 (14 morts) ont accru les inquiétudes quant à la pollution des sols.

"Tant qu'on n'éradique pas la cause, on ne traite pas les problèmes", relève le maire de Lastours. "Il faut déplacer" les déchets toxiques stockés car "dès qu'il pleut, cela alimente le ruisseau du bas. On le sait et rien n'est fait" alors qu'il y a des "moyens considérables pour Notre-Dame, ce qui est normal par ailleurs". Pour le maire, les tests doivent en outre être étendus aux enfants de plus de 11 ans: "un gamin de 12 ans n'a pas le droit d'être rassuré? Il ne faut pas empêcher quelqu'un qui veut faire le test de le faire. On a le devoir de les accompagner", insiste-t-il.

Après les inondations de l'automne 2018, des taux d'arsenic élevés avaient été relevés dans la cour de l'école du village, des travaux ont été faits, le sol creusé sur 25 cm puis goudronné et "maintenant il n'y a plus d'arsenic", selon M. Brail. Mais le maire reste inquiet: "s'il y a de nouvelles crues, de nouvelles inondations, il y a un risque que l'école soit touchée".

AFP

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