Bosnie

Dans le sanctuaire de Medjugorje, il n'y a plus de pèlerins pour voir la Vierge

  • Publié le 10 avril 2020 à 12:07
  • Actualisé le 10 avril 2020 à 12:40

Sur la place de la Madone, les panneaux qui intiment le "silence" à des pèlerins absents paraissent futiles: la pandémie du nouveau coronavirus a transformé le sanctuaire marial de Medjugorje, en Bosnie, en site fantôme.

Avant Pâques, durant la Semaine sainte, le sanctuaire est normalement une fourmilière où se côtoient des milliers de catholiques du monde entier. Mais 39 ans après les premières apparitions présumées de la Vierge Marie à des fidèles, il est désert pour la première fois.

Les portes de l'église Saint-Jacques sont fermées, les prêtres franciscains qui gèrent le site sont en confinement. Rodica Popa, 57 ans, accède sur "Gospin trg" (place de la Madone) et se dirige vers une statue blanche représentant la Vierge Marie. Elle embrasse une croix et recule de deux pas pour prononcer une prière, les paumes des mains tournées vers le ciel bleu.

"C'est très étrange", dit cette fidèle roumaine qui revient depuis plus de 20 ans dans la petite bourgade du sud de la Bosnie-Herzégovine, visitée chaque année par des millions de pèlerins. Coiffée d'un bob bleu, sourire radieux, elle raconte avoir décidé de rester à Medjugorje lorsque les pays ont commencé à fermer leurs frontières. La situation dans sa ville de Deva, en Roumanie, est "encore pire".

"Je suis venue il y a un mois. Au bout d'un moment, j'ai remarqué la transformation. Je ne comprenais pas ce qui se passait et j'ai demandé à quelqu'un qui m'a parlé du coronavirus", dit-elle. "J'ai alors réfléchi: rentrer ou rester. J'ai décidé de rester pour passer ici le temps pascal". Tous les jours, elle se recueille devant la statue de la Vierge, avant de remonter un chemin de croix sur la colline de Krizevac, dominant le village.

- "Grandir dans la foi" -

Le Covid-19 qui a coûté la vie à plus de 90.000 personnes dans le monde a également contaminé plusieurs soeurs et prêtres d'un couvent du site transformé en lieu de quarantaine. Les apparitions de Medjugorje ne sont pas officiellement reconnues par le Vatican. Les premières remonteraient à 1981, lorsque six enfants et adolescents du village avaient raconté en avoir été témoins. Depuis, la Vierge Marie serait réapparue régulièrement, voire quotidiennement, à plusieurs de ces enfants aujourd'hui adultes.

Face aux controverses suscitées par ces nombreuses apparitions refusées par le pape François, l'Eglise a mené plusieurs enquêtes, la dernière entre 2010 et 2014, toujours sans conclusions définitives. Mais le Vatican ne s'oppose pas aux pèlerinages. Le pape a même nommé en 2018 un archevêque polonais, Mgr Henryk Hoser, visiteur apostolique sur place, pour veiller sur l'accueil pastoral des pèlerins.

Ces dernières années, leur nombre "augmentait constamment", déclare le jardinier du sanctuaire, Jakov Gaspar, 59 ans, qui s'occupe des fleurs sur le parvis de l'église. "Medjugorje a une force qui attire les gens. Cette épreuve portera certainement ses fruits. Ceux qui grandissent dans la foi, grandiront après encore plus vite", dit-il. Les messes sont retransmises en ligne. Selon le site officiel du sanctuaire, plus de trois millions de personnes dans le monde ont suivi celle du 5 avril.

- Pire que la guerre -

Dans les rues désertes de la localité de 2.300 habitants, essentiellement des Croates catholiques, les échoppes de souvenirs religieux sont fermées, tout comme les hôtels et restaurants. "Nous devons être patients", raconte Manoj Kumar Gupta, 54 ans, un Indien marié à une Bosnienne, qui vit là depuis plus de 20 ans. "Quand la situation s'améliorera ailleurs, ça va s'améliorer chez nous aussi. Nous sommes tous liés par ça aujourd'hui", ajoute ce vendeur de souvenirs.

Pour certains, les choses sont encore plus difficiles que pendant le conflit intercommunautaire des années 1990 qui avait fait 100.000 morts. "C'était mieux pendant la guerre", lance Frane Jerkovic, 57 ans, propriétaire d'une pension et d'un hôtel. Medjugorje avait été épargné par les combats. "A l'époque, les routes vers l'Europe étaient ouvertes, les pèlerins continuaient à venir du monde entier", dit-il. Il explique malgré tout avoir décidé de ne pas licencier ses dix employés.

Lorsque, en fin de journée, retentissent les cloches de l'église Saint-Jacques, l'Italien Gino Di Grano, qui vit à Medjugorje depuis une dizaine d'années, est seul sur le parvis. Il prie, agenouillé face aux portes fermées de l'église. "La meilleure chose que nous pouvons faire maintenant, comme la Vierge l'a dit à maintes reprises, est d'être avec notre Dieu Jésus. Et je suis sûr qu'il nous aidera très bientôt à sortir de cette situation", dit-il.

AFP

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