Allemagne

L'auteur de la pire attaque antisémite d'après-guerre devant la justice

  • Publié le 21 juillet 2020 à 19:36
  • Actualisé le 21 juillet 2020 à 20:22

L'homme accusé de la pire attaque antisémite dans l'Allemagne de l'après-guerre a cherché à exposer sa vision raciste du monde à l'ouverture de son procès mardi, incitant à plusieurs reprises la juge à menacer d'interrompre l'audience.

Stephan Balliet, un extrémiste de droite allemand de 28 ans, a méticuleusement répondu aux questions d'Ursula Mertens, présidente du tribunal de Magdebourg (Saxe-Anhlalt) où il est jugé pour avoir tué deux personnes après avoir échoué à commettre un massacre dans la synagogue de Halle lors de Yom Kippour à l'automne dernier.

S'adressant au tribunal, il a affirmé avoir "décidé en 2015 de ne plus rien faire pour cette société qui veut me remplacer par des musulmans et des nègres", en référence aux centaines de milliers de demandeurs d'asile fuyant la guerre en Syrie ou en Irak, qui ont trouvé refuge en Allemagne.

La juge Ursula Mertens lui a alors coupé la parole, avertissant qu'il pourrait être expulsé de la salle s'il poursuivait ses diatribes racistes: "Je ne tolérerai pas que vous commettiez des crimes et (profériez) des insultes dans cette salle d'audience". Mais M. Balliet a poursuivi, affirmant qu'il n'avait "aucun problème avec les religions mais avec le sémitisme", sans réellement préciser sa pensée.

Le 9 octobre dernier et en pleine fête religieuse de Yom Kippour, armé jusqu'aux dents, il avait donné l'assaut à la synagogue locale remplie de 52 fidèles avant, faute de parvenir à entrer, de retourner ses armes contre deux passants.

L'homme est notamment poursuivi pour double meurtre, tentative de meurtres sur 9 autres personnes et incitation à la haine raciale. Il encourt la prison à vie avec une période de sûreté de 15 ans. Le tribunal de Magdebourg, en Saxe-Anhalt dans l'est du pays, a prévu 18 jours d'audience pour ce procès qui devrait durer jusqu'à mi-octobre.

- Remords partiels -

Après avoir échoué à enfoncer la porte de la synagogue, il avait abattu une passante puis, plus loin, un homme dans un restaurant de kebabs, ciblé pour sa clientèle immigrée. La police l'avait finalement arrêté après une course-poursuite. Sans exprimer aucun remord concernant l'attaque avortée de l'édifice religieux, une attaque qu'il savait "désespérée", il a cependant présenté ses excuses à ses victimes, une passante et un homme dont il croyait à tort qu'il était musulman.

Concernant la première, il a précisé: "Je suis vraiment désolé de lui avoir tiré dessus. Ce n'était vraiment pas prévu ou voulu, (...) c'était dans le feu de l'action". L'homme, crâne presque rasé, arrivé à l'audience les pieds et mains menottés et vêtu d'une veste sombre et d'un jean, a clairement indiqué que les attentats de Christchurch en Nouvelle-Zélande commis quelques mois auparavant contre deux mosquées qui avaient fait 51 morts, lui avaient servi de modèle.

Il a en effet filmé et diffusé en direct son assaut lors duquel il niait l'existence de la Shoah et s'en prenait aux juifs. Selon lui, la "retransmission était plus importante que l'acte en lui-même" qu'il estime avoir échoué: "je me suis ridiculisé à un degré incroyable" Il a aussi publié sur internet un "manifeste", apparu le lendemain, dans lequel il exprimait sa haine des juifs.

- "Comprendre" -

Socialement isolé et vivant chez sa mère dans un village reculé de Saxe-Anhalt, cet adepte des théories conspirationnistes néonazies avait abandonné ses études et passait la plus grande partie de son temps derrière un ordinateur. "Mes clients souhaitent comprendre comment cela s'est passé et pourquoi. Ils regarderont l'auteur dans les yeux pour lui signifier qu'ils ne partagent pas sa vision du monde", avait expliqué avant l'ouverture du procès à l'AFP l'avocat de neuf parties civiles, Mark Lupschitz.

L'attaque de Halle survient dans un contexte de résurgence du terrorisme d'extrême droite dans le pays. Il y a un mois s'est ouvert le procès d'un sympathisant néonazi, tueur présumé d'un élu pro-migrants membre du parti conservateur d'Angela Merkel. En février, un homme partisan de thèses racistes et antisémites a tué 9 personnes d'origine étrangère à Hanau en Allemagne.

AFP

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