Onze sites illégaux visés par une plainte du conseil de l'ordre

Vente de médicaments sur internet : les inquiétudes des pharmaciens

  • Publié le 8 août 2013 à 05:15

Le 2 janvier 2013, la vente de médicaments sur internet était officiellement autorisée en France, une libéralisation effective depuis le 12 juillet dernier et la publication d'un arrêté imposant des règles strictes. Moins d'un mois plus tard, onze sites basés à l'étranger sont déjà soupçonnés de vendre des médicaments sans autorisation et visés par une plainte du conseil national de l'ordre des pharmaciens. Une dérive qui ne surprend pas les pharmaciens réunionnais, s'interrogeant sur la pertinence et l'utilité de cette ouverture imposée par la législation européenne.

Moins d’un mois après l’entrée en vigueur de l’arrêté réglementant la vente de médicaments en ligne, une première plainte a donc été déposée contre des sites frauduleux, comme le révélait le Parisien ce mercredi 7 août. Des sites basés à l’étranger (Belgique, Suisse, Russie) qui ne sont pas rattachés à une réelle officine française comme le stipule la loi, délivrant des médicaments sans autorisation avec tous les risques que ça implique.

"Ça ne m’étonne pas vraiment", témoigne Eric Cadet, président de l’Union régionale des professionnels de santé pour la pharmacie à La Réunion. "On se doutait que le public ne pourrait pas discerner s’il s’agit d’une vraie officine ou d’une pseudo pharmacie française", explique-t-il. Son confrère Nicolas Turpin, membre du syndicat des pharmaciens de La Réunion, le rejoint : "C’est tout le problème d’internet... La confusion est vite faite entre deux sites qui se ressemblent."

Pour les pharmaciens d’officine "traditionnelle", cette ouverture à la vente des médicaments sur internet entraîne ainsi pas mal de dérives. "On estime que 50 % des médicaments vendus sur internet sont des contrefaçons ou des médicaments qui n’ont pas d’autorisation de mise sur le marché en France", souligne Eric Cadet. "A La Réunion, les douanes ont d’ailleurs noté une recrudescence de ces médicaments depuis le début de l’année 2013", ajoute-t-il.

Effectivement, les services des douanes ont saisi 551 médicaments contrefaits lors des sept premiers mois de l'année 2013, contre 440 sur la totalité de l'année 2012. En revanche, le total s'élevait à 2943 articles saisis en 2011. Les douanes indiquent par ailleurs que le médicaments le plus saisi est le viagra, confirmant ainsi les inquiétudes d'Eric Cadet à ce sujet. "Le seul intérêt que je vois à la vente en ligne est pour des médicaments comme le viagra, pour lesquels les gens recherche davantage de confidentialité. Mais ce sont des médicaments dont la vente sans ordonnance n'est pas autorisée en France, donc c'est là que ça devient inquiétant et dangereux", explique-t-il.

"Les gens ne sont en général pas suffisamment méfiants", complète pour sa part Nicolas Turpin. "Un site se faisant passer pour une pharmacie française peut très facilement vendre de la contrefaçon. C’est un risque qu’on a pris avec la vente sur internet", poursuit-il.

Au-delà de l’émergence de ces sites illégaux, les pharmaciens doutent de la réelle utilité du web dans la vente de médicaments. "Je m’interroge sur la pertinence", confie Nicolas Turpin. "Des pharmacies, il y en a partout, il n’y a pas de désert pharmaceutique en France. En plus il n’y a pas de différence de coût significative, puisqu’il faut ajouter les frais de port, et il y a un délai d’attente de plusieurs jours", souligne-t-il.

Cette nouvelle pratique signifie également la négation de toute une partie de leur métier, à savoir le conseil, l’écoute, le dialogue avec le patient. "On ne peut pas avoir de suivi régulier et il n’y a plus le filtre du professionnel", regrette Nicolas Turpin. "Le contact physique et la conversation restent plus efficaces pour détecter des choses. Souvent on découvre un problème en parlant quatre ou cinq minutes avec les gens de la pluie et du beau temps...", abonde Eric Cadet.

"Les pharmaciens qui défendent ces sites internet évoquent l’accessibilité et la proximité, mais je n’y crois pas trop", poursuit ce dernier. Il s’explique : "Je crois plutôt à la recherche pécuniaire, car cela remet en cause notre système. Chaque officine française doit avoir une licence d’exploitation pour un bassin de 2000 à 3000 habitants. Or un site internet ne se cantonne pas à un quartier ou à une ville, donc cela transgresse cette règle. Les plus entreprenants sont ceux qui ont le plus de moyens, ils vont créer des plateformes qui pourront arroser la France entière et grignoter le territoire des autres officines, même si je doute que cette pratique se développe."

"Il y a effectivement un risque de voir le flux des petites pharmacies diminuer et de déstructurer un réseau qui fonctionne bien", ajoute Nicolas Turpin.

Pour l’un comme pour l’autre, la vente en ligne des médicaments est ainsi bien plus une source de nouveaux maux qu’un remède miracle, pour leur profession comme pour les patients.

www.ipreunion.com

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1 Commentaires
PlastiKo
PlastiKo
10 ans

Je ne sais pas où Eric Cadet a ses habitudes, mais pour ma part, discuter de la pluie et du beau temps avec un pharmacien pendant près de 4 à 5 minutes, cela ne met JAMAIS arrivé (A la Réunion, en métropole ou ailleurs...) !
Au contraire de M. Cadet et M. Turpin, je pense que la vente de médicaments sur internet peut être une très bonne chose pour les clients que nous sommes tous. Il convient cependant que ces plateformes de vente soient extrêmement surveillées et encadrées afin de limiter les risques de dérives (quelles qu'elles soient).
La frilosité de la communauté des pharmaciens est légitime et attendue, en effet, il n'est jamais agréable de devoir partager son trésor avec un nouveau venu. Cette situation me fait penser, avec amusement, à l'arrivée du 4ème opérateur de téléphonie mobile en métropole (Free) qui avait été traité de tous les maux (et l'est encore) à son arrivée sur le marché.
Au final, on veut nous faire croire que les pharmaciens s'érigent en gardiens protecteurs prêts à nous défendre contre les douces sirènes du diabolique internet. Je pense qu'il convient justement de ne pas se jeter dans la gueule du loup en pensant éviter la gueule d'un autre prédateur.
Les pharmaciens sont utiles, pour ne pas dire indispensables, mais ils sont loin, très loin, d'être nos amis, surtout quand on considère la multitude de prix "libres" qu'ils pratiquent.
Et dire que dans le serment d’Hippocrate, auquel ils se soumettent et prêtent allégeance, il est clairement précisé "(...) Je ne me laisserai pas influencer par la soif du gain ou la recherche de la gloire (...)"