Après un voyage aux accents très personnels

Le pape quitte le Japon, où il a martelé son rejet de l'arme nucléaire

  • Publié le 26 novembre 2019 à 11:36
  • Actualisé le 26 novembre 2019 à 16:24

Le pape a quitté mardi le Japon après un voyage aux accents très personnels, centré sur son rejet total de l'arme atomique et au cours duquel il a aussi soulevé des questions sur l'usage civil de l'énergie nucléaire.

François attendait depuis longtemps cette première rencontre avec cet archipel où il rêvait jeune d'être missionnaire. En foulant le sol du Japon, le premier pape jésuite de l'histoire a suivi les traces d'un des fondateurs de la Compagnie de Jésus, François-Xavier, arrivé comme missionnaire dans le sud-ouest du pays en 1549.

Le point d'orgue de son périple de quatre jours a été sa rencontre chargée d'émotion à Nagasaki puis Hiroshima avec des survivants de la bombe atomique dans ces deux villes martyres en 1945. Il y a salué un à un des rescapés du feu nucléaire, appelés "hibakusha" au Japon, venus à sa rencontre, échangeant quelques mots avec les uns, serrant leurs mains, enveloppant dans ses bras une femme en larmes.

"Ici, dans une lueur d'éclair et de feu, de tant d'hommes et de femmes, de leurs rêves et de leurs espérances, il n'est plus resté qu'ombre et silence", a lancé le pape à Hiroshima, où le 6 août 1945 fut larguée par les Américains une bombe atomique, pour la première fois dans l'histoire. François a qualifié de "crime" l'usage de l'atome à des fins militaires et a démonté la doctrine de la dissuasion nucléaire, une "fausse sécurité" qui envenime au contraire les relations entre les peuples, selon lui.

- Les larmes de ses parents -

L'horreur de la guerre et des armes s'inscrit dans la continuité des papes qui l'ont précédé. Mais un rejet clair de la théorie de la dissuasion nucléaire est en rupture avec le passé. Devant l'ONU en 1982, Jean-Paul II avait défini cette doctrine comme un mal nécessaire "dans les conditions actuelles".

Le pape François a fustigé dans son ensemble "la course aux armements" qui "gaspille de précieuses ressources". Sa visite a été l'occasion pour des survivants des bombes atomiques d'évoquer leurs terribles séquelles physiques et psychologiques. "Même si vous surviviez, vous ne pouviez plus vivre comme des humains ni mourir comme des humains", avait expliqué Sakue Shimohira, 85 ans, à la presse à Nagasaki, ville frappée le 9 août 1945.

A Hiroshima, dans un message lu pour lui devant le pape, Koji Hosokawa, qui avait 17 ans en 1945, avait évoqué les "préjugés" qui isolent les victimes irradiées, appelant le monde à comprendre que "les bombes atomiques ont été larguées non pas sur Hiroshima et Nagasaki mais sur l'humanité tout entière".
François, jeune enfant, avait perçu cette idée dans sa lointaine Argentine en voyant couler les larmes de ses parents lorsqu'ils avaient appris le bombardement nucléaire au Japon.

- Pape star à la messe -

Le pape a aussi réconforté lundi des victimes du "triple désastre" (séisme, tsunami et accident nucléaire de Fukushima) du 11 mars 2011 dans le nord-est du Japon. Il a alors évoqué la "préoccupation" suscitée par l'usage de l'énergie atomique, et appelé à une mobilisation renforcée pour aider les 50.000 personnes encore déplacées à cause de la contamination nucléaire dans leur région. Il a appelé à "la prise de décisions courageuses (...) concernant les futures sources d'énergie".

Il a aussi eu lundi un échange jovial avec des jeunes tout en abordant des sujets difficiles comme le harcèlement à l'école, très répandu au Japon.
Accueilli en rock-star dans un stade de Tokyo, il a célébré une messe devant 50.000 personnes, utilisant l'occasion pour faire allusion à des maux de ce pays riche en proie à des pressions sociales, à l'isolement de certains, où "beaucoup de personnes se sentent perdues et inquiètes, sont accablées par trop d'exigences".

Farouchement opposé à la peine de mort, François n'a cependant rien dit publiquement sur le sujet durant sa visite au Japon, où la peine capitale est toujours pratiquée.

Il s'est entretenu lundi avec le nouvel empereur Naruhito puis avec le Premier ministre japonais Shinzo Abe.
Le retour au Vatican du chef des 1,3 milliard de catholiques boucle une tournée en Asie qui l'avait mené auparavant en Thaïlande, pays où les catholiques, comme au Japon, sont ultra-minoritaires (moins de 0,6% de la population de ces deux Etats).

AFP

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