Visites présidentielles

En soixante ans, six chefs d'Etat français ont foulé le sol de La Réunion

  • Publié le 22 octobre 2019 à 02:59
  • Actualisé le 22 octobre 2019 à 10:25

De Charles de Gaulle à Emmanuel Macron, six présidents de La République française sont venus sur l'île. Quelles annonces ont été faites ? Comment ont été reçus les différents présidents ? Visites éclairs pour certains, passages multiples pour d'autres, bain de foule ou encore tourisme... De 1959 à aujourd'hui, revenons sur les différentes visites de chefs d'Etat à La Réunion et leur impact sur l'île. (Photos rb/www.ipreunion.com)

François Hollande : 21 août 2014

Elu depuis 2012, le chef de l'Etat François Hollande se pose sur le sol de La Réunion deux ans plus tard. Ses premiers mots seront dédiés à l'emploi et au "pacte de responsabilité", qui sera "adapté avec des modalités différentes dans les Outre-mer". Ce fut sa première annonce : des taux et des modalités plus favorables et des "défiscalisation préservées voire améliorées" pour les "emplois d'avenir".

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Autre annonce : une réforme de l'impôt sur le revenu pour que les plus nécessiteux "n'en payent plus". Le chef de l'Etat avait également annoncé une fusion de la prime pour l'emploi et du RSA activité.

Sa visite a également servi à aborder la fin des quotas sucriers. Ce fut le point fort de sa visite, en annonçant la mise en place d'une aide de l'Etat à hauteur de 38 millions d'euros. La reconduction de cette enveloppe a été remise en question cette année, jusqu'à ce que la ministre des Outre-mer Annick Girardin garantisse finalement sa poursuite pour l'année prochaine.

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François Hollande a également abordé la création d'une classe préparatoire aux concours administratifs à La Réunion, l'extension du Grand Port maritime en partie financée par l'Etat, ou encore le tourisme à travers la facilitation de l'obtention des visas.

• Nicolas Sarkozy : 18 janvier 2010 et 4 avril 2012

Nicolas Sarkozy s'en rendu sur l'île de La Réunion pour la première fois en tant que chef d'Etat en janvier 2010 pour une visite express d'un peu plus de 24 heures.

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Après un passage à Mayotte durant lequel il avait abordé la question de la départementalisation de l'île aux parfums, le président avait effectué une visite qui s'était déroulée majoritairement dans le Sud.

Malgré un grand bain de foule à son arrivée, il était attendu de pied ferme par l'intersyndicale pour rappeler au président "l'ensemble des problèmes sociaux non réglés depuis les manifestations menées par le COSPAR (collectif contre la vie chère - ndlr)". Parmi les principaux points de discorde : le pouvoir d'achat, les minima sociaux, les salaires gelés ou encore l'augmentation des prix.

Autre action sociale : une quinzaine d'ex-salariés de l'Arast (association régionale d'accompagnement social territorialisé), notamment des éducateurs spécialisés, s'étaient enchaînés pieds et cou sur le parvis des Droits de l'homme de Champ-Fleuri, à Saint-Denis, pour protester contre leur absence de statut.

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Pendant sa visite, Nicolas Sarkozy s'était rendu sur le site photovoltaïque de Saint-Pierre, puis au Tampon pour le projet du parc des Palmiers et était allé présenter ses vœux aux Réunionnais du parc des Expositions, à Saint-Denis. Durant ce discours, il avait affirmé aux habitants qu'ils ne les "décevraient pas". Il était revenu sur les Etats Généraux qui ont eu lieu à la suite de la crise sociale de début 2009 aux Antilles et à La Réunion. Mais beaucoup lui avaient alors reproché, après son départ, un manque cruel d'annonces sur le volet social.

Nicolas Sarkozy est revenu sur l'île en avril 2012, en tant que candidat pour un second mandat, et non en tant que chef d'Etat. Dès sa descente de l'avion, il avait été accueilli par plusieurs dizaines de manifestants. L'un d'eux avait défrayé la chronique en traitant le président de "pauvre con".

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Son meeting à Pierrefonds, point fort et final de sa visite, a été largement médiatisé, à travers l'affaire Bygmalion, la filiale qui a organisé les 44 meetings électoraux de Nicolas Sarkozy. Selon Mediapart à l'époque, le candidat aurait omis de déclarer 407.000 euros de frais pour ce meeting qui avait rassemblé 10.000 personnes.

• Jacques Chirac : 1996, 1999, 2001

Le président décédé le 26 septembre dernier est venu près d'une dizaine de fois à La Réunion. Mais en tant que chef d'Etat on compte trois visites pour Jacques Chirac. D'abord en 1996. Président depuis un an, il est revenu sur l'île pour trois jours, à l'occasion des 50 ans de la départementalisation de La Réunion.

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Il avait été accueilli sur le tarmac en grande pompe : embrassades à foison, maloya, des dizaines de jeunes qui arboraient le tee-shirt de campagne du président…

De nombreux élus considèrent alors Jacques Chirac comme un homme politique qui aime vraiment les Outre-mer. Au 1er janvier 1996, le Smic et l'ensemble des prestations sociales et familiales versées dans les DOM sont alignés sur ceux de la métropole, en accord avec ses promesses. Il en avait également profité pour aborder l'égalité des chances, un thème largement développé au cours de sa campagne électorale en partie basée sur la réduction de la fracture sociale

Jacques Chirac est revenu en 1999, pour présider le sommet de la Commission de l’Océan Indien (COI). Sa seconde visite fut beaucoup plus discrète et l'accueil beaucoup plus réservé. Déjà parce que la Commission de l'océan Indien pour laquelle s'est déplacé Jacques Chirac est très peu connue des Réunionnais. Fondée en 1984, elle regroupe les Seychelles, les Comores, Madagascar, Maurice et La Réunion. Elle portait sur les droits de douane, la coopération universitaire, le tourisme, mais les tensions avec les Comores se sont rapidement avérées insurmontables.

C'est durant cette visite aussi que Jacques Chirac avait abordé la question de la bi-départementalisation de La Réunion. Le président qui s'était alors dit favorable à l'instauration d'un nouveau département. Une idée qui ne sera jamais mise à exécution. Le chef de l'Etat fera machine arrière deux ans plus tard.

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En 2001, Jacques Chirac revient en déplacement officiel. Il y clôturera notamment la conférence des régions ultrapériphérique, et prépare la présidentielle de 2002. Malgré sa victoire à l'élection, l'année 2001 marquera sa dernière visite à La Réunion en tant que chef d'Etat, car il n'y retournera pas durant son mandat de 2002 à 2007.

• François Mitterrand : 8 février 1988

Déjà venu sur l'île lorsqu'il était en campagne, François Mitterrand revient en 1988 en tant que président de la République. Celui qui atterrit en Concorde se défend de faire campagne pour la prochaine élection, qui se déroule pourtant trois mois après. Il n'avait pas encore précisé à ce moment-là s'il se présentait ou non à un deuxième mandat.

L'égalité sociale fut au coeur de sa visite. Soutenu par le parti communiste réunionnais (PCR), une large partie de la population réclament l'alignement des prestations sociales et du Smic sur ceux servis en Métropole. Héritage du début de l'application du statut départemental en 1946 les aides sociales et le salaire minimum dans le secteur privé sont de 30% inférieurs à ceux de l'Hexagone. Les prestations servies dans la fonction publique sont égale à celles de la France métropolitaine. Dans ce secteur les salaires sont (et sont toujours) indexés à la hausse par rapport à ceux de l'Hexagone.

Le PCR conditionne son soutien à François Mitterrand pour la présidentielle à sa prise de position en faveur de cette revendication majeure. C'est chose faite le jour même de son arrivée. Devant des milliers de personnes rassemblées à l'extérieur de l'aéroport, François Mitterrand se déclare en faveur de l'égalité sociale.

Quelques mois plus tard, il arrivera largement en tête des deux tours de la présidentielle à La Réunion. Les prestations sociales seront alignées sur celles de Métropole en 1993 et le Smic le sera en 1995.

Anecdote musicale au cours de la visite de François Mitterrand. Alors qu'il prononce un discours à Saint-Benoît, il est nterrompu par une femme qui chante "Ti fleur fanée". Le président se prête au jeu et se met à chanter avec elle.

• Valéry Giscard d'Estaing : 20 octobre 1976

"VGE" aussi arrive à La Réunion à bord du Concorde. Une arrivée triomphale, qui a fait venir entre 70.000 et 100.000 personnes à l'aéroport Roland-Garros.

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Son prédécesseur Georges Pompidou n'avait pas fait le déplacement. Les Réunionnais devront donc attendre 17 ans pour revoir un président sur leur sol. L'accueil fut plus que chaleureux, et quelques ségas ont même été composés en son honneur.

Georges Pompidou n'ayant jamais fait le déplacement, il faudra attendre dix-sept ans pour qu'un autre président français foule à nouveau le sol de la Réunion. Cette fois encore, il s'agit d'un président de droite : Valéry Giscard d'Estaing. Comblée par cette visite, après tant d'années dans l'ombre, la Réunion lui offre un accueil qu'on n'avait jamais vu jusqu'ici… et qu'elle n'a plus jamais renouvelé depuis.

Il s'est notamment rendu à Saint-Louis durant cette visite présidentielle, ville PCR à l’époque. Il y avait parlé de l’autonomie de l'île, en rappelant son opposition.

• Général Charles de Gaulle : 9 juillet 1959

Sa visite fut éclair, moins de 18 heures. Il en profita, accompagné de son premier ministre Michel Debré, pour procéder au traditionnel dépôt de gerbe sur le monument aux morts de Saint-Denis.

C'est le tout premier président à fouler le sol de La Réunion, au milieu d'une foule en liesse. Le Général de Gaulle s'exprime devant plus de 40.000 personnes au stade de La Redoute, à Saint-Denis. "Vous êtes Français, vous êtes Français par excellence, vous êtes Français passionnément" clame-t-il.

Son discours est aussi marqué par un ralé poussé entre ses partisans et les militants du PCR tout juste fondé par Paul Vergès. Ces derniers sont expulsés du stade manu militari.

C'est le début d'une période sombre de l'histoire contemporaine de La Réunion alors fracturée entre les départementalistes menés par Michel Deré et les indépendantistes conduits par Paul Vergès. Bourrage systématique des urnes à chaque élections, agressions - parfois mortelles -, perpétrées par des gros brs, nombeuses saisies du journal Témoignages, condamnations pénales, explusions en Métropole de fonctionnaires jugés trop à gauche... frapperont le PCR et ses militants pendant deux décennies.

Ce n'est qu'en 1981 et l'élection de François Mitterrand que l'exercice normal de la démocratie commencera à s'appliquer à La Réunion

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1 Commentaires
Papillon diurne
Papillon diurne
4 ans

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, il fallait reconstruire l'Europe. Après, l'esprit colonialisme s'est encore exprimé en Indochine (17ème parallèle : bataille de Dien Bien Phu...jusqu'à ce que les Américains s'en mêle ! Napalm...).Djibouti sera le dernier morceau lâché...dans les années 70.19 mars 1946, colonie érigée (Sur papier ) en département, dès l'arrivée de la gauche en mai 81, on essaie de sortir d'une impasse. La régionalisation sera octroyée par défaut (absurdité : même emprise à la fois département & région). Depuis Mario (à cause de l'âge et accident de Raymond C.), en passant par Pierre, Camille le bref, Margie (à cause du nom),12 ans de Vergès et 10 ans de Robert (D.), la Réunion n'a pas vraiment avancé, si on se fie au chômage et à la précarité. Les mêmes causes produisent les mêmes résultats, donc il serait grand temps de changer de modèle de gouvernance locale: une seule entité administrative territoriale, plus d'autonomie, plus de responsabilité, plus d'obligation de résultats. Nous devons nous émancipé. Chacun a quelque chose à faire afin que ça aille mieux "demain matin".La vie dans n'importe quel département de la France continentale ne ressemble pas à celle d'ici. Nous avons beaucoup de retard.