Certaines jouent en équipe nationale

A Hong Kong, des domestiques philippines jouent au cricket pour oublier leur quotidien

  • Publié le 25 décembre 2020 à 02:57
  • Actualisé le 25 décembre 2020 à 07:49

Après une semaine harassante passée au service d'une famille hongkongaise, des domestiques philippines profitent de leur repos dominical pour s'adonner à un passe-temps quelque peu improbable : le cricket.

Bien que débutantes et peu entraînées, l'équipe des SCC Divas, composée d'employées de maison philippines, a réalisé d'étonnantes performances. Elles ont ainsi réussi à se hisser à l'issue de leurs deux premières saisons dans la division supérieure. Leur réputation a même franchi les frontières hongkongaises. Sept joueuses ont rejoint l'équipe nationale féminine de cricket des Philippines. Ces employées de maison, appelées "helpers" ou assistantes, ont bousculé le tranquille milieu du cricket hongkongais, hérité de l'époque où le territoire était une colonie britannique.

"Nous sommes toutes des employées de maison. Certaines sont nouvelles et tiennent pour la première fois une balle de cricket entre leurs mains", explique la capitaine des SCC Divas, Josie Arimas, 52 ans, à l'origine de cette équipe. Le plaisir de jouer sur le terrain de cricket du village de Po Kong, qui offre une vue panoramique sur les immenses gratte-ciels et les collines escarpées de la ville, leur permet d'oublier un peu leur quotidien. La plupart travaillent de 6 heures du matin jusqu'à minuit, six jours par semaine, dans des appartements exigus.

Loin de leurs enfants

Des heures durant, elles s'activent à faire le ménage, les courses et à s'occuper des enfants des familles qui les emploient, loin de leur progéniture restée aux Philippines. Elles n'ont "aucun repos et sont résistantes", souligne Mme Arimas. La place financière internationale de près de 7,5 millions d'habitants compte environ 400.000 domestiques, essentiellement des Philippines et des Indonésiennes. Des défenseurs des droits humains dénoncent régulièrement leur exploitation par des agences de recrutements et des employeurs peu scrupuleux.

Tout en regardant les Divas évoluer, une domestique explique ne pas avoir un jour de repos hebdomadaire, comme l'impose le gouvernement. Son employeur ne lui accorde que six heures de congé par mois et elle dort dans le salon. Pour Liza Avelino, une joueuse, le cricket est l'occasion de s'évader un peu. "C'est très relaxant, cela donne du sens à ma journée", témoigne-t-elle. "C'est bien d'être active, cela permet d'oublier le stress, les problèmes et tout le reste".

En novembre, lors de leur victoire contre les Cavaliers, une équipe du prestigieux Hong Kong Cricket Club, les Divas ont une nouvelle fois montré leur adresse, héritée du baseball, un sport très populaire aux Philippines. Le match, s'est déroulé sous les encouragements de leurs coéquipières et de supporters.

"Esprit d'équipe"

"Elles sont tellement passionnées. Elles viennent toutes ici, elles passent la journée et regardent", s'enthousiasme la capitaine des Cavaliers Tracy Walker.
"Elles ont un jour de congé hebdomadaire, et que font-elles? Elles viennent s'asseoir et regarder, applaudir, s'entraîner chaque fois qu'elles le peuvent. C'est impressionnant". Trois ans à peine après leur création en 2017, les Divas ont formé une deuxième équipe, composée de débutantes, et souhaitent plus que jamais s'inscrire dans la durée.

Aminesh Kulkarni, qui a cofondé l'équipe avec Mme Arimas, collecte des fonds pour payer les cotisations, l'équipement et les autres dépenses. Egalement manager, il entend avant tout leur offrir une activité agréable. "Les Philippins aiment se rassembler. Donc, il suffit qu'une personne vienne pour que d'autres suivent. Une joueuse a commencé à passer du temps ici, et maintenant nous en avons 32", se souvient M. Kulkarni. "Mon objectif est que nous soyons environ 200. Il sera atteint d'ici deux ans."

Alvina Tam, en charge du développement du cricket à Hong Kong et joueuse au sein des Cavaliers, affirme que les Divas ont apporté du renouveau dans ce sport dominé par les expatriés et la communauté sud-asiatique. "Ce qu'elles ont apporté, c'est leur sens de la solidarité et l'esprit d'équipe", souligne-t-elle.
Pour Mme Avelino, une des joueuses, pour ces Philippines, qui le plus souvent ne rentrent au mieux qu'une fois par an aux Philippines, cette équipe est également un soutien moral.

"Il ne s'agit pas seulement de sport, il s'agit aussi d'avoir une famille à retrouver. C'est comme avoir des liens familiaux", selon elle. "En étant loin de chez soi, avoir des personnes qui font la même chose, c'est très valorisant. Nous adorons cela et nous avons hâte d'être dimanche".

AFP

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