Immigration

Passe d'armes entre Pékin et Londres sur l'asile offert aux Hongkongais

  • Publié le 2 juillet 2020 à 13:00
  • Actualisé le 2 juillet 2020 à 13:15

Pékin a menacé jeudi le Royaume-Uni de représailles si celui-ci étendait les droits à l'immigration pour les habitants de Hong Kong, après la mise en oeuvre dans l'ex-colonie britannique d'une loi chinoise controversée sur la sécurité nationale.

Plusieurs capitales occidentales ont condamné le passage en force du pouvoir chinois sur ce texte réprimant la subversion, la sécession, le terrorisme et la collusion avec les forces étrangères. Ajoutant sa voix au concert de critiques, le barreau de Hong Kong a publié une analyse juridique concluant que la formulation très floue de cette loi entrée en vigueur mardi soir sapait l'indépendance de la justice et les libertés dans la région semi-autonome.

Londres a protesté contre une violation de l'accord sino-britannique qui avait orchestré la rétrocession en 1997 en vertu du principe "Un pays, deux systèmes" censé garantir jusqu'en 2047 au territoire du sud de la Chine des libertés inconnues dans le reste du pays.

En réaction, l'ex-puissance coloniale a annoncé mercredi son intention d'élargir les droits à l'immigration pour les Hongkongais pour permettre aux millions de titulaires du "passeport britannique d'outre-mer", ou BN(O), de venir s'installer plus longtemps au Royaume-Uni, et faciliter à terme l'accès à la citoyenneté.

- Sanctuaire -

Une annonce condamnée jeudi par Pékin. "Si la partie britannique change unilatéralement la règle actuelle, cela constituerait une rupture de sa propre position ainsi que de la loi internationale", a affirmé l'ambassade de Chine en Grande-Bretagne dans un communiqué. "Nous nous y opposons fermement et nous réservons le droit de prendre des mesures adéquates."

La Grande-Bretagne n'est pas le seul pays étranger à se poser en sanctuaire potentiel pour les Hongkongais inquiets pour leur avenir. Jugeant la situation hongkongaise "très préoccupante", le Premier ministre australien Scott Morrison a annoncé que son gouvernement envisageait de façon "très active" de proposer d'accueillir les habitants de la région chinoise. Taïwan a ouvert un bureau pour aider les Hongkongais à fuir. Aux Etats-Unis, un projet de loi pour offrir l'asile aux Hongkongais a aussi été favorablement accueilli.

Cette loi apparaît comme une réponse des autorités chinoises à la crise politique de 2019, quand des foules de Hongkongais avaient manifesté pendant des mois pour dénoncer les ingérences de Pékin dans les affaires intérieures et demander davantage de libertés. Les détracteurs du texte sont convaincus qu'il est le prélude à une vaste campagne de répression dans la ville, ce genre de loi ayant déjà été utilisé, ailleurs en Chine, pour museler les dissidents.

- "Disproportionné" -

Pour le barreau hongkongais, le texte vient faire tomber la séparation entre le système judiciaire hongkongais indépendant et la justice de Chine continentale, dont les tribunaux sont contrôlés par le Parti communiste.
Dans une analyse de cinq pages, les avocats observent que les infractions y sont très vaguement définies, qu'elles "peuvent être utilisées de façon arbitraire et d'une façon qui empiète de manière disproportionnée sur les droits fondamentaux, parmi lesquels la liberté de conscience, d'expression et de rassemblement".

Dénonçant "l'absence totale de consultations dignes de ce nom", le barreau s'inquiète des pouvoirs de surveillance élargis accordés à la police, notamment en matière d'écoutes, sans supervision judiciaire, de la possibilité de procès à huis clos, ou encore du fait que Pékin ait le dernier mot quant à l'interprétation du texte.

Les critiques du nouveau texte dénoncent notamment le fait que la Chine aura juridiction sur certaines affaires tombant sous le coup de la loi, ce qui ira à l'encontre de l'idée d'un territoire souverain d'un point de vue judiciaire, et que les policiers chinois pourront opérer sur le sol hongkongais, ce qui sera une première.

Des milliers de manifestants ont défilé contre le texte mercredi, journée qui marquait le 23ème anniversaire de la rétrocession. La police a répondu en faisant usage de canons à eau, de lacrymogènes et de gaz poivré.
Près de 400 manifestants ont été interpellés, dont dix en vertu de la nouvelle loi.

Sept policiers ont été blessés, dont un qui a été poignardé à l'épaule. La police a annoncé jeudi que l'homme soupçonné de cette attaque avait été arrêté dans la soirée à bord d'un vol de Cathay Pacific qui s'apprêtait à décoller pour Londres.

AFP

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