Diplomatie

Kosovo et Serbie reprennent un dialogue qui s'annonce compliqué

  • Publié le 16 juillet 2020 à 06:18
  • Actualisé le 16 juillet 2020 à 07:09

Serbie et Kosovo reprennent jeudi à Bruxelles leur dialogue après des mois d'interruption et de crises répétées, mais le chemin vers une normalisation de leurs relations est jonché d'obstacles.

Vieux de plus de deux décennies, insoluble depuis la dernière des guerres ayant déchiré l'ex-Yougoslavie (1998-99), ce conflit reste un danger pour la stabilité du Vieux Continent.

Belgrade ne reconnaît pas l'indépendance proclamée en 2008 par son ancienne province méridionale, majoritairement peuplée d'Albanais. Des accords de normalisation conclus en 2013 sont restés pour la plupart lettre morte.

Le Kosovo est reconnu comme Etat indépendant par la plupart des Occidentaux, dont 22 des 27 membres de l'UE, mais ni par la Russie ni par la Chine, ce qui ferme de facto les portes de l'ONU à ce territoire de 2 millions d'habitants. Côté serbe, le dossier est un obstacle dans son processus d'adhésion à l'UE.

Après une discussion virtuelle le week-end dernier, le président serbe Aleksandar Vucic et le premier ministre kosovar Avdullah Hoti se retrouvent en personne à Bruxelles.

C'est la première rencontre officielle de ce type depuis le printemps 2019 quand un sommet à Berlin entre Aleksandar Vucic et son homologue kosovar Hashim Thaçi n'avait rien donné. Personnage central de la politique kosovare depuis l'indépendance, ce dernier est hors-jeu en raison des accusations de crimes de guerre le visant.

- Opinions publiques -

Le dialogue "est de nouveau sur les rails", s'est félicité le représentant spécial de l'UE pour les Balkans occidentaux, Miroslav Lajcak. Le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell a lui exhorté les responsables au "courage politique".

Mais "en plus d'être un novice en négociations", Avdullah Hoti dirige un gouvernement faible qui "ne bénéficie pas du soutien de sa population", dit l'analyste politique de Pristina Imer Mushkolaj.

Aleksandar Vucic semble omnipotent, avec un Parlement sans opposition, laquelle a boycotté les dernières législatives, et les principaux médias à sa main. Mais cette hégémonie est paradoxalement son "point faible" car elle entraîne "une responsabilité absolue", explique l'analyste politique serbe Aleksandar Popov: "Cela va être compliqué pour Vucic de convaincre ses partenaires étrangers qu'il n'est pas en mesure de faire passer quelque chose au parlement, ou de faire bouger l'opinion publique".

Le sujet est hautement inflammable. Pour de nombreux Serbes, "le Kosovo c'est la Serbie", leur berceau historique et culturel. Lors des récentes manifestations qui avaient initialement pour objet de dénoncer la gestion de la pandémie, le slogan "Nous ne nous rendrons pas" était un des plus populaires.

La reconnaissance de son indépendance est un préalable pour Pristina. "La normalisation des relations" ne peut passer que par là, a prévenu Avdullah Hoti. Aux yeux des Serbes, elle ne peut être, au mieux, qu'un aboutissement.

- Partie émergée de l'iceberg -

Cette reconnaissance est surtout un trompe-l'?il, la partie émergée de questions à résoudre: quel statut pour les zones où vivent les quelque 120.000 Serbes du Kosovo; quelles réparations pour les déplacés et pour les familles des disparus du conflit entre forces serbes et rébellion indépendantiste kosovare albanaise; quid des réparations de guerre exigées par le Kosovo; quel statut pour les sites religieux orthodoxes, etc.

"Notre route vers une adhésion à l'UE dépend de ces discussions, les investissements étrangers dépendent de ces discussions", a dit Aleksandar Vucic. "En même temps nous devons tenir compte de notre peuple au Kosovo et sauvegarder nos intérêts vitaux. Cela ne sera pas facile", a-t-il ajouté.

Annonçant un "automne difficile" pour le Kosovo avec une "crise sanitaire et économique" en raison de la pandémie, et de possibles remous politiques en cas d'inculpation formelle d'Hashim Thaçi, le fondateur du quotidien indépendant Koha Ditore, Veton Surroi, juge que cette fragilité serait "significativement aggravée par un processus de négociation avec la Serbie".

La guerre du Kosovo a fait plus de 13.000 morts, des Albanais pour la plupart. Elle s'est terminée quand une campagne occidentale de bombardements a contraint les forces serbes à se retirer.

AFP

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