Sécurité

En patrouille avec les soldats de Sentinelle: dissuader et rassurer

  • Publié le 7 novembre 2020 à 13:21
  • Actualisé le 7 novembre 2020 à 14:16

Ils avancent concentrés, scrutent chaque mouvement devant une synagogue, une église, des écoles... Les soldats de l'opération Sentinelle, passés de 3 à 7.000 après l'attentat de Nice, ont augmenté les patrouilles, devenant plus visibles pour dissuader les assaillants et rassurer les habitants.

A 7H30, l'activité bat déjà son plein dans la caserne*, en banlieue parisienne. Les chasseurs alpins, des militaires spécialisés dans le combat de haute montagne, sont équipés en fusil HK416 avant de rejoindre les véhicules par groupes de huit. Leur zone de patrouille a été définie en amont.

Le groupe suivi par l'AFP se rend dans une ville populaire, où se côtoient des habitants de confessions juive et musulmane. Bien loin des montagnes où ces soldats ont été formés. Bien loin aussi du Sahel, où plusieurs sont allés pour la mission Barkhane. Certains ont également passé du temps en Guyane pour l'opération Résilience, contre le coronavirus.

Sont-ils frustrés de se retrouver à patrouiller pour l'opération Sentinelle? "C'est la mission numéro 1 de l'état major", répond sans hésiter le chef de groupe, sergent Kevin, âgé de 28 ans. "Notre rôle principal est de protéger la France et sa population, que ce soit sur son territoire ou à l'étranger", ajoute le caporal-chef Baptiste.

Leur mission, qui devrait durer deux mois au total, a démarré début octobre. Depuis, il y a eu la décapitation du professeur Samuel Paty et l'attaque dans la basilique de Nice, qui a coûté la vie à trois personnes.

"Les effectifs ont augmenté pour qu'on puisse sillonner le terrain. (...) C'est en rayonnant dans une zone qu'on dissuade" d'éventuels jihadistes, explique le capitaine Jean-Benoit. "On passait déjà devant les synagogues, les églises, les établissements scolaires, mais on a augmenté les fréquences des patrouilles", ajoute-t-il. "On faisait partie du paysage, mais maintenant, les gens nous voient davantage". Les soldats ont eu une formation spécifique Sentinelle, avec des exercices aussi concrets que savoir quoi faire avec une personne qui a été égorgée.

- Mouvements suspects -

Les soldats patrouillent par quatre, pendant que leurs collègues restent près des véhicules gris estampillés "Sentinelle". Avec leur gilet pare-balle et leur équipement qui pèse plus de 20kg, ils avancent silencieux à pas lents, tournent la tête à gauche, à droite, se retournent pour que rien ne leur échappe.

Leur vigilance ne peut pas baisser. "On peut donner l'impression qu'on se balade, mais on observe ce qui se passe, des choses suspectes, des personnes malveillantes", raconte le caporal-chef Baptiste. "On sait bien qu'il y a une vague d'attaques au couteau en ce moment. On fait attention", renchérit le sergent Kevin.

Le quartier pavillonnaire semble particulièrement calme, surtout avec le confinement. Mais un bâtiment qui pourrait passer inaperçu est en fait une école juive. Il y a une synagogue non loin et d'autres établissements scolaires.

"Des enseignants viennent parfois nous signaler des mouvements suspects", explique le chef de groupe. Les soldats vont ensuite devant l'église, sur la place centrale de la ville. Quelques personnes leur lancent un "bonjour" avec un sourire, d'autres observent ces soldats, équipés comme pour aller au combat, avec étonnement et une certaine inquiétude.

Rouhama, une jeune fille de 15 ans qui lit sur un banc un petit livre rose écrit en hébreux, "une prière", en attendant son test Covid, est partagée. "C'est inquiétant de voir ces gens armés: cela rappelle que c'est dangereux en ce moment. Mais c'est aussi rassurant".

Après trois heures de patrouille à pied et en voiture, les soldats prennent une pause, dans leur vigie, un local mis à leur disposition par la préfecture. Ici, la pression peut retomber. Ils retirent leur équipement, saisissent leur téléphone pour appeler leur famille, plaisantent entre eux ou regardent la télé. Une pause, avant de repartir sillonner la ville.

*L'armée a demandé à l'AFP de ne mentionner ni les lieux de la caserne et de la patrouille ni les noms des soldats

AFP

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