Covid-19

Après des mois de pandémie, le personnel médical d'un hôpital texan "épuisé"

  • Publié le 6 décembre 2020 à 13:19
  • Actualisé le 6 décembre 2020 à 13:31

A travers plusieurs masques, une visière et une combinaison de protection, le Dr Joseph Varon se penche vers l'une de ses patientes atteinte du Covid-19, et agite la main face au téléphone qu'elle tient vers lui.

A l'autre bout de la connexion vidéo, des proches de cette femme, Gloria Garcia, expriment leur joie en apercevant le médecin qui a aidé à la sauver de la maladie. M. Varon, responsable du personnel dans le petit hôpital United Memorial, dans un quartier défavorisé du nord de la ville de Houston au Texas, a fait les gros titres la semaine dernière lorsqu'a été publiée une photo de lui enlaçant, le jour de Thanksgiving, un patient âgé ayant contracté le coronavirus.

Sur le cliché, un homme aux cheveux blancs a la tête enfouie contre le bras du médecin, peu reconnaissable sous son équipement, mais courbé dans un geste de réconfort.

Un moment de pure empathie devenu symbole de la crise que traverse le pays, confronté à un rebond spectaculaire de l'épidémie depuis plusieurs semaines.Ce vendredi, en saluant la famille de Mme Garcia, le docteur essaie encore de rassurer.Mais il n'en est pas moins épuisé.

L'AFP l'a accompagné lors de son 263ème jour de travail d'affilée. "Je tiens mieux les comptes de ces journées que de mon compte bancaire", dit-il.Le médecin a gagné 15 kilo. "Je mange tout ce qu'ils apportent, parce que vous ne savez pas quand vous pourrez remanger de nouveau", explique-t-il en montrant une boîte de donuts.

Même les quelques petites heures passées chez lui chaque jour sont interrompues par des coups de fil interminables. Il ne dort, confie-t-il, qu'une à deux heures par nuit. "Ne me demandez pas comment je fais ça."

Et il n'est pas le seul. Dès juillet, le médecin alertait les médias sur les difficultés traversées par ses équipes.Le personnel "est très fatigué. Les infirmières se mettent à pleurer au milieu de la journée. Elles vont craquer parce qu'elles sont submergées par le nombre de cas", raconte-t-il à l'AFP. "Elles sont épuisées".

- Renforts -

A l'intérieur de l'unité de soins intensifs, les lits sont tous occupés. Assise au bord du sien, Gloria Garcia arrange sa coiffure et son maquillage avant son appel vidéo. Mais beaucoup sont allongés sur des coussins. Accrochées sur les murs, des cartes souhaitent aux malades un "bon rétablissement".

Les visages du personnel médical sont à peine visibles derrières leurs lunettes et leurs masques. Certains, dont le Dr Varon, portent des photographies d'eux-mêmes autour du cou.

Durant l'été, des renforts militaires sont arrivés, avec une équipe médicale -- mais ils ne sont pas restés. L'hôpital bénéficie encore de l'aide d'infirmières voyageant dans tout le pays, depuis le début de la pandémie, pour prêter main forte là où c'est nécessaire.

Demetra Ranson a quitté la Floride pour se rendre d'abord à New York --épicentre de l'épidémie au printemps--, puis dans d'autres points chauds avant d'arriver à Houston. Pour réconforter les patients, elle leur touche souvent le bras ou les épaules, et parle même à ceux qui ne peuvent répondre, explique-t-elle. Elle leur dit où ils en sont, au cas où ils puissent l'entendre.

- "Chasseurs de Covid" -

Les choses n'auraient pas dû en arriver là, selon le Dr Varon, qui a souvent fait part de sa "frustration" face au manque de respect des Texans pour les règles sanitaires."Les gens font tout ce qui est mauvais, ils vont dans les bars, les restaurants", s'est-il lamenté sur CNN. "Les gens n'écoutent pas et ils terminent dans mon unité de réanimation. (Ils) doivent savoir que je ne veux pas avoir à les enlacer."

En novembre, le "Lone star State" est devenu le premier aux Etats-Unis à dépasser le million de cas de coronavirus. Le gouverneur républicain du Texas, Greg Abbott, avait ordonnée un confinement d'un mois en avril, mais ne l'a pas renouvelé. Le port du masque n'a été rendu obligatoire qu'en juillet.

Pour Joseph Varon, les six à douze prochaines semaines, avec les fêtes de fin d'année, seront "les semaines les plus sombres dans l'histoire moderne de la médecine aux Etats-Unis", a-t-il déclaré sur ABC. Une morgue a été ajoutée par anticipation pour renforcer les capacités de son hôpital.

Les soignants, eux, s'y préparent tant qu'ils peuvent. Durant les rares moments de calme, dans une salle séparée où une banderole "Covid hunters" ("chasseurs de Covid") a été dressée, ils reprennent leur souffle.

AFP

guest
0 Commentaires