Le suivi numérique des citoyens est-il nécessaire pour accélérer le retour à la vie normale malgré le coronavirus? Des applications pour smartphones qui vous préviendraient si vous avez été en contact avec une personne infectée sont à l'étude, malgré les doutes sur le respect de la confidentialité des données.
Voici les réponses aux questions les plus courantes sur le "traçage".
- Qu'est-ce que c'est?
Les applications utiliseraient ensuite le système Bluetooth des portables pour communiquer entre elles et déterminer si un utilisateur a été en contact avec un malade, grâce notamment à la localisation des appareils.
L'utilisateur recevrait alors une alerte lui priant de se placer en quarantaine, pour le bien de tous.
Plusieurs équipes de chercheurs travaillent sur ce système, qui a déjà été utilisé à Singapour.
La semaine dernière, les deux géants du marché du mobile Apple et Google ont même annoncé collaborer pour améliorer la coordination entre leurs systèmes d'exploitation respectifs (iOS et Android).
Cette numérisation du suivi des déplacements et des contacts humains remplacerait celui, plus long et difficile, organisé "manuellement" par le personnel médical, explique Francesco Benedetti, un chercheur du prestigieux Massachusetts Institute of Technology (MIT) travaillant sur ce sujet avec plus de 30 pays ou agences de santé.
"Les docteurs perdent beaucoup de temps en interrogeant" leurs patients pour essayer de remonter la chaîne de transmission du virus, ajoute-t-il. Numériser ce suivi serait beaucoup plus efficace, "car il ne reposerait alors plus sur la mémoire des gens".
- Comment cela peut-il aider?
Pour Francesco Benedetti, ce système de contrôle peut aider à déterminer "ce que l'on peut rouvrir en toute sécurité".
Avec le temps, le système peut traiter les données sur comment le coronavirus a été transmis, permettant une "quarantaine plus ciblée" qui ne nécessiterait pas que tout le monde reste cloîtré chez lui.
- Quelles limites?
"Si les gens comprennent que cela va les protéger, ils vont l'utiliser", ajoute-t-elle.
Francesco Benedetti assure pour sa part qu'une utilisation de l'application par 40% de la population aurait un "grand impact", à condition d'être couplée avec d'autres mesures sanitaires publiques.
Autre limite: le fait de compter sur l'intelligence humaine.
Ross Anderson, un scientifique de Cambridge, note que n'importe quelle application reposant sur le bon vouloir de ses utilisateurs est "une porte ouverte aux trolls", qui pourraient s'amuser à mentir sur leur statut pour brouiller les pistes.
Certains "pourraient accrocher leur téléphone à leur chien et le laisser courir dans un parc", imagine-t-il. Ou "des gamins vont s'inventer des symptômes pour que toute l'école ferme".
- Quid de la vie privée?
Les chercheurs du MIT se sont dits conscients de l'aspect "Big Brother" et ont expliqué vouloir être capables de protéger et anonymiser les données.
Le commissaire européen au Marché intérieur Thierry Breton a expliqué lui qu'il était "hors de question" d'avoir des mesures coercitives de traçage par téléphone dans l'UE.
"Impossible à des autorités judiciaires, de police ou commerciales évidemment, assurances, d'avoir accès", à ces données a-t-il ajouté.
Mais tout le monde ne partage pas cet optimisme.
"Il semblerait qu'il faudrait qu'une forme d'information permettant votre identification doive être combinée avec les composants logiciels" de l'application pour assurer l'efficacité de cette dernière, assure Moxie Marlinspike, co-fondateur de la messagerie sécurisée App. "Je pense que quelqu'un va finir par utiliser (ce suivi) pour d'autres buts", que la lutte contre le Covid-19, craint-il.
AFP