Architecture créole

Au fil des cases de la rue de Paris

  • Publié le 10 août 2009 à 03:00

Déambuler dans la rue de Paris, à Saint-Denis, s'avère être un exercice fascinant pour les yeux. En effet, sur cette célèbre rue où triomphe le monument aux morts, passé et présent se côtoient. Le passé, ce sont ces dizaines de cases créoles qui bordent l'avenue. Aujourd'hui classées comme édifices protégés au titre des monuments historiques, ces villas sont un élément à part entière de l'identité réunionnaise.

La maison Déramond, la maison Carrère, la villa du Département ou encore la villa du Général, toutes ces cases créoles attirent régulièrement le regard des passants qui ignorent l'histoire de ces édifices. Et pourtant, leur existence est liée à l'histoire de La Réunion, plus particulièrement du chef-lieu.

En effet, dans la seconde moitié du 19ème siècle, Saint-Denis connaît une croissance économique d'envergure. La rue de Paris devient une place importante dans la société dionysienne de l'époque. "C'était un lieu d'élection de la grande bourgeoisie", souligne Frédéric Jacquemart, architecte au CAUE (Conseil d'architecture, d'urbanisme et d'environnement). En bas de la rue, sont regroupées toutes les administrations. L'autre partie qui se situe au-dessus du rond-point de la Victoire attire quant à elle un très grand nombre de bourgeois. Tout au long de cette portion de rue, ils y construisent des cases créoles qui rivalisent de beauté et qui sont entourées de jardins immenses et luxuriants.

Au fil du temps, certains propriétaires quitteront ces cases, laissant derrière eux des vestiges de l'histoire architecturale réunionnaise. Une histoire que l'Etat a tenté de partager en préservant et en restaurant les maisons les plus détériorées. Aujourd'hui, certaines cases accueillent des services départementaux ou bien l'office du tourisme intercommunal du Nord. D'autres sont devenues des lieux de culture comme le musée Léon Dierx. Enfin d'autres encore sont toujours en restauration pour retrouver leur splendeur d'antan.

La case créole, fruit d'un métissage

La case créole que le Réunionnais connaît aujourd'hui est le fruit d'une évolution inspirée de la France, de l'Inde mais aussi de Madagascar et d'Afrique. D'abord sous la forme de paillotes, elle a peu a peu évolué pour devenir une maison à pans de bois.

Lors de la colonisation de l'île, les premières cases étaient faites de matières végétales et plus particulièrement de pailles de vétiver d'où le nom de paillotes. Puis les premières cases à pans de bois feront leur apparition. Ces cases sont basées sur un modèle d'habitat rustique qui existait dans l'Ouest de la France au 16ème et 17ème siècle. C'est ce modèle qui a servi de base à l'évolution de l'habitat réunionnais.

Une autre évolution intervient au cours du 19ème siècle avec l'arrivée sur l'île d'un certain nombre de nobles qui voulaient fuir la Révolution française. Ils amènent avec eux l'esthétique néo-classique qui se caractérise par plusieurs choses : l'emploi de matériaux locaux (principalement du bois), la décoration, la symétrie ainsi que la simplicité de construction.

Cette esthétique, on la retrouve sur la plupart des cases créoles. En effet, elles sont souvent construites au centre d'un jardin avec un souci de symétrie. La porte d'entrée se trouve en effet juste au centre de l'ensemble de la villa. Parfois, une "façade-écran" donne une impression de grande ampleur à la case. "Mais souvent, le corps principal est plus petit", explique Frédéric Jacquemart. C'est le cas par exemple de la case Déramond, située à l'angle de la rue de Paris et de la rue Maréchal-Leclerc. Une façade verte imposante cache en réalité un bâtiment principal plus petit fait de bardeaux de bois.

D'autres éléments caractérisent la case créole comme la présence d'un fronton cachant une partie du toit, de lambrequins en guise de décoration ou encore des piliers en bois. Les architectes avaient également le souci de construire des cases pouvant résister aux aléas climatiques. Concernant l'architecture extérieure, le auvent permet de protéger portes et fenêtres. À l'intérieur, la varangue permet d'accueillir les invités tout en se protégeant du soleil ou de la pluie. Les pièces sont également bâties pour favoriser le confort thermique des habitants. Ainsi, le séjour se trouve au centre de la case tandis que les chambres sont placées en enfilade afin de permettre d'aérer toutes les pièces. Le plafond quant à lui est souvent haut et des impostes sont placées en partie haute afin de mieux évacuer l'air chaud.

D'autres éléments sont spécifiques à certaines cases comme l'existence de colonnes en pierres. C'est le cas à la maison Déramond. Certaines varangues sont dites ouvertes comme à la villa du Département, et d'autres sont fermées. Autre élément distinguant les cases créoles les unes des autres, le jardin. Petit ou vaste, très fleuri ou peu fleuri, à chaque maison son jardin.

C'est donc cette architecture provenant de divers horizons qui fait de la case créole un habitat unique et spécifique à La Réunion. Elle éveille l'admiration des touristes et des réunionnais malgré les mystères qui l'entourent. C'est pour lever une partie de ces mystères que le CAUE présentera du 8 au 25 septembre 2009 une exposition intitulée "case créole". Tirée de l'ouvrage "Cases créoles de la Réunion", cette exposition retrace l'évolution des cases créoles sur trois siècles par une approche historique et sociologique. Elle dresse le tableau des multiples facettes de l'architecture locale et des symboles forts de la culture créole.

Exposition "case créole", du 8 au 25 septembre 2009 au siège du CAUE, 12 rue Monseigneur de Beaumont 97477 Saint-Denis.

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