5 ans après les incendies

Le Maïdo n'aura plus jamais le même visage

  • Publié le 6 février 2016 à 10:30

Les experts estiment que le Maïdo retrouvera un état "correct" dans 40 à 50 ans, mais la végétation ne sera plus jamais la même. Les incendies de 2010 et 2011 déclenchés par l'ancien caporal-chef Patrice Nirlo, jugé aux Assises du 3 au 5 février, ont marqué la terre et certaines espèces de plantes endémiques ont totalement disparu de la zone. D'autres ont survécu et repoussent, petit à petit, aidées par les équipes du Parc national de La Réunion et de l'ONF. Mais les espèces invasives, en particulier l'ajonc d'Europe, gagnent du terrain, changeant profondément le visage de ce site qui heberge une faune et une flore exceptionnelle.

Maïdo, “terre brûlée” en malgache. “Cela signifie que c'est un espace qui a connu des incendies dans sa vie de façon régulière”, explique Janick Payet, responsable du secteur ouest du Parc national de La Réunion. Le 25 octobre 2011, des flammes de plus de dix mètres de haut ravagent le Maïdo, un an seulement après le premier feu d’ampleur. L’incendie va durer un mois, 2 800 hectares de forêt partiront en fumée. Patrice Nirlo, l'ancien pompier, jugé aux Assises, a été condamné ce vendredi 5 février à 12 ans de réclusion criminelle. “Avec un incendie tous les 20 ans, le milieu survit, mais tous les ans il ne peut pas avoir le temps de se reconstituer, analyse Janick Payet. Aujourd'hui, il y a un milieu qui se créé qui ne sera pas le même qu’avant.”

Benoît Lequette, responsable du service études et patrimoine au Parc national se souvient de ce jour invraisemblable. Une année après la forte inquiétude de 2010, la crainte de dégâts irréversibles se répétait. “On était, tous les agents du parc, rassemblés. Nous avions remarqué la fumée puis, tout s’est déclenché et nous avons reçu les coups de téléphone pour nous annoncer l’incendie.”

Immédiatement mobilisées, les équipes du Parc ont aidé les pompiers et les agents de l'Office national des forêts (ONF) à intervenir grâce à leur connaissance du terrain. “Notre rôle fut notamment de guider les moyens pour essayer de cibler les zones à haute valeur patrimoniale", raconte Benoît Lequette.

"Des espèces endémiques uniques au monde ont disparu"

Dans un second temps, les agents du Parc national ont travaillé à mesurer les impacts des incendies sur les différents patrimoines naturels et à déterminer comment restaurer les habitats touchés. En tant que Parc national, l’institution est garante de l’intégrité de la forêt classée au patrimoine mondial, elle est donc chargée de réaliser des suivis réguliers pour l’Unesco.“On s’est aperçu que des espèces endémiques uniques au monde ont disparu", témoigne Janick Payet.

Ainsi, trois espèces connues ne seraient plus présentes dans la zone. "Il se peut aussi qu’il y ait d’autres espèces que l'on n'ait pas identifiées avant et qui ont totalement disparu sans que nous le sachions jamais", souligne Janick Payet. Comme lors de chaque incendie, certaines espèces ont survécu parce qu’elles se trouvaient sur des parcelles épargnées par le feu. C’est notamment le cas d'une fleur présente dans les ravines.

"D'autres espèces sont en danger d'extinction et il va falloir les préserver", ajoute Janick Payet. Dans cette tâche, le Parc national est aidé par l’ONF. Après les premiers travaux réalisés dans l’urgence (sécurisation des zones d’accès du public, création de murets au travers des pentes pour limiter l’érosion à l’arrivée des premières pluies etc), l’ONF s’est attelé à la régénération des forêts brûlées. Les agents de l’ONF coupent le bois abîmé et laissent la nature faire le reste. “Il y a assez de graines dans le sol pour que ça pousse tout seul lorsque ça n’a pas été trop brûlé”, affirme Pierre Sigala, responsable de l’unité territoriale du Maïdo à l'ONF.

Le feu a favorisé la progression des espèces invasives

Aujourd’hui, cinq ans après le dernier incendie, certains endroits du Maïdo semblent n’avoir jamais connu les flammes. La végétation est revenue. Pourtant, les espèces présentes ne sont pas toujours les bonnes. “Le feu a favorisé une progression des plantes invasives sur le milieu, explique Janick Payet. Quand elles arrivent et s'installent, les espèces endémiques ont du mal à reprendre”. Par exemple, la graine de l’ajonc d'Europe, à ces altitudes, peut attendre tranquillement dans le sol pendant 30 ou 40 ans le bon moment pour germer. “On ne s’en débarrassera quasiment jamais. Il y a des milliers de graines dans un mètre cube de sol.”

La difficulté de lutter contre cette peste végétale et le manque de financements explique le retard pris sur la restauration des zones brûlées. “A l’heure actuelle, nous avons régénéré une vingtaine d’hectares de forêt de Tamarins des hauts depuis 2012, indique Pierre Sigala. Il était prévu, à l’origine, de remettre en état 14 hectares par an sur une durée de dix ans. Nous sommes aujourd’hui à 5 hectares par an environ.” Les travaux risquent donc de durer bien plus longtemps que prévu.

En attendant, les espèces invasives gagnent du terrain. "Le risque, c’est que l’ajonc envahisse la Glacière, les hauts du Tévelave, le Grand Bénard..., déclare Pierre Sigala. Cela va arriver si on continue comme ça. La lutte biologique (avec l'introduction de petites bêtes pour manger les graines et les tiges de ces plantes) serait la plus efficace, mais il reste à convaincre les gens."

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1 Commentaires
grand natte
grand natte
8 ans

pour s'en rendre compte il faut aller regarder la colonisation des coulées de lave de ces 40 dernieres années: il pousse des carreaux de filaos avec en sous bois du raisin marrons, des bois de chapelet. Pour les les foret de bois de couleurs il faudra se contenter de celles qui restent car celles qui sont détruites ne repoussent pas.