Portrait

Lawrence d'Arabie, les années bretonnes d'une légende

  • Publié le 7 septembre 2019 à 11:44
  • Actualisé le 7 septembre 2019 à 12:44

Il y a vécu de trois à six ans. Il y est revenu presque chaque été de 18 à 22 ans: Thomas Edward Lawrence, plus connu sous le nom de Lawrence d'Arabie, a pris son indépendance en Bretagne, y développant les passions qui marqueront sa vie.

L'arrivée à Dinard en décembre 1891 de la famille Lawrence ne doit rien au hasard. La station balnéaire accueille alors "une importante communauté britannique qui a fait la renommée de la ville outre-Manche dès le début du XIXè siècle", rapporte Elsa Leborgne, en charge du patrimoine à la mairie.

Cette arrivée est aussi la conséquence d'une vie d'errance. Le père, Thomas Chapman de son vrai nom, a quitté l'Irlande et son ancienne épouse, dont il ne peut divorcer, pour vivre avec la gouvernante de ses quatre filles avec laquelle il aura cinq fils. Avant Dinard, la famille a séjourné au Pays de Galles, où naîtra Thomas Edward en 1888, puis l'Ecosse, l'île de Man, Jersey...

A 18 ans, à l'été 1906, il revient à Dinard, où les anciens logeurs de la famille l'accueillent à nouveau. "Vivement intéressé depuis la petite enfance par l'archéologie", l'encore adolescent se prépare à des études d'histoire, relate Henri Fermin, ancien conservateur du musée de la ville, qui a longuement analysé les lettres écrites par T. E. Lawrence durant ses séjours bretons.

Cet été-là, le jeune homme de petite taille parcourt des centaines de kilomètres sur sa bicyclette Morris, "une bicyclette de course à très grand développement", précise M. Fermin. "Fanatique de vitesse et d'endurance, il tente, comme plus tard au cours de sa vie, d'aller toujours jusqu'au bout de ses forces".

T.E Lawrence arpente la Bretagne nord en privilégiant les châteaux forts médiévaux. A propos de l'un d'eux, il écrit: "sur la poussière des marches, aucune trace de pas, excepté les miens". Souvent, il complète ses visites par des croquis.

A chaque étape, il envoie "une carte postale de l'endroit où il s'arrête" mais "n'écrit rien" car "l'envoi de cartes +blanches+ (sans rien d'écrit) coûte moins cher", relate M. Fermin qui dépeint "un jeune homme très près de ses sous".

- "Imbu de lui-même" -

A la fin du séjour, où son hôtesse lui a appris à nager, il s'est développé physiquement: "je commence à me sentir fier de moi", écrit-il. A travers les courriers, on découvre "le vrai caractère de Lawrence", assure M. Fermin qui a rédigé un livret et donné de nombreuses conférences sur "Lawrence d'Arabie à Dinard". L'écrivain brosse du futur héros de l'armée britannique un portrait peu amène.

"Il est très imbu de lui-même, arrogant, dédaigneux. Il cherche toujours à se mettre en avant et a une confiance absolue en lui. Il est méprisant vis à vis des autres (...). Il étale ses connaissances et il invente beaucoup. Par exemple, il raconte à une époque que son père avait un yacht, ce qui est totalement faux. Il avance à l?esbroufe", assure l'ancien conservateur.

Mais c'est aussi durant ces étés, qu'il développe "son goût pour la solitude et l'indépendance, qu'il se sent parfaitement capable de vivre à l'étranger et qu'il teste son endurance physique", analyse M. Fermin.

En août 1907, il revient avec son père. Un de ses souvenirs mémorables de cet été-là sera de s'être fait enfermer un soir dans le Mont-Saint-Michel, "la mer remontant la rue d'environ six mètres, les étoiles brillant avec une grande beauté".

En 1908, depuis Dinard, qui propose aujourd'hui aux promeneurs un "circuit Lawrence d'Arabie", il part, toujours à bicyclette, à la découverte de la France, jusqu'à la Méditerranée.

L'année suivante, il débarque au Proche-Orient: en trois mois de séjour, "il découvre, presque exclusivement à pied, une cinquantaine de châteaux forts" datant des Croisades, à commencer par le fameux krak des Chevaliers.

Il repassera une dernière fois par la Bretagne à l'été 1910, avant de repartir vers le Proche-Orient où la première guerre mondiale lui permettra d'écrire sa légende.

AFP

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