Religion - Consommation

Halal Réunion: un certificat sous contrôle

  • Publié le 8 août 2011 à 06:00

Avec près de 70 000 musulmans vivant à La Réunion, le marché de la viande halal est devenu un véritable business sur l'île. Et comme certains business peuvent comporter des dérives, le conseil régional du culte musulman et le centre islamique de La Réunion ont décidé de le contrôler en mettant en place un certificat, Halal Réunion, pour garantir aux musulmans réunionnais des produits 100% halal.

Le terme "halal" n'est pas une marque protégée. Il s'agit simplement d'un terme inscrit dans le dictionnaire qui signifie qu'un produit est "licite" et respecte les principes de l'Islam. Qui veut apposer le terme halal sur le fronton de son magasin peut le faire sans être inquiété par les autorités qui n'ont aucun pouvoir pour vérifier du caractère halal ou non d'un produit. D'où cette question : certains entrepreneurs peu scrupuleux respectent-ils les préceptes de l'Islam ou affichent-ils simplement la notion de halal pour attirer une clientèle musulmane ?

Cette problématique a défrayé la chronique au début de la semaine dernière, à la suite de la rediffusion d'un reportage de canal +, "halal: les dessous du business". On y apprend les dérives de ce marché, avec parfois la complicité de certains organismes certificateurs. Cette affaire a provoqué un tollé dans la communauté musulmane. 8 élus municipaux musulmans ont ainsi réclamé une enquête parlementaire sur ce marché qui génère 6 milliards d'euros de chiffre d'affaires en par an en France selon le magazine Capital.

La Réunion compte également un organisme certificateur depuis 2007. Il s'agit de la commission de surveillance du halal à La Réunion. Cette structure a été fondée à l'initiative du conseil régional du culte musulman et du centre islamique de La Réunion. Son but, "veiller au respect des normes halal sur l'île". "Les habitudes des musulmans réunionnais ont évolué. Nous avons décidé de nous structurer pour pouvoir opérer un contrôle et assurer aux musulmans des produits 100% halal", argue Alçay Idriss Mourouvaye, vice-président du conseil régional du culte musulman et membre de la commission de surveillance.

Cette structure est divisée en deux parties: un organe décisionnel, la commission elle même. Et un organe opérationnel, sous forme de groupement d'intérêt économique. Ce dernier est chargé d'effectuer tous les contrôles au sein d'une entreprise avant de lui décerner le certificat "halal Réunion".

Pour obtenir la certification, l'entreprise doit respecter un cahier des charges précis. "Nous faisons un premier audit. Nous constatons ce qui va et ce qui ne va pas et nous invitons l'entreprise à s'adapter. Nous faisons par la suite un audit final pour constater les changements. C'est à la commission de surveillance que revient le dernier mot. Le vote doit se faire à l'unanimité des membres. Si le certificat est attribué, il est valable pour un an avant un nouveau contrôle. Entre temps, nous effectuons des contrôles permanents", détaille le représentant de la commission de surveillance.

Crête d'or a été une des premières entreprises à obtenir le certificat "Halal Réunion", en 2008. Elle a alors crée une marque spécialement dédiée à la clientèle musulmane, "al halal". "Nous avons crée une marque pour que les gens puissent se repérer. Nos viandes sont 100% halal. Tout comme nos charcuteries qui ne comportent pas de viande de porc ou de boeuf", indique Juliette Calvet, responsable de communication à Crête d'or.

L'entreprise se fournit localement, dans les différents abattoirs de l'île. Ces derniers ont également obtenu la certification "halal Réunion". "Les volailles abattues dans les abattoirs certifiés sont 100% halal. Un sacrificateur musulman prononce le nom de Dieu et égorge l'animal selon les rites musulman. Tout est vérifié par des contrôleurs de la commission de surveillance du halal à La Réunion", insiste Alçay Idriss Mourouvaye.

Concernant la viande bovine, la commission de surveillance "reconnaît que les animaux sont tués dans le respect des rites musulmans dans les laboratoires de Sicabat". Pourtant, la coopérative n'a pas encore de certification "Halal Réunion". Renseignements pris auprès de Sicabat, l'entreprise n'a pas sollicité de labellisation. "Nous étudions cette possibilité à moyen terme", indique Fabienne Camilly, responsable de la communication pour Sicabat. "Mais toutes nos viandes "Boeuf pays" sont halal", souligne-t-elle.

"Contrairement à ce que les gens pensent, nous faisons tout pour que les animaux ne souffrent pas. Notre technique est la même que dans des abattoirs classiques, l'abattage s'effectue sous contrôle des services vétérinaires. Sauf que nous prononçons le nom de Dieu avant", tient à préciser le vice-président du conseil régional du culte musulman.

La commission de surveillance poursuit ainsi son travail depuis 4 ans. A l'heure actuelle, environ 20 entreprises ont été labélisées, de la boucherie aux abattoirs en passant par la boulangerie - pâtisserie. Dernière labellisation en date, un des groupes les plus importants de la grande distribution sur l'île a obtenu le certificat "Halal Réunion" pour un certain nombre de produits qu'elle commercialise dans ses grandes surfaces. "Actuellement, une réflexion est en cours avec un certain nombre de fast food de l'île pour une certification. Ils sont intéressés par le halal", confie Alçay Idriss Mourouvaye.

Une vingtaine d'enseignes labellisées, on est bien loin des centaines d'entreprises et de restaurants qui affirment vendre du halal. "Nous ne sommes pas des gendarmes du halal", tient à nuancer Alçay Idriss Mourouvaye. "Ce sont les entreprises qui nous demandent de faire un audit afin d'obtenir une certification. Nous n'allons pas vers les entreprises", ajoute-t-il.

Comment alors vérifier si les produits vendus dans les autres structures sont réellement halal ? "Il n'y a aucun moyen officiel de contrôle. Le consommateur musulman doit toujours faire preuve de prudence et s'interroger lorsqu'il voit une enseigne où c'est écrit halal. Il doit se muer en véritable "consommacteur" pour voir si un produit respecte bien les préceptes de l'Islam", répond Bilal Gangate, Imam à la Grande Mosquée de Saint-Pierre et représentant du centre islamique.

Et ce, au moins jusqu'à ce que le "halal" devienne une norme NF. C'est la volonté de plusieurs associations nationales qui travaillent en ce sens. La norme NF acquise, le contrôle sur la qualité des produits halal pourrait ensuite se renforcer, avec l'appui des autorités sanitaires.

Mounice Najafaly pour
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