Proche-Orient

Conflit israélo-palestinien: la paix, objectif introuvable du plan Trump

  • Publié le 25 janvier 2020 à 20:26
  • Actualisé le 26 janvier 2020 à 06:53

Un plan de paix qui n'a aucune chance d'aboutir à la paix: c'est le paradoxe du projet d'accord israélo-palestinien que doit présenter d'ici mardi Donald Trump après avoir pourtant fait perdre aux Etats-Unis leur statut de médiateur à force de favoriser Israël.

Ce plan censé, dans l'esprit du président américain, permettre "l'accord ultime" entre Israéliens et Palestiniens qu'aucun de ses prédécesseurs n'est parvenu à obtenir, a été concocté dans la plus grande discrétion depuis 2017 sous la houlette de son gendre Jared Kushner.

Sa présentation a été reportée plusieurs fois, prise au piège des élections israéliennes à répétition qui peinent à faire émerger un gouvernement.
Alors pourquoi maintenant, un mois avant un nouveau scrutin dans l'Etat hébreu?

Parce que "ça n'a aucun lien avec la paix", tranche Dennis Ross, ex-négociateur américain pour le Proche-Orient. "C'est la première initiative de paix dont l'objectif n'a rien à voir avec les Israéliens et les Palestiniens, rien à voir avec le processus de paix, rien avoir avec l'ouverture de négociations", renchérit Aaron David Miller, qui a eu un parcours similaire.

La mise en scène est d'ailleurs surprenante. Au lieu de réunir les dirigeants des deux camps en conflit pour leur soumettre son plan, Donald Trump a convié dans le Bureau ovale le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu... et son rival politique aux élections du 2 mars, Benny Gantz.

De fait, l'Autorité palestinienne a rompu avec le locataire de la Maison Blanche quand il a reconnu Jérusalem comme capitale d'Israël, fin 2017. Une décision choc suivie par d'autres en faveur de l'Etat hébreu et contre les Palestiniens, qui jugent depuis que Washington ne peut plus prétendre au rôle de "médiateur impartial".

- Coup de pouce -

D'autres raisons permettent donc d'expliquer le timing de cette annonce. D'abord, estime Aaron David Miller, maintenant expert au cercle de réflexion Carnegie Endowment for International Peace, l'équipe Kushner veut "démontrer qu'elle a vraiment un plan" -- à force d'attendre, et à l'approche de la présidentielle américaine de novembre, il risquait de rester dans un tiroir.

A court terme, ajoute Dennis Ross, "tout ce qui peut permettre de faire diversion" est aussi "bienvenu" pour Donald Trump et Benjamin Netanyahu, aux prises respectivement avec un procès en destitution et une inculpation pour corruption.

Le milliardaire américain, qui peut espérer ainsi consolider sa cote auprès des électeurs chrétiens évangéliques très attachés à la cause israélienne, veut aussi probablement donner un coup de pouce à "Bibi", son "ami" qui joue sa survie politique.

"Netanyahu pense probablement que cela va le mettre en position de force pour rester Premier ministre dans un gouvernement d'union nationale", ajoute cet expert du Washington Institute for Near East Policy.

Sur le plus long terme, Jared Kushner et l'ambassadeur des Etats-Unis à Jérusalem David Friedman, réputés être très pro-israéliens, veulent selon ces deux spécialistes laisser une trace en modifiant durablement la position américaine.

C'est ce qu'ils ont commencé à faire: Washington a reconnu la souveraineté israélienne sur le plateau du Golan syrien, a cessé de parler de la Cisjordanie comme d'un territoire "occupé" et ne considère plus les colonies israéliennes comme "contraires au droit international".

- Deux Etats? -

Autant de coups au consensus international forgé par des décennies de diplomatie mais critiqué par l'administration Trump comme "inefficace". Si l'on sait peu du contenu du plan, de nombreux observateurs, comme Dennis Ross et Aaron David Miller, s'attendent à ce qu'il confirme cette tendance.

Il pourrait ainsi donner un feu vert à l'annexion d'une partie de la Cisjordanie par Israël, et faire de la Vallée du Jourdain la frontière orientale de l'Etat hébreu. Si certains quartiers de Jérusalem-Est pourraient être placés sous contrôle palestinien, le statut de cette partie de la ville sainte comme capitale d'un futur Etat de Palestine reste plus qu'incertain.

Y aura-t-il d'ailleurs un Etat palestinien dans la proposition américaine? Donald Trump et Jared Kushner ont refusé jusqu'ici d'utiliser le terme, rompant avec la position traditionnelle de la communauté internationale en faveur d'une solution "à deux Etats".

Si le plan en prévoit un, il "n'aura d'Etat que le nom", "démilitarisé", bien en deçà des attentes des Palestiniens qui veulent récupérer tous les territoires annexés en 1967, prédit Dennis Ross.

Les partisans de la démarche de la Maison Blanche ont longtemps compté sur les relations nouées par Jared Kushner avec les monarques du Golfe, ainsi que sur les contacts informels entre certains pays arabes et Israël.

Leur espoir: que l'Arabie saoudite presse l'Autorité palestinienne d'accepter le plan de paix, et tirer ainsi profit de son volet économique dévoilé en juin, avec 50 milliards de dollars d'investissements internationaux sur dix ans. Mais Aaron David Miller "doute" d'un tel scénario. "Au mieux, ils diront +peut-être+ pour ne pas s'aliéner Trump".

AFP

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