Liban

Le gouvernement obtient la confiance du Parlement malgré l'opposition de la rue

  • Publié le 11 février 2020 à 22:02
  • Actualisé le 12 février 2020 à 06:15

Le Parlement libanais a accordé mardi sa confiance au nouveau gouvernement honni par la rue, faisant fi de l'opposition de centaines de manifestants dispersés par les forces de l'ordre avec des gaz lacrymogènes et des canons à eau.

Ayant investi les rues dès l'aube pour empêcher les députés d'accéder au Parlement dans le centre-ville de Beyrouth, les contestataires ont lancé des oeufs et des pierres sur les voitures de certains parlementaires et les barricades en béton érigées par les forces de sécurité, a constaté un correspondant de l'AFP.

Enveloppés dans des drapeaux libanais et scandant "pas de confiance", les manifestants ont dénoncé un Parlement "illégitime" et un gouvernement qui ne répond pas selon eux aux aspirations de la contestation.

Cela n'a pas empêché le Parlement d'accorer sa confiance lors du vote qui s'est tenu en soirée, au terme d'une séance marathon de huit heures axée sur la "déclaration ministérielle", qui définit les grandes lignes du programme gouvernemental.

"Félicitations", a déclaré le président du Parlement Nabih Berri, sous les applaudissements des députés, lors d'une séance retransmise en direct sur les chaînes locales. Sur les 84 députés présents, le gouvernement a obtenu 63 votes favorables, vingt contre et un parlementaire s'est abstenu. Juste avant le vote, le Premier ministre Hassan Diab avait une nouvelle fois assuré que son gouvernement "adoptait les revendications du soulèvement, qui a provoqué un tremblement de terre dans le pays".

Il avait promis plus tôt un "plan d'urgence" d'ici la fin du mois. "Chaque jour où (ce plan) n'est pas mis en oeuvre coûte au pays davantage de pertes", a-t-il martelé.

Dans un pays au bord de l'effondrement économique, le soulèvement inédit lancé le 17 octobre réclame le départ de toute la classe politique, accusée de corruption et d'incompétence. "Nous sommes ici pour rejeter le gouvernement (de Hassan) Diab et dire que le peuple libanais ne fera aucunement confiance à ce cabinet", affirmait tôt mardi Christopher, manifestant de 26 ans.

Même si certains ministres sont qualifiés, ils dépendent des "partis qui ont détruit le pays", affirme-t-il, entouré de manifestants venus d'aussi loin que Tyr et Saïda, dans le sud, ou encore de Tripoli, dans le nord.

- Répression -

Dans la rue, les affrontements entre manifestants et forces de l'ordre ont fait plus de 370 blessés, dont certains souffrant de difficultés respiratoires sous l'effet des gaz lacrymogènes, a indiqué la Croix-Rouge libanaise, précisant que 45 personnes ont été hospitalisées. Un député a également été blessé par les manifestants, mais a finalement rejoint la Chambre après un passage à l'hôpital. En début de soirée, la mobilisation avait faibli.

L'ONG Human Rights Watch (HRW) a fustigé la répression des manifestants. "Au moment où le Premier ministre Hassan Diab évoquait devant un Parlement à moitié vide l'importance du droit de manifester, les forces de sécurité lançaient des gaz lacrymogènes et frappaient des gens à l'extérieur" de l'hémicycle, a déploré HRW.

Les contestataires réclamaient un gouvernement de technocrates, totalement indépendants de la classe politique, fustigeant un système politique confessionnel ayant longtemps alimenté selon eux la corruption et le clientélisme. Or l'équipe gouvernementale actuelle a été formée le 21 janvier au terme de plusieurs semaines de tractations âpres entre les partis qui jouissent de la majorité au Parlement, notamment le Hezbollah et le Courant patriotique libre (CPL) du président Michel Aoun.

Hassan Diab, universitaire peu connu et ancien ministre de l'Education, chargé de former un gouvernement après la démission de son prédécesseur Saad Hariri fin octobre, sous la pression de la rue, a promis de porter les demandes de la rue.

- Défis titanesques -

Mais le nouveau gouvernement est confronté à des défis titanesques, dans un pays croulant sous une dette avoisinant les 92 milliards de dollars, soit plus de 150% du PIB, faisant craindre un défaut de paiement.

En parallèle, les banques ont instauré des restrictions drastiques sur les retraits en dollars --dans un pays où le billet vert est utilisé au même titre que la livre libanaise--, sur fond d'une pénurie des liquidités, accélérant une dépréciation de la monnaie nationale sur le marché parallèle.

Le chômage déjà élevé avant la contestation, notamment parmi les jeunes, a bondi ces derniers mois avec la suppression de 220.000 emplois depuis octobre, selon l'institut de sondage local Infopro.

La Banque mondiale a averti en novembre que la moitié de la population au Liban pourrait bientôt vivre sous le seuil de pauvreté. Dans la rue, la méfiance à l'égard du pouvoir reste de mise. "Bien sûr que nous sommes confiants - qu'ils aideront les banques au détriment de la population", pouvait-on lire mardi sur une pancarte brandie par les manifestants.

AFP

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