Covid-19

La bataille de l'Ukraine face à la hausse des cas de coronavirus

  • Publié le 6 juillet 2020 à 10:39
  • Actualisé le 6 juillet 2020 à 10:59

Entièrement recouverte d'une combinaison de protection blanche, visière en plastique devant le visage, le docteur Marta Saïko vérifie précautionneusement l'état de santé d'un patient âgé rattaché à un respirateur artificiel.

"Nous sommes surchargés. Au cours des dernières 24 heures, nous avons admis 18 patients suspectés de coronavirus", s'alarme la directrice des "soins primaires" à l'hôpital des urgences de Lviv, principale ville de l'ouest de l'Ukraine: "C'est comme une guerre, c'est très difficile. Toute notre équipe est épuisée".

Depuis qu'elle a commencé à lever ses mesures de restrictions en mai, l'Ukraine affronte une hausse brutale du nombre de contaminations au coronavirus. La région de Lviv, frontalière de la Pologne, est la plus touchée du pays.

Au printemps, lors de l'arrivée de la maladie dans le pays, l'hôpital de Mme Saïko n'avait ainsi accueilli aucun malade du Covid-19, continuant à traiter ses patients habituels.

Les choses ont changé. Selon la médecin, 50 lits avaient été préparés pour des patients infectés par le virus: ils ont tous été occupés en trois jours. "Leur état est modérément sérieux ou proche de sérieux", détaille-t-elle, précisant qu'un patient est décédé.

Selon Natalia Matolinets, directrice de l'unité de soins intensifs de l'établissement, "la charge psychologique et physique a augmenté significativement pour les docteurs et tout le personnel" depuis que l'hôpital traite des malades du coronavirus, par manque de lits dans les autres établissements.

Au printemps, le Covid-19 n'avait pourtant pas épargné totalement son établissement: Mme Matolinets se souvient comment certains patients admis pour d'autres raisons avaient été testés positifs et contaminé des soignants.

Mais il y a maintenant suffisamment d'équipement de protections pour le personnel, assure-t-elle. "Nous sommes résistants au stress et comprenons combien d'espoir repose sur nous."

- Le confinement "oublié" -

Sur une façade de l'hôpital, une fresque murale montre un docteur en tenue de protection, un enfant près de lui dessinant le mot "diakouiou" ("merci" en ukrainien).

Fin juin, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) a listé l'Ukraine parmi onze pays où l'épidémie connait une résurgence. Le 11 mai, quand les autorités ont entamé le déconfinement, le pays comptait légèrement plus de 15.000 cas déclarés et 408 décès. Dimanche, les chiffres s'établissaient à 48.500 cas et 1.249 morts.

Le record de cas en 24 heures dans le pays (1.109) a été atteint le 26 juin et ce chiffre décroit depuis très lentement. Et la région de Lviv compte autour de 200 nouveaux cas par jour, plus qu'aucune autre du pays.

Pour Natalia Timko, épidémiologiste des services de santé régionaux, les mesures strictes de confinement avaient sans aucun doute permis d'éviter un afflux de malades au printemps. La région s'attendait même à plus de cas, assure-t-elle.

Mais "les gens ont oublié le confinement", déplore l'experte, pour qui le virus se propage car beaucoup ne portent pas de masques et ne prennent aucune mesure de protection.

Andriy Sadovyï, le maire de cette ville de 750.000 habitants au riche patrimoine historique, met lui en avant que la région effectue plus de tests qu'aucune autre dans le pays, de quoi justifier la hausse des cas.

"Vous ne pouvez pas boire dans un café avant qu'un serveur ait pris votre température et tous les serveurs portent des masques", dit-il en référence à ce qui fait la renommée de la ville, connue en Ukraine pour sa culture des cafés.

Malgré l'afflux de malades, il affirme que le système de santé n'est pas débordé et que seulement 40% des lits réservés aux malades du coronavirus sont occupés. Mais il prévient que si les infections continuent à augmenter, tous les hôpitaux de la ville commenceront à accueillir des malades.

Surtout, il enjoint les autorités à remplir leurs promesses et payer une prime équivalente à trois fois leur salaire aux soignants traitant des cas de Covid-19 alors que l'Ukraine, un des pays les plus pauvres d'Europe, a un système de santé publique en ruine après des décennies de corruption.

"C'est important de leur donner un salaire décent", fait-il valoir en admettant que c'est "psychologiquement difficile pour les docteurs de réorganiser leurs travail".

Ce en quoi abonde Natalia Timko. Ce qui a vraiment changé, affirme-t-elle, c'est le stress auquel sont confrontés les soignants. "C'est dur de travailler dans des combinaisons de protection, c'est dur de voir des patients mourir."

AFP

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