Mexique

Covid-19: les Mexicains font leur testament

  • Publié le 29 octobre 2020 à 16:45
  • Actualisé le 30 octobre 2020 à 08:59

La peur de mourir du Covid-19 incite de nombreux Mexicains à courir chez leur notaire pour dicter leurs dernières volontés. Au cas où. Paradoxalement, dans ce pays où l'on s'offre avec le sourire des crânes en résine ou en sucre, surtout ces jours-ci autour de la célébration du traditionnel "Dia de Muertos", les Mexicains rechignent à faire leur testament. Mais l'épidémie bouleverse tout.

Laura Villa est inquiète. Elle a décidé de ne plus attendre et débourser les 118 USD nécessaires à la rédaction de son testament. A 49 ans, cette mère de deux enfants qui travaille dans la finance, a préféré clarifier la gestion future des deux appartements qu'elle possède "Je repoussais toujours ma décision à l'année suivante. Nous autres, Mexicains, n'aimons pas parler de testament. C'est de mauvais augure", explique-t-elle à l'AFP.

- Superstition -

À cette superstition s'ajoute une véritable réserve face à cette procédure juridique jugée lourde et coûteuse, de sorte que beaucoup de familles vivent depuis des générations dans des maisons de parents décédés, sans le moindre titre de propriété. Avant le début de l'épidémie, seuls 5 % des Mexicains avaient franchi le pas en apposant leur signature au bas d'un testament, selon le Collège des notaires de Mexico.

Mais la situation est en train de changer radicalement. "Le nombre de demandes d'ouverture de testaments a augmenté de près de 60%", constate Luis Antonio Montes de Oca, chargé de communication au même Collège. "Le COVID-19 fait voir la mort de plus près. Les gens sont plus inquiets", confie Montes de Oca à l'AFP. Les notaires offrent depuis des années des facilités et des réductions pour que les gens mettent de l'ordre dans leurs affaires avant de mourir. Ils organisent même des campagnes sur le thème "Septembre, Mois du Testament". Celles-ci sont désormais étendues à octobre.

Début septembre, Laura Villa a déboursé les 118 dollars américains nécessaires à la rédaction de son testament. "Je me disais: je ne vais pas mourir maintenant, je suis en bonne santé. Mais au fur et à mesure que l'épidémie a progressé, ma décision de faire mon testament s'est imposée", ajoute-t-elle. Avec près de 90.000 décès et quelque 900.000 cas confirmés de contamination -- pour 129 millions d'habitants -- le Mexique est le quatrième pays le plus endeuillé de la planète à cause du nouveau coronavirus.

- Panique -

En 2020, Montes de Oca a traité quelque 140 dossiers testamentaires, contre 90 en 2019. L'un de ses clients hospitalisé lui a fait part, par vidéo interposée, de son désir de rédiger ses dernières volontés. Le notaire a donc dépêché chez lui une équipe de collaborateurs bien protégés afin de lui lire le document et le lui faire signer, comme le stipule la loi mexicaine qui ne reconnait que les testaments signés de visu. "Nous avions peur. Pour éviter la contagion, nous lui avons demandé de signer avec son stylo pour ne pas à avoir à lui en prêter un", se souvient le notaire. "Heureusement, il s'en est tiré", se rejouit-il.

Mourir sans laisser de testament pose des problèmes pour les biens immobiliers, car sans titre de propriété, ils ne peuvent être ni vendus ni loués. La régularisation est simple lorsque les parents sont d'accord. Sinon, elle peut s'avérer longue, difficile et coûteuse.

La capitale, Mexico, est mieux lotie que les autres villes du pays avec 20 pc de testaments signés. La mairie a même créé un département chargé de gérer les questions d'héritage dans le contexte de la pandémie. "La pandémie a suscité la panique. Beaucoup veulent arranger leurs affaires et ne pas laisser derrière eux des problèmes d'héritage non résolus", explique Antonio Ramírez, chef de ce département.

Pour Montes de Oca, il ne fait pas de doute que de plus en plus de Mexicains, vont surmonter leurs superstitions et "suivre le mouvement" en signant un testament.

AFP

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