Pandémie

Coronavirus: l'Amérique latine est-elle prête à affronter le pire?

  • Publié le 1 mai 2020 à 10:19
  • Actualisé le 1 mai 2020 à 11:14

L'Amérique latine s'apprête à assouplir les mesures de restrictions à la recherche d'une "nouvelle normalité" face à l'épidémie de coronavirus, mais la menace reste forte et les experts avertissent que baisser la garde pourrait s'avérer "désastreux".

Deux mois après l'apparition d'un premier cas à Sao Paulo, la maladie a fait plus de 10.000 morts et infecté quelque 200.000 personnes dans cette région de plus d'un milliard d'habitants, encore loin des bilans aux États-Unis ou dans plusieurs pays européens.

Le Brésil arrive en tête pour le nombre de morts (5.017), suivi du Mexique (1.732 ), du Pérou (943), de l'Equateur (900), de la République dominicaine (301) et de la Colombie (278), selon un décompte de l'AFP établi jeudi à 18H00 GMT à partir de sources officielles. Même si des observateurs estiment que ces chiffres sont parfois largement sous-estimés.

La rapidité de réaction de la plupart des gouvernements, qui ont fermé les frontières, décrété des mesures de confinement, et parfois même des couvre-feux, leur a permis de gagner du temps pour renforcer leurs capacités de soins et s'approvisionner en équipements. Mais les autorités tentent de trouver désormais un équilibre entre les mesures de restriction et la relance économique dans une région où les emplois informels font vivre de nombreux habitants.

La vie reprend ainsi doucement. L'Uruguay a rouvert ses écoles rurales et le Costa Rica ses cinémas. L'Argentine qui a décrété un confinement strict, a annoncé un assouplissement dans les villes de moins de 500.000 habitants.

Même l'Équateur, dont les images de corps abandonnés dans les rues de la capitale économique Guayaquil ont choqué le monde entier, a choisi de baisser le niveau d'alerte en fonction des régions, alors qu'avec près de 25.000 cas confirmés il est proportionnellement le pays d'Amérique latine le plus touché.

- Manque de personnel -

Mais "un assouplissement immédiat des mesures pourrait être désastreux", met en garde Marcos Espinal, directeur du département des maladies contagieuses à l'Organisation panaméricaine de la santé (OPS).

Les pays "ne devraient pas baisser la garde tant que, non seulement, nous ne voyons pas de signes que l'épidémie a atteint son pic, mais aussi tant que nous n'avons pas plusieurs jours avec une baisse constante de cas", ajoute-t-il.

Au Mexique, où le président Andres Manuel Lopez Obrador s'est montré d'abord réticent à prendre des mesures restrictives, les infrastructures hospitalières pour soigner les infections respiratoires graves sont occupées à moins de 30 %, mais le manque de personnel médical reste un problème. "Nous devrions avoir 3,4 médecins pour mille habitants et il y a des régions (...) où nous avons malheureusement 0,6 médecin", relève Alejandro Svarch, de l'Institut de la santé.

Signe de la désespérance dans certaines régions, Samuel, un cultivateur de la communauté amérindienne Zoque âgé de 54 ans, s'est pendu au Chiapas (sud) après avoir appris qu'il était infecté. Le reste de la famille est également touché, a raconté à l'AFP le chef de la communauté Joel Morales, en évoquant l'angoisse qui règne dans le village de 1.400 habitants où n'exercent qu'un médecin et deux infirmières. Sans parler du manque de masques, de gel hydroalcoolique et de gants.

- Dengue -

Les zones rurales sont aussi vulnérables au Brésil, où la gestion de la pandémie provoque un bras-de-fer entre le président d'extrême droite Jair Bolsonaro, opposé aux mesures de confinement, et les gouverneurs des États.

A Manaus, capitale de l'État d'Amazonie qui compte la plus grande population indigène, le système de santé public est au bord de l'effondrement. Plus de 95 % des lits en réanimation sont occupés et la région présente le taux de létalité du Covid-19 le plus élevé. Selon les médias locaux, les pompes funèbres ont des réserves de cercueils pour deux semaines à peine.

A Rio, plus de 70% des lits en réanimation sont occupés et les difficultés d'accès aux services de santé pour les 1,5 million d'habitants des favelas est un facteur supplémentaire de vulnérabilité.

Dans d'autres pays comme le Pérou, la Bolivie et les Etats d'Amérique centrale, le coronavirus est venu s'ajouter à l'épidémie de dengue. D'après un récent sondage de l'institut Fine Research réalisé auprès de 2.253 médecins latino-américains en première ligne face au Covid-19, 76% d'entre eux estiment que leur pays est peu ou pas préparé pour affronter la pandémie.

Selon Marcos Espinal de l'OPS, le dépistage pour isoler les porteurs asymptomatiques est désormais essentiel pour contrôler la courbe des contaminations. Le Chili, 18 millions d'habitants et 227 décès dus au virus, "a ouvert la voie en veillant à ce que le dépistage soit accessible à tous ses citoyens", se félicite l'expert.

Cuba a également choisi d'identifier et isoler les patients asymptomatiques et tous leurs contacts, et même de rechercher d'éventuels malades maison par maison grâce à la mobilisation de milliers d'étudiants en médecine.

Le port du masque est aussi devenu obligatoire dans de nombreux pays. Mais il ne faut pas que cela donne pas la "fausse impression" que ce dispositif seul "résoudra le problème", insiste l'OPS.

AFP

guest
0 Commentaires