Ras al-Aïn

Syrie: les combats continuent dans une ville frontalière malgré la trêve annoncée

  • Publié le 18 octobre 2019 à 13:33
  • Actualisé le 18 octobre 2019 à 14:20

Des combats sporadiques secouaient vendredi matin Ras al-Aïn, ville du nord syrien frontalière avec la Turquie, malgré l'annonce d'une trêve de cinq jours dans l'offensive turque contre les forces kurdes dans cette région, arrachée par les Etats-Unis après neuf jours d'une opération meurtrière.

Une correspondante de l'AFP présente côté turc de la frontière a pu entendre en début de matinée des frappes d'artillerie et des explosions tandis que des volutes de fumée blanche s'élevaient dans le ciel du côté syrien.

"Il y a des tirs d'artillerie sporadiques et on peut entendre des tirs dans la ville de Ras al-Aïn", a indiqué pour sa part à l'AFP le directeur de l'Observatoire syrien des Droits de l'Homme (OSDH), Rami Abdel Rahmane. Selon lui cependant, les autres régions près de la frontière sont calmes.

L'offensive lancée par Ankara le 9 octobre avec des supplétifs syriens a ouvert un nouveau front dans la Syrie en guerre depuis 2011, où les forces kurdes partenaires des Occidentaux dans la lutte contre le groupe Etat islamique (EI) ont accusé Washington de les avoir abandonnées.

- "Mépris honteux" -

Après avoir multiplié les prises de positions contradictoires, les Etats-Unis ont finalement oeuvré pour obtenir jeudi soir une suspension pendant cinq jours de l'opération qui a permis aux forces turques et à leurs supplétifs syriens de conquérir une bande frontalière de près de 120 km, allant de la ville de Tal Abyad à Ras al-Aïn.

Pour permettre un retrait des forces kurdes "sous 120 heures, toutes les opérations militaires dans le cadre de l'opération (turque) +Source de Paix+ vont être suspendues et l'opération sera complètement arrêtée une fois ce retrait achevé", a déclaré le vice-président américain Mike Pence à la presse à l'issue de plus de quatre heures d'entretiens avec le président turc Recep Tayyip Erdogan.

"Nous sommes prêts à respecter le cessez-le-feu", a annoncé de son côté Mazloum Abdi, le chef des Forces démocratiques syriennes (FDS), alliance dominée par les combattants kurdes. Ras al-Aïn a été conquise à moitié par les forces turques, d'après l'OSDH. Mais les FDS ont livré une résistance farouche.

Dans un communiqué vendredi, Amnesty International a accusé "les forces militaires turques" et les rebelles proturcs d'avoir "fait preuve d'un mépris honteux pour les vies civiles", évoquant des "preuves accablantes de crimes de guerre".

Les autorités kurdes ont tenté de dépêcher vendredi une équipe médicale à Ras al-Aïn pour tenter d'évacuer les blessés des derniers jours, a indiqué à l'AFP Hassan Amin, un responsable de l'hôpital de Tal Tamr, une ville voisine plus au sud. "La situation des blessés est critique et leur nombre élevé", a indiqué le responsable, assurant que "l'équipe médicale n'avait pas été autorisée à entrer" dans la ville, l'OSDH accusant les rebelles proturcs.

A l'hôpital de Tal Tamr, sept blessés sont arrivés des environs de Ras al-Aïn, secteur touché par des tirs d'obus des rebelles pro-turcs, selon M. Amin. L'opération turque a tué 72 civils, et 231 combattants des FDS, selon un dernier bilan de l'OSDH, qui indique également que 187 combattants pro-turcs ont péri. Environ 300.000 personnes ont été déplacées par les combats, selon l'OSDH.

La Turquie a fait état de la mort de six soldats turcs en Syrie et de 20 civils tués dans les villes frontalières par des tirs des combattants kurdes syriens.
Le président américain Donald Trump s'est félicité de la trêve annoncée.

- "Deux gamins" -

Mais M. Trump, qui avait annoncé le 6 octobre le retrait des forces américaines stationnées dans la région, a également expliqué qu'il avait sciemment décidé de laisser les Turcs et les Kurdes se lancer dans cette bataille féroce parce qu'ils étaient "comme deux gamins". "Comme deux gamins, on les laisse se bagarrer un peu, et puis on les sépare", a-t-il lancé lors d'un déplacement au Texas.

Des remarques été jugées "choquantes" par Brett McGurk, l'ancien envoyé spécial de la présidence américaine auprès de la coalition anti Etat islamique.
La Turquie attend des forces kurdes qu'elles se retirent d'un secteur d'une profondeur de 32 km.

Ce secteur doit être transformé à terme en "zone de sécurité", l'objectif étant d'éloigner de la frontière la milice kurde des Unités de protection du peuple (YPG), mais aussi d'y installer une partie des 3,6 millions de réfugiés syriens vivant en Turquie.

Ankara n'a pas précisé la longueur de ce secteur. Par le passé le président Erdogan avait menacé de pousser son offensive sur près de 480 km, jusqu'à la frontière irakienne.

L'opération turque a rebattu les cartes en Syrie. En vertu d'un accord avec les forces kurdes, le régime de Damas est revenu dans des régions qui lui échappaient depuis des années et Moscou a rempli le vide laissé par les forces américaines. Quant aux pays occidentaux, ils craignent une résurgence de l'EI, qui profiterait du chaos sécuritaire provoqué par l'offensive.

AFP

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