Amérique du sud

Bolivie: le retour triomphal d'Evo Morales sur ses terres indigènes

  • Publié le 12 novembre 2020 à 11:02
  • Actualisé le 12 novembre 2020 à 11:13

Du village de paysans où il a grandi à la zone de culture de la coca où il a forgé son leadership : l'ex-président Evo Morales a achevé mercredi son périple dans son fief du centre de la Bolivie trois jours après son retour dans le pays andin.

"Pendant cette année (d'exil), je ne me suis jamais senti abandonné", a lancé l'ancien chef de l'Etat devant des milliers de personnes rassemblées dans la localité de Chimoré, dans le département de Cochabamba (centre). M. Morales (2006-2019) a accusé une nouvelle fois les Etats-Unis d'avoir provoqué "un coup d'Etat" contre lui, en raison de leurs intérêts pour les vastes réserves de lithium bolivien.

Selon les organisateurs, le dauphin d'Evo Morales, Luis Arce, élu à la présidence le 18 octobre, devait le rejoindre pour ce rassemblement final. Mais l'ancien dirigeant socialiste a expliqué que son successeur, investi dimanche, était resté à La Paz pour "organiser la gestion du pays". Avec cette manifestation, l'ancien président bolivien clôture un périple de plus de 1.200 km par la route qu'il entamé à Villazon (sud), après avoir traversé à pied la frontière avec l'Argentine où il a été en exil pendant onze mois.

Des milliers de paysans ou de mineurs, presque tous indigènes - avec 41% des 11,5 millions d'habitants la Bolivie est l'un des pays d'Amérique latine qui compte la plus grande population indigène - ont attendu pendant des heures dans les différentes villes traversées par le convoi de véhicules, répétant à chaque fois la même chose : "Evo est comme nous".

Vêtus de leurs costumes traditionnels, ils ont agité la whipala, le drapeau aux sept couleurs représentant les communautés andines. A chaque passage, la caravane se voyait offrir des plats traditionnels, comme du quinoa à la viande de lama, et Evo Morales a pris dans ses bras des dizaines d'enfants, sans protection sanitaire contre la pandémie de coronavirus. "Voici son peuple, il sait écouter les indigènes", s'est exclamée Elizabeth Arcaide, une femme de 43 ans qui n'a cessé d'essuyer ses larmes lors de la traversée d'Orinoca, la ville rurale qui l'a vu grandir, où des centaines de personnes se sont massées sur un terrain de football, malgré le soleil brûlant, pour accueillir le "fils du peuple".

- "Racines" -

Le chef aymara n'a pu cacher son émotion lorsqu'il s'est rendu à Isallave, près d'Orinoca, dans la maison en pisé au toit de chaume où il est né il y a 61 ans. "Il faut toujours revenir à ses racines pour renforcer son ajayu (âme)", y a déclaré l'ancien président. A Orinoca, où Evo Morales s'est installé très jeune, se dresse le Musée de la Révolution démocratique et culturelle, une gigantesque construction moderne qui rend hommage à ses presque 14 années de présidence.

Mais tout le monde n'accueille pas Evo avec le même enthousiasme : "nous ne voulons plus de lui ici, il aime beaucoup trop le pouvoir", a lancé une vieille femme à la porte d'un petit magasin, refusant de se joindre au cortège d'accueil. La date choisie par l'ancien chef d'Etat n'est pas anodine : c'est depuis son fief du centre du pays qu'Evo Morales a quitté la Bolivie il y a exactement un an, poussé à la démission par la rue qui refusait une quatrième réélection controversée et lâché par l'armée. De là, il avait d'abord fui au Mexique, puis en Argentine.

Dans cette zone de culture de la coca, où il a commencé sa carrière syndicale puis politique, il prévoit de reprendre l'activité agricole qu'il a exercée avant de devenir le premier amérindien à accéder à la présidence de la Bolivie. Beaucoup dans le pays craignent que le retour triomphal de Morales sur les terres indigènes éclipse le nouveau gouvernement de Luis Arce. Mais l'analyste politique Carlos Cordero en minimise l'importance. "Pour les partisans d'Evo Morales, c'est une nouvelle d'importance, pour le reste du pays, où il a de nombreux détracteurs, c'est anecdotique", estime-t-il. "Evo Morales est un leader historique mais le pouvoir est aujourd'hui dans les mains de Luis Arce".

AFP

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