Filière bovine

Après la leucose, la chlamydiose : les grands maux des bovins pei

  • Publié le 30 mai 2019 à 03:00
  • Actualisé le 30 mai 2019 à 15:07

Après la leucose bovine, voilà une nouvelle maladie qui fait son apparition sur les cheptels réunionnais. Peu connue, elle s'appelle la chlamydiose bovine et peut entraîner des avortements chez les vaches... mais aussi chez les humains. Début mai, un couple d'éleveurs à la Plaine des Cafres a appris que son cheptel, en plus d'être presque entièrement touché par la leucose, est aussi atteint en partie par la chlamydiose. Les autorités sanitaires maintiennent qu'il ne s'agit pas d'un pathogène majeur. Les éleveurs concernés, eux, ne voient pas ça du même oeil et s'inquiètent autant de ce coup de frein économique que des questions de santé publique. (Photo d'illustration rb/www.ipreunion.com)

Mélusine Lauret ne le savait pas, mais depuis 4 ans, elle s’occupe de vaches atteintes par la chlamydiose bovine. "Nous ne connaissions même pas cette maladie", nous explique son mari Georges Lauret, qui tient avec elle l'élevage situé à la Plaine des Cafres.

Le 2 mai 2019, le couple apprend en effet que la chlamydiose bovine est présente parmi leurs bêtes, avec 3 cas confirmés. Suite à des avortements répétés depuis 2015, ils avaient décidé de changer de vétérinaire, jugé insatisfaisant. Direction alors les services du Laboratoire vétérinaire départemental, qui leur a donc confirmé la présence de la bactérie sur leur cheptel. En tout, 48 bêtes sont mortes en 4 ans chez eux dont 19 veaux mort-nés, et 8 vaches mortes depuis le début de l’année.

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La dernière en date, le lundi 27 mai, a mis les Lauret dans une colère monstre : une nouvelle mort suspecte alors que le couple venait d’apprendre que la chlamydiose rôdait sur leur exploitation. A ça s’est ajoutée la venue surprise du service d’équarrissage. Il revient normalement aux éleveurs d’appeler eux-mêmes les vétérinaires de la DAAF (Direction de l'Alimentation, de l'Agriculture et de la Forêt de La Réunion) afin de venir s’occuper d’un animal mort. Mais alors que le couple était absent, Georges Lauret reçoit un coup de téléphone qui lui apprend à la fois la mort de l’animal et la venue du service sur leur exploitation.

La DAAF nous confirme qu’un témoin les a contactés afin de signaler une vache morte. Pour Bertrand Guizard, directeur adjoint, c’est tout à fait normal : "Vous voyez un cadavre d’animal, qu’est-ce que vous faites ? Vous appelez les services concernés. Cette personne-là a simplement fait un acte citoyen."

Une maladie transmissible à l’humain

La chlamydiose peut être bénigne comme elle peut provoquer des avortements sur les génisses atteintes par la bactérie. Il ne s’agit pas d’une maladie mortelle – si ce n’est pour les veaux mort-nés – contrairement à la leucose.

Selon Bertrand Guizard, "il est important de rappeler que cette maladie n’est pas déclarée comme pathogène majeur. Elle est effectivement transmissible à l’humain mais de manière très faible." Les symptômes sont surtout grippaux et se manifestent par une toux. Et en effet, si une femme enceinte entre en contact avec une génisse qui a vêlé ou accouché alors qu’elle était atteinte par la bactérie, elle peut à son tour contracter la maladie et risquer un avortement. "Un cas de figure extrêmement rare", selon le directeur adjoint de la DAAF.

Rare ou pas, la famille Lauret s’alarme. Le couple affirme n’avoir jamais été au courant de la présence de la bactérie sur le cheptel et regrette alors de s'être autant exposés sans le savoir. Toute la famille a fréquenté les animaux, les enfants en première ligne, sans protection.

"Les vétérinaires de la DAAF savaient" affirme de son côté Annie-Claude Abriska, présidente de l’Adefar (association de défense des éleveurs de La Réunion). "Les analyses de sang, faites régulièrement sur les bêtes, avaient déjà révélé la présence de la chlamydiose, mais personne n’a rien dit aux Lauret."

Oui la DAAF savait mais à ce niveau de l’histoire, deux versions s’opposent. Le couple Lauret affirme n’avoir jamais été mis au courant des résultats d'analyses contenant la présence de la bactérie. La DAAF de son côté maintient l’exact contraire : "Dès qu’une analyse est faite, c’est obligatoire de communiquer les résultats aux éleveurs, et c’est ensuite à l’éleveur de contacter son vétérinaire. Les résultats leur ont effectivement été envoyés mais ils ne les ont sans doute pas lus".

Aujourd’hui les Lauret sont au chômage technique. Leur cheptel est déjà atteint à 97% par la leucose, selon l’Adefar, et ils n’arrivent plus à commercialiser leur lait. Sans parler des bêtes qui continuent de mourir dans des conditions suspectes. Exclus de la Sicalait suite à un différend, ils se retrouvent aujourd’hui sans revenus : "Georges Lauret fait des petits boulots pour survivre, sinon c’est la famille qui les aide financièrement", explique Annie-Claude Abriska.

Une politique de l’autruche

Après la leucose bovine, qui ravage déjà 90% des élevages réunionnais, voilà une nouvelle maladie qui pourrait bien représenter un coup de frein important. La DAAF pointe du doigt un risque d’image : "La chlamydiose c’est un non problème. Il y a bien 500 maladies qui touchent les bovins, mais quand on dit et répète que la situation n’est grave on ne nous écoute pas".

Selon lui le fantasme alarmiste autour de ces maladies participe à la souffrance de toute la filière : "On est en train de mettre à genou tous les éleveurs en disant que ces maladies sont graves, car les gens ne vont plus vouloir acheter de la viande péi ou du lait, alors qu’il n’y a pas de risque sanitaire". Si la polémique touche sans doute les ventes des éleveurs, les décès à répétition des vaches les touchent tout autant...

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La SICA REVIA a également peur des conséquences. Davantage engagé sur la question de la leucose, le président de la coopérative Olivier Robert redoute un impact sur le consommateur. "Les gens se posent des questions et osent de moins en moins acheter la production locale, pourtant ils doivent comprendre qu’on respecte toutes les réglementations sanitaires".

Un scandale similaire en métropole aurait mené à l’éradication du cheptel entier. Mais ce n'est jamais le cas sur l'île. Pour la DAAF cette différence s’explique historiquement : "Dans l’hexagone, les élevages leucosés souffraient de concurrence face à ceux qui ne l’étaient pas. Mais La Réunion ne souffre pas de ce problème".

Effectivement… quand la leucose est présente sur la quasi-totalité de l’île, la question de la concurrence ne se pose plus… L’arrêté préfectoral du 1er novembre 2017 a officialisé cette "adaptation" : " Du fait de l’absence d’exportation de bovins et de la présence diffuse du virus (…) le ministère en charge de l’agriculture a dispensé La Réunion de l’application des dispositions en vigueur sur le reste du territoire national". Seule consolation : un dépistage sanguin annuel sur tous les bovins de plus de 12 mois.

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Rappelons qu’à La Réunion, il ne faut pas trop parler des risques sanitaires liés aux maladies bovines… "Une polémique lancée par des ignorants qui agissent par calcul" avait dit le préfet Amaury de Saint-Quentin lors d’une opération de communication auprès des éleveurs en avril 2018. Une sortie coup de poing qui avait choqué l'ensemble des éleveurs touchés par la leucose bovine.

mm/www.ipreunion.com

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2 Commentaires
Michel
Michel
4 ans

La chlamydiose est une maladie malheureusement courante chez les ruminants. Elle se gère très bien par de la vaccination (en prévention) et il existe des traitements efficaces en cas d'épisodes cliniques. Ce n'est pas un problème qui relève des autorités préfectorales mais de l'éleveur et son vétérinaire... S'ils sont suffisamment compétents sauront très bien gérer. Pas de quoi faire un fromage d'un cas de chlamydiose. Et à ne pas mélanger avec la leucose, aucun rapport.

Eugénia
Eugénia
4 ans

Selon les articles de presse, c'est 48 ou 53 bêtes mortes... Ces éleveurs sont pitoyables. Les ruminants ne meurent pas de chlamydiose. Par contre les vaches peuvent avorter.
Mais dès qu'une vache avorte, son éleveur, s'il est suffisamment professionnel, en parle évidemment à son vétérinaire qui demande automatiquement des analyses pour rechercher la cause de l'avortement. Les résultats sont toujours envoyés aussitôt à l'éleveur.
Or les Lauret font mine de découvrir une situation vieille de 4 ans ! Ce sont des éleveurs incompétents qui font peser le poids de leur bêtise sur leur SICA (qui a fini par les virer) et sur les autorités sanitaires. Et on crie au scandale sanitaire !
C'est du grand n'importe quoi. Réunionnais, ne vous faites pas berner par ces nigauds, qui trouvent un appui de l'ADEFAR, association catastrophiste qui n'a qu'une seule volonté : démolir et voir disparaître les élevages réunionnais.
Ils sont en passe d'y arriver quand on voit la défiance navrante des consommateurs vis à vis des productions peï.