Il reste des zones d'ombre

Carrière de Bois blanc - nitrate d'ammonium : des questions en suspens

  • Publié le 11 janvier 2019 à 06:52
  • Actualisé le 11 janvier 2019 à 12:02

C'est écrit dans l'arrêté préfectoral émis par le préfet fin décembre dernier : plusieurs centaines de tonnes de nitrate d'ammonium seront stockées sur le site de la carrière de Bois blanc. Le nitrate d'ammonium n'est pas classé comme explosif mais conservé dans de mauvaises conditions, sans contrôle ou en contact avec certaines substances, il devient très dangereux. Ce produit est d'ailleurs soupçonné d'être à l'origine de l'explosion de l'usine AZF en 2001 à Toulouse. Le stockage du nitrate d'ammonium est régi par une réglementation drastique : la nomenclature des installations classées (ICPE). Cette nomenclature - définie par le ministère de la transition écologique - fixe un cadre légal pour les produits et activités à risque pour la population ou l'environnement. À la lecture de l'arrêté préfectoral, une information saute aux yeux : la SCPR, la société autorisée à exploiter les roches massives à Bois blanc aurait utilisé des artifices pour mener son projet à bien avec le moins de contraintes possibles.

Nitrate d'ammonium : un produit dangereux

Trois ans que Patrick Le Darj, membre du collectif Touch pa nout roche enquête sur le dossier de la carrière de Bois blanc. Sa spécialité : les produits dangereux nécessaires à l’exploitation de la carrière de roches massives et leurs conditions de stockage. Il s’est surtout penché sur le nitrate d’ammonium et sa conclusion est sans appel " la SCPR fait preuve de duplicité. La société a défini ses stocks pour être tout juste sous les seuils maximum autorisés et donc avoir le moins de contraintes de sécurité, de contrôle et de surveillance possibles "

Effectivement, à chaque fois que le terme " nitrate d’ammonium " apparaît dans l’arrêté préfectoral, les quantités maximum déclarées par la SCPR sont juste en-dessous du seuil où tout devient plus contraignant. Regardez :

Subterfuge

Patrick Le Darj explique " pour échapper aux contraintes supplémentaires de la directive Sévéso 3, la SCPR a placé juste sous la barre de la réglementation " seuil bas " le tonnage des produits présents sur le site de Bois blanc ".

Quand l'Europe fixe les règles

Cette directive européenne Seveso 3 concerne " la maîtrise des dangers liés aux accidents majeurs impliquant des substances dangereuses, établit les règles visant à prévenir les accidents majeurs qui pourraient être causés par certaines activités industrielles et à en limiter les conséquences pour la santé humaine et pour l’environnement. "

Seveso 3 fixe des dispositions très strictes. Pour la SCPR, passer de la législation française avec la nomenclature ICPE à la directive européenne induirait des changements considérables et des contraintes supplémentaires, cela a un coût.

L’une des mesures de Seveso 3 pourrait ralentir le chantier. Les exploitants doivent fournir un texte aux services de l’État pour informer le public des risques d’incidents majeurs " la participation effective du public à la prise de décisions est nécessaire pour permettre aux personnes concernées d'exprimer des avis et des préoccupations pouvant être utiles pour les décisions en question et au décideur de tenir compte de ces avis et préoccupations" peut-t-on lire dans la directive européenne.

Ce qui ne faciliterait pas la vie à la très discrète SCPR qui, jusqu’ici, a mené sa barque sans grande concertation avec le public notamment avec le collectif Touch pa nout roche farouchement opposé au projet de carrière. 

Une importante quantité de nitrate d'ammonium

Patrick Le Darj met aussi en exergue les quantités astronomiques de nitrate d’ammonium utilisées. En quatre ans et demi, durée de l’autorisation préfectorale d’exploitation de la carrière " ce sont plus de 3.000 tonnes d’explosifs qui seront utilisées, soit 50 tonnes par mois environ. Il transitera sur ce site 200 fois le stock de nitrate d’ammonium qui a explosé à AZF " affirme le militant. Un danger situé presque sur le pas de leur porte, comme indiqué dans l'arrêté préfectoral :

Risque attentat et malveillance

Le stockage d’une telle quantité de nitrate d’ammonium pose aussi une question de sécurité publique. La substance entre dans le procédé de fabrication des bombes utilisées par les terroristes lors des attentats de Paris en 2015. Ce risque, la SCPR l’a écarté d’un revers de la main dans son étude de danger " le site de Bois blanc n’est pas une cible crédible de malveillance ". Une hérésie pour Patrick Le Darj " les risques attentat et malveillance ont été volontairement sous estimés par la SCPR et la préfecture pour faire aboutir plus facilement ce projet néfaste. Ce qui met en danger la population riveraine, l’ensemble de la population réunionnaise à des fins mercantiles " s’indigne-t-il.

Coupures et embouteillages 

Et il y a la logistique. Dans son étude, la SCPR annonce des coupures de la Route des Tamarins de vingt minutes quand il y aura un risque de projections de roche liée aux tirs de mine. Vingt minutes ? Un délai intenable pour Patrick Le Darj qui a, de son côté, estimé que ces coupures pourraient durer entre une heure et une heure et quart. Cela entraînerait des embouteillages monstres dans un secteur déjà bien congestionné. Ce qui sonnerait comme une double peine pour les opposants au projet.

La SCPR ne communique pas 

Nous avons sollicité la SCPR à plusieurs reprises. Sans réponse de la part de la direction, nous avons joint le groupe Colas la maison mère de la SCPR et avons reçu ce mail laconique : " Les informations concernant votre demande sont d’ordre public et consultables sur le site de la préfecture de la Réunion. "

Tout est sécure pour la préfecture

Justement, côté préfecture, on nous assure que "les caractéristiques intrinsèques du produit, son isolement (stockage dédié), son état (solide) et son conditionnement ainsi que les conditions dans lesquelles il est stocké permettent à l’exploitant de se prémunir de tout risque d’explosion accidentelle de ce produit. Des conditions particulières ont été prévues par l’exploitant pour la surveillance du site en général et de cet espace de stockage en particulier, prescrites dans l’autorisation préfectorale d’exploiter. Il est également prévu des contrôles par un organisme tiers et les services de l’État à la demande de l’inspection des installations classées. Par ailleurs, l’exploitant s’est engagé à mettre en place un comité de suivi du site en phase de démarrage de l’installation. Pour des raisons de confidentialité, toutes ces dispositions ne peuvent être communiquées et diffusées. "

Du nitrate d’ammonium sera stocké sous forme liquide et de gel, comme stipulé dans l’arrêté préfectoral. Plusieurs questions soulevées par le collectif Touch pa tout roche restent encore sans réponse. 

fh/www.ipreunion.com

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2 Commentaires
Gramoune métropole
Gramoune métropole
5 ans

Dès qu'il y a le moindre doute de dangerosité, il faut abandonner les projets. Bizarrement rien ne filtre en métropole où le débat n'existerait même pas au vu des éléments précités.... Quelle honte de mettre nos concitoyens en danger !!!

Gerald
Gerald
5 ans

Je pense que c'est une histoire de fric et que certains politiques de la réunion ont un parti pris dans cette exploration pour ne pas faire tout en aqueduc ?pourquoi ne pas prendre les roches nécessaires sur les falaises a risque qui surplombent la route du cap La HoussayeCela ferait d'une pierre 2 coups .On surviendrait aux roches necessaires pour la Nrl et on purgerait définitivement cette route qui chaque année elle aussi occasionne des travaux coÃ"teux aux collectivités