Terrorisme en Allemagne

"Il ne saluait personne": le tireur de Halle méconnu dans son village

  • Publié le 11 octobre 2019 à 11:13
  • Actualisé le 11 octobre 2019 à 11:19

Jardins entretenus, maisons aux façades rénovées et aux toits abritant des panneaux solaires, commerces variés: à première vue, Benndorf et ses 2.100 habitants a tout d'un village allemand paisible et plutôt chaleureux.

C'est pourtant là que vivait l'auteur de l'attentat de Halle visant une synagogue qui a fait deux morts et deux blessés, enfermé le plus souvent dans l'appartement de sa mère, car peu de monde le connaissait. Derrière les façades proprettes, cette bourgade n'en est pas moins, comme beaucoup d'autres dans l'ex-RDA socialement à la traîne de l'ouest du pays, confrontée à un chômage important sur lequel prospère l'extrême droite locale.

Stéphane Balliet, cet homme au crâne rasé adepte des théories conspirationnistes d'extrême droite, qui en tenue militaire et lourdement armé a tenté mercredi de pénétrer dans un synagogue pour y commettre, selon la justice, un "massacre" le jour de Yom Kippour, vivait dans un appartement HLM jaunâtre.

Il détonne au milieu des maisons individuelles. L'entrée de son immeuble rénové de deux étages, qui fait face à un autre bloc similaire relié par un jardinet, est bloquée depuis mercredi par un cordon de sécurité. Plusieurs camionnettes de police sont garées autour. "Je le voyais quand il faisait son jogging quelques fois dans la semaine. Il ne saluait personne", se souvient Paul Müller, habitant à quelques encablures. Au club de bowling ou au bar, lieux de socialisation privilégiés de Benndorf, personne ne l'a jamais croisé.

- A l'écart -

"Il était renfermé sur lui-même et n'est jamais allé voir les jeunes de son âge. Même quand il courait, il baissait la tête, comme s'il ne voulait parler à personne", explique à l'AFP le maire du village, Mario Zanirato, 73 ans.

L'élu connaissait cependant très peu Stephan Balliet, pas plus que sa mère, enseignante dans le village voisin, chez qui il vivait depuis "une dizaine d'années". "Tous les deux restaient à l'écart des autres", ajoute-t-il.
Enfant unique ayant abandonné ses études, Stephan Balliet, désormais en détention provisoire, passait la plus grande partie de son temps derrière un ordinateur. "Il était toujours en ligne", a expliqué jeudi son père au journal Bild.

En conflit avec son fils qu'il voyait occasionnellement, son père le décrit comme quelqu'un de solitaire: "il n'était ni en paix avec lui-même ni avec le monde, il blâmait les autres". Jeudi soir, plusieurs agents de la police criminelle inspectaient encore la maison du père situé dans le village voisin de Helbra.

- Pas de perspective -

Horrifié par son geste et "préférant penser aux victimes avant le village, qui lui s'en remettra", le maire de Benndorf voit dans la situation sociale délicate de sa région une explication possible pour la fusillade de Halle. "Les inégalités ont explosé ici: dans le village, on compte 11% de chômeurs (le double de la moyenne nationale, ndlr), auxquels s'ajoutent 13% de gens survivants grâce aux minima sociaux. Le reste, ce sont principalement des retraités. Les jeunes n'ont aucune perspective!", s'énerve M. Zanirato.

La fermeture de la mine de charbon en 1990 a mis "38.000 personnes au chômage" dans le coin et "beaucoup ne s'en sont pas remis", peste l'édile, élu depuis 20 ans, qui reproche aux différents partis "de les avoir abandonnés". "Et si vous avez des personnes perdues, sans repères, le chemin vers ces 'saletés d'idées brunes' est court et peut pour certains constituer une échappatoire", veut croire le maire sans étiquette.

Cette région a longtemps été dominée par le parti conservateur d'Angela Merkel (CDU), avec pour principal opposant la gauche radicale, héritière du parti communiste de RDA. C'est désormais l'extrême droite de l'Alternative pour l'Allemagne (AfD) qui a endossé ce rôle. Elle est même arrivée en tête lors des dernières élections européennes de 2019 avec 24% des voix. "Nous devons restés vigilants et ne pas baisser les bras", estime M. Zanirato, fier de ses origines italiennes.

AFP

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