Crise sanitaire

Précarité, perte de sens et solitude : les étudiants manifestent à travers la France

  • Publié le 20 janvier 2021 à 19:31
  • Actualisé le 20 janvier 2021 à 19:37

Lassés, démoralisés et précarisés: les étudiants descendent dans la rue mercredi à travers la France pour dénoncer les effets dévastateurs de la crise sanitaire sur leur existence quotidienne.

Cette journée de mobilisation vise à "défendre les conditions de vie et d'études des étudiants", résume à l'AFP Mélanie Luce, présidente de l'Unef, à son origine avec d'autres organisations politiques et syndicales de gauche (UNL, Solidaires étudiants, les jeunes communistes, les jeunes insoumis, les jeunes écologistes...)

Privés depuis plus de deux mois de cours en "présentiel", contrairement aux élèves des lycées, des classes prépa ou des BTS, de nombreux étudiants éprouvent un sentiment d'injustice.

A Paris, devant le CROUS de Port-Royal, un cortège de quelques centaines de manifestants a pris vers 14h00 la direction du ministère de l'Education en brandissant des pancartes sur lesquelles on pouvait lire "Présentiel, produit essentiel" ou encore "Politique incompétente, jeunesse agonisante", a constaté une journaliste de l'AFP.

"Ça m'a fait réagir de voir des étudiants qui avaient envie de se suicider. Pour la première fois de ma vie, j'ai moi-même pensé à ma propre mort il y a quelques semaines", témoigne à l'AFP Titouan, en deuxième année de philosophie à la Sorbonne, évoquant un "trop plein d'isolement" et "une perte de sens".

Devant les bâtiments de l'université de Rennes 2, où quelques 250 étudiants se sont rassemblés, Josselin 21 ans est aussi venu dire son "désespoir face à la solitude". "C'est dur, ça fait un an que je suis tout seul face à moi-même dans mon 18m2. Aujourd'hui j'ai reçu mon premier cours en PDF et +débrouillez vous avec ça+. Il y a des profs qui ne font même plus l'effort de faire des visios".

La semaine dernière, le Premier ministre Jean Castex a annoncé que les étudiants de première année à l'université pourraient reprendre par demi-groupes les travaux dirigés en présentiel à partir du 25 janvier.

Cette mesure s'étendra ensuite, "si la situation sanitaire le permet, aux étudiants des autres niveaux", a-t-il ajouté, sans donner de date. Pour Mélanie Luce, il faut "rouvrir les facs pour tous les étudiants". Si cela implique de dédoubler les classes, il est urgent de "recruter des professeurs de TD et titulariser des contractuels", plaide-t-elle.

- "Explosion de la précarité" -

Plusieurs études récentes ont mesuré une montée du mal-être étudiant. Ces dernières semaines, plusieurs suicides ou tentatives ont été recensés. A Rennes, Thomas, 18 ans, en L1 histoire, est venu exiger "un retour pour tous en présentiel sur la base du volontariat". "Il y a un malaise général lié au fait qu'on est confinés chez nous toute la journée devant un écran. Moi, ça me donne mal aux yeux, mal au crâne, je dors mal la nuit. Affronter cette solitude c'est pas ce qu'on imagine quand on devient un étudiant".

Cette mobilisation, après des mois de malaise diffus, a pris corps avec l'apparition depuis plusieurs jours du mot dièse "#etudiantsfantomes" sur les réseaux sociaux. "Obtenir mon diplôme par Teams c'est pas mon idée première... visio jour 467646743654 #etudiantsfantomes", peut-on lire par exemple sur Twitter. Ou encore: "Ce matin je découvre que mon prof ne fera pas cours du semestre ET que c'est à nous étudiants de trouver le cours sur internet... #etudiantsfantomes".

Le gouvernement a exprimé sa "préoccupation" face au "profond sentiment d'isolement" des étudiants et annoncé un renfort de psychologues et d'assistants sociaux. Un chèque de soutien psychologique, qui consiste à financer des consultations chez un psychologue de ville pour les étudiants en difficulté, devrait aussi voir le jour.

Des annonces toutefois insuffisantes aux yeux des syndicats. "On a l'impression que le gouvernement ne prend pas la mesure de la situation", déplore Mélanie Luce.

L'Unef a chiffré son "plan d'urgence" pour les étudiants à 1,5 milliard d'euros et réclame notamment une hausse immédiate des bourses et des aides au logement.

Pour la Fage, autre organisation étudiante, les dernières annonces du gouvernement traduisent "un manque de considération". "On a alerté sur une explosion de la précarité au sein de la population étudiante", dit à l'AFP son président Paul Mayaux. Les Agorae, des épiceries solidaires portées par son organisation, n'ont jamais compté autant de bénéficiaires. "Le gouvernement s'est engagé sur une réforme des bourses à la rentrée prochaine mais on ne peut pas attendre, il faut des aides immédiates", insiste-t-il.

 AFP

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