Climat

Vers un zéro pointé à l'épreuve de l'urgence climatique

  • Publié le 13 décembre 2019 à 07:00
  • Actualisé le 13 décembre 2019 à 09:32

La science réclame des actions urgentes et radicales pour éviter la catastrophe climatique, mais la conférence climat de l'ONU qui doit finir vendredi ne sera pas à la hauteur, même si le texte le plus ambitieux sur la table est adopté par les Etats.

Etats-Unis, Chine, Inde, Japon... Pendant ces deux semaines de réunion, les plus grands pays émetteurs de gaz à effet de serre n'ont pas fait d'annonces indiquant une volonté de faire plus et plus vite contre le réchauffement de la planète qui amplifie un peu partout tempêtes, canicules ou inondations. Seule la Commission européenne, depuis Bruxelles, a présenté un "pacte vert" qui vise la neutralité climatique de l'UE d'ici 2050. Et, "signal fort", selon le président du Conseil européen, Charles Michel, les Pays de l'Union européenne, moins la Pologne, ont endossé cet objectif ambitieux, lors d'un sommet à Bruxelles jeudi soir. La Pologne, très dépendante du charbon, a refusé de s'engager dans l'immédiat, sans toutefois bloquer les conclusions, ont expliqué plusieurs sources européennes.

Pour que l'espoir de limiter le réchauffement à +1,5°C, objectif idéal de l'accord de Paris, ne s'envole pas, il faudrait réduire les émissions de CO2 de 7,6% par an, chaque année dès l'an prochain et jusqu'à 2030, ce qui nécessiterait une transformation inédite de l'économie mondiale.

A l'inverse, les émissions continuent à croître.

Au rythme actuel, le mercure pourrait gagner jusqu'à 4 ou 5°C d'ici la fin du siècle par rapport à l'ère pré-industrielle. Et même si les quelque 200 signataires de l'Accord de Paris respectent leurs engagements de réduction des émissions, le monde pourrait gagner plus de 3°C.

Les millions de jeunes descendus dans les rues dans les pas de l'adolescente suédoise Greta Thunberg et le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres, qui a exhorté les hommes à arrêter de faire la "guerre" à la planète, risquent d'être plus que déçus. "Nous sommes consternés par l'état d'avancement des négociations", a dénoncé jeudi Omar Figueroa Figueroa, ministre de l'Environnement de Belize, qui préside un groupe de 44 Etats insulaires, particulièrement vulnérables. Le groupe a notamment accusé Etats-Unis, Canada, UE, Japon et Australie de ne pas respecter leurs promesses en matière d'aide financière aux pays du Sud. Mais alors que le slogan de cette COP était "Time for action" (il est temps d'agir), c'est sur la question centrale de l'ambition que la ligne de fracture a été la plus évidente.

- "Un monde imaginaire" -

"Les deux visions sont très claires, entre ceux qui veulent aller plus vite et ceux qui veulent se retrancher derrière ce qui ne fonctionne pas, afin de ne pas avancer", a déclaré la ministre espagnole de l'Environnement Teresa Ribera, dont le pays a accueilli la réunion au pied levé après le désistement du Chili. Dans le viseur des défenseurs du climat, évidemment les Etats-Unis, qui ont officialisé leur retrait de l'accord de Paris l'an prochain. Mais aussi des pays émergents, comme la Chine, l'Inde et le Brésil, qui ont clairement dit cette semaine qu'ils ne prévoyaient pas de réhausser leurs ambitions prochainement.

"Si mes engagements sont déjà en ligne avec l'accord de Paris, pourquoi devrais-je les réviser encore?", a lancé le négociateur indien Ravi Shankar Prasad. Pour beaucoup d'Etats, ce n'est de toute façon que la COP26 à Glasgow en novembre 2020 qui doit répondre à cette demande d'ambition. Alors d'ici là "tout le monde joue l'attente", a commenté Laurence Tubiana, architecte de l'Accord de Paris. Le relèvement des contributions pour Glasgow sera "une négociation politique au plus haut niveau, c'est Xi Xinping qui va décider pour la Chine, c'est Modi qui va décider pour l'Inde", a-t-elle déclaré à l'AFP.

Alors le texte final qui doit être adopté vendredi --ou plus tard, les COP ayant l'habitude de déborder-- pourrait juste appeler les Etats à bien présenter l'an prochain de "nouveaux" engagements. Ou au mieux, des engagements "à la hausse", selon les observateurs. "Au fond, c'est comme si ce qui se passait dans le monde réel et dans les rues, les manifestants, n'existaient pas", a commenté Alden Mayer, observateur de longue date de ce processus. "On est dans un monde imaginaire ici".

La présence inédite à cette COP de dizaines de jeunes du monde entier, avec en guest star la personnalité de l'année du magazine Time Greta Thunberg, a plus que jamais exposé ce fossé. "Les solutions sont juste sous nos yeux. Mais où sont les champions? Où sont les leaders? Où sont les adultes dans la salle?", a ainsi lancé la patronne de Greenpeace Jennifer Morgan, laissant éclater sa colère sous les applaudissements. "Le coeur de l'Accord de Paris bat toujours, mais à peine".

AFP

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