Entretien

World Rugby: Agustin Pichot veut "changer les mentalités"

  • Publié le 21 avril 2020 à 14:40
  • Actualisé le 21 avril 2020 à 15:25

Candidat à la présidence de World Rugby, l'Argentin Agustin Pichot veut "changer les mentalités". L'ancien international argentin se présente contre l'Anglais Bill Beaumont, président sortant, dont il est le vice-président. Dans un entretien à l'AFP, il explique vouloir un sport "plus démocratique, plus intègre". Les élections sont programées dimanche. Les résultats seront rendus publics le 12 mai.

Q: Qu'est-ce qui vous pousse à être candidat après quatre ans en tant que N.2?

R: "J'estime qu'on peut avoir un rugby global bien meilleur, mieux dirigé. Il faut moderniser l'instance dirigeante pour être plus encore sur le devant de la scène, être actif mais aussi travailler mieux avec les joueurs, les clubs, les capitaux privés... Nous réagissons souvent mais pas toujours avec stratégie et vision. Je pense qu'il est temps de le faire maintenant. Avant le coronavirus, le rugby mondial était déjà au bord de la crise. Après le coronavirus, nous serons vraiment en crise."

Q: Quelles sont les différences avec votre adversaire Bill Beaumont?

R: "J'ai été respectueux ces quatre dernières années donc je vais continuer à l'être. Le rugby doit rester intègre. J'ai décidé de prendre un autre chemin parce que je trouvais que les changements nécessaires n'étaient pas effectués. Bernard Lapasset (président de World Rugby entre 2008 et 2016, NDLR) était mon mentor: il a porté sa vision au jeu, on est allés ensemble chercher les JO pour le rugby, il a offert la possibilité au Japon d'organiser la Coupe du monde... Des choses ont changé mais pas tant que ça. Je ne pouvais pas continuer quatre ans de plus, je ne voulais pas rester dans le système comme ça. J'ai envie que le rugby change de mentalité et c'est pour ça que je suis candidat."

Q: Si vous gagnez, que voulez-vous faire?

R: "Si je gagne, j'adorerais changer les choses, transformer les mentalités. Je veux rendre le rugby plus démocratique, plus intègre. C'est le leadership qui doit impulser le changement. Pour le moment, le rugby est très bureaucratique, très 'à l'ancienne'. Et il faut changer tout ça. Mais je ne suis pas en train de dire que rien ne va et qu'il faut tout casser. Ce n'est pas mon style de management. Je veux le rugby pour tous."

Q: Si vous gagnez, on va reparler de votre projet de Ligue des nations ou de la Coupe du monde des clubs?

R: "Pour sûr, je vais en parler, c'est dans mon plan d'action. Je ne sais pas si ce sera le résultat final mais on en parlera. C'est un projet qui parle d'intégrité, d'égalité, de nations émergentes, d'investissements pour les nations émergentes et le rugby féminin... Ca a du sens. Mais il faudra bien sûr intégrer les clubs aux discussions. S'ils veulent un Mondial des clubs, ou si l'EPCR (organisateur des coupes d'Europe) le souhaite, ils sont les bienvenus. Ce n'est pas tout de sortir une idée de son chapeau: il faut intégrer les joueurs et les clubs au débat."

Q: Justement, comment comptez-vous intégrer les joueurs à ces discussions?

R: "C'est sans doute le plus facile. Il suffit de communiquer avec eux. Je parle avec les joueurs depuis plusieurs mois, il faut les intégrer au processus décisionnaire. Organiser avec eux des discussions quand on parle des calendriers, des lois du jeu... Je ne vois pas comment on pourrait faire autrement. Je les veux là, ce sont les meilleurs ambassadeurs de notre sport."

Q: Vous parlez aussi de nouvelles technologies, d'un jeu vidéo de rugby...

R: "Je suis un grand fan de technologie. J'adore ça. Je trouve ça incroyable. Je me souviens quand la PlayStation, l'iPhone, les MP3... sont arrivés. J'ai toujours aimé. Je suis un peu vieux maintenant mais je joue encore aux jeux vidéo et, si vous regardez comment la jeunesse suit le sport ou la télé, j'ai l'impression que le rugby a perdu pied. Je ne suis pas en train de dire qu'on va créer un Fortnite du rugby ou un nouveau FIFA... Il faut réfléchir à comment mettre notre sport en valeur. Si vous regardez un match, il y des opportunités pour créer un autre produit par dessus, pas uniquement avec un deuxième écran ou des statistiques... Les gens ne veulent plus forcément rester 80 minutes devant un match mais ils peuvent s'impliquer quand même: avec un Hawkeye pour surveiller le hors jeu, la vitesse des joueurs, l'impact des plaquages... il y a tellement de choses à faire et on n'en profite pas."

Q: Il y aura forcément un après Covid-19 et beaucoup d'inquiétudes autour de la santé financière des Fédérations...

R: "On attend tous de voir comment on va s'en sortir. Pays après pays. Et si il y aura des vaccins, si on arrive à retrouver une vie normale... Je suis positif, je n'ai pas envie de penser au négatif. Mais je suis conscient qu'il faudra être fort. Il y aura une facture d'environ 700 millions de dollars (645 M EUR)si aucun match n'est joué cette année. Et personne ne pourra la payer. Si quelqu'un vous dit le contraire... C'est impossible. World Rugby a une réserve d'environ 120 millions de livres (137 M EUR). Il faut un plan immédiat pour adresser les manques à gagner de chacun. Mais personne ne sera épargné."

Propos recueillis par Nicholas Mc ANALLY - AFP

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