Relations presse/justice

Tahiti : une journaliste mise sous pression par un magistrat

  • Publié le 17 septembre 2013 à 05:00

Non respect du secret des sources des journalistes. Pour avoir annoncé la déchéance disciplinaire d'un avocat indépendantiste et apparenté PS, une journaliste de Papeete se voit poursuivie, mise sous pression par un juge d'instruction qui entend lui faire trahir ses sources... Une nouvelle affaire, tahitienne et donc un brin exotique, qui vient s'ajouter à la litanie inquiétante des "libertés" que s'accordent en la matière des juges peut-être un peu trop zélés ; de l'affaire Bettencourt aux célèbres "fadettes", à celles des journalistes du Monde, du Figaro, de Libération, du Parisien, de L'Express et du Point, poursuivis pour "recel de violation du secret de l'instruction" dans l'affaire DSK... Ce qui fait beaucoup quand on sait que le secret des sources garantit la liberté d'expression et la liberté de la presse, selon les canons de la constitution française et de la Convention européenne des droits de l'homme.

Richard Tuheiava, sénateur indépendantiste, affilié au Groupe socialiste, avocat de son état mais en délicatesse avec les instances ordinales de sa profession et sanctionné par elles, poursuit au pénal une journaliste qui a eu l'outrecuidance de révéler la sanction disciplinaire - suspension pour deux ans, dont un an avec sursis, de l'exercice de la profession d'avocat - dont Me Tuheiava a fait l'objet, le 13 novembre 2009, suite à des faits qualifiés de façon euphémique de "manquement à la délicatesse, à la probité et à l'honneur de la profession".

Moralité, Christine Canot - Christine Bourne de son nom de plume -, journaliste honoraire, carte de presse N° 43324 (H7906), qui officie sur le site www.tahititoday.com, s'est vu convoquer es qualité de témoin assisté, le 6 septembre dernier, par le juge Philippe Stelmach, vice-président chargé des fonctions de l'instruction, dans le cadre d'une information visant à sa mise en examen du chef de violation du secret professionnel, de complicité et recel de ce délit…

Les choses auraient pu en rester là, l'information divulguée par Mme Bourne ayant été officialisée dans les 24 heures par un communiqué du Conseil de l'ordre des avocats, les journalistes n'étant, en outre, pas tenus au respect du secret professionnel. Mais selon Mme Bourne qui a écrit à la Commission de la carte de presse des journalistes professionnels pour se plaindre du sort qui lui est fait, le juge d’instruction qui soupçonne un magistrat de l’avoir renseignée "veut absolument" dévoiler sa source, lui reprochant d’avoir des relations téléphoniques avec certains d’entre-eux… 

A l'issue d'un premier interrogatoire de deux heures, il a menacé de mettre Mme Bourne en examen lors d’une prochaine convocation, avec en guise de moyen de coercition, le refus de reconnaître sa qualité de journaliste, ce qui la priverait du droit à la protection des sources, ouvrant même la perspective hypothétique d'une incarcération. Une menace qu'elle résume ainsi : "Il m'a dit : Vous n’êtes pas journaliste donc vous devez nous donner vos sources d’informations…" Dans le cas contraire irait-il délivrer un mandat de dépôt pour Nuutania, une des  prisons les plus infectes de la République ?

Le juge Stelmach - qui selon Gérard Davet et Fabrice Lhomme, du quotidien Le Monde, enquête sur d'autres magistrats du parquet de Papeete, lesquels ont saisi la Garde des sceaux des graves dysfonctionnements dont ils seraient victimes - mettrait à mal, s'il devait persévérer en ce sens, le secret des sources des journalistes, garanti par la loi depuis janvier 2010 et sanctuarisé par la jurisprudence de la Cour de cassation ; une protection renforcée, si besoin était, par le projet de loi présenté par Christiane Taubira, en conseil des ministres, en juin dernier, qui mettrait à l'abri les journalistes des délits supposés de recel de violation du secret professionnel, du secret de l'enquête et de l'instruction, entre autres avancées.

Enfin, si faire un scoop en révélant, 24 heures avant les autres, la sanction dûment instruite et décidée du Conseil de l'ordre des avocats de Papeete est à ce point grave, que doit on penser des faits commis par Me Tuheiava, et qui ont conduit à sa punition ? L'enquête diligentée par le Conseil de l'ordre des avocats du barreau de Papeete, à l'initiative de son bâtonnier, a établi que maître Richard Tuheiava avait manqué à ses obligations fiscales de paiement en matière de TVA et de l'impôt sur les transactions ; à ses obligations en matière de règlement de cotisations à la Caisse de prévoyance sociale… Jusqu'au règlement des salaires et congés du personnel du cabinet passé en pertes et profits, au point que les salariés ont prélevé directement les sommes dues sur le compte du cabinet…

Même topo en matière de paiement des loyers et des charges afférentes au bail professionnel courant 2007, 2008, 2009. Le pire étant à venir avec des manquements lourds de conséquences à l'égard de ses clients, qui ont vu leurs dossiers mal suivis, les procédures n'étant pas été engagées contrairement aux assurances données, quand les délais d'appel étaient négligés… 

L'annonce anticipée de la sanction de Me Tuheiava, confirmée en appel et en cassation, quand l'intéressé a démissionné du barreau de Papeete, sans doute pour se consacrer pleinement à sa mission parlementaire - Richard Tuheiava figurait en 2010 au nombre des sénateurs ultra-marins les moins assidus - n'a pas suscité d'atteinte à l'ordre public susceptible de charger le cas de Mme Bourne. Sa cause est en revanche plaidée par l'arrêt du 15 décembre 2011 de la Cour européenne des droits de l'homme qui fait prévaloir la liberté d'expression de l'avocat sur le secret professionnel auquel il est astreint, contrairement aux principes développés par la jurisprudence française. Auquel cas, si les avocats eux-mêmes ne sont point coupables lorsqu'ils violent leur secret professionnel, comment une journaliste pourrait-elle raisonnablement être tenue pour responsable d'un tel acte ? Chacun sait que la liberté de la presse ne s'use que si l'on ne s'en sert pas…

www.ipreunion.com

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5 Commentaires
Pas anoyme
Pas anoyme
10 ans

Pour la parfaite édification de l'auteur courageux du commentaire - anonyme - signé Tahitix, Imaz Press Réunion ne dit ni n'écrit n'importe quoi. Les faits relatés sont vérifiés et recoupés, le sénateur indépendantiste, apparenté PS au Palais du Luxembourg, Richard Ariihau Tuheiava (élu depuis septembre 2008), a bel et bien été sanctionné le 13 novembre 2009 par ses pairs du Conseil de l'Ordre des Avocats du barreau de Papeete ; pour "manquement à la délicatesse, à la probité et à l'honneur de la profession" suite aux multiples plaintes de ses clients sans oublier d'importants impayés.

Moralité, le conseil de l'ordre des avocats au barreau de Papeete, statuant en conseil de discipline, a prononcé, à l'encontre de Richard Tuheiava, avocat, l'interdiction temporaire d'exercer pour une durée de deux ans, dont un an assorti du sursis.
Pour rafraîchir la mémoire de Tahitix nous citons un extrait des charges ayant conduit à cette sanction, vainement attaquée par le sénateur Tuheiava en appel, puis en cassation. La citation est issue des minutes de l'audience de la Cour d'Appel de Papeete du 17 février 2011.

"Sur le fond : Le conseil de l'ordre sur le rapport très circonstancié de Maître D..., après avoir reçu les explications de Richard Ariihau Tuheiava, a, au terme d'une analyse détaillée des griefs, constaté que celui-ci avait manqué :
- à ses obligations fiscales de paiement en matière de T. V. A et de l'impôt sur les transactions,
- à ses obligations en matière de règlement de cotisations à la Caisse de Prévoyance Sociale,
- au respects de ses obligations en ce qui concerne le règlement des salaires et congés du personnel du cabinet,
- à ses obligations en matière de paiement des loyers et des charges afférentes au bail professionnel courant 2007, 2008, 2009,
- à la diligence et à la délicatesse à l'égard de ses clients, de ses confrères et du bâtonnier,

Devant le conseil, Richard Ariihau Tuheiava n'a pas contesté la réalité des griefs (...) la décision du conseil de l'ordre qui n'est pas sérieusement combattue, relève dans une analyse précise et pertinente plusieurs séries de griefs.

Il est ainsi bien établi que Richard Ariihau Tuheiava restait devoir en août 2008 la somme de 6. 186. 958 CFP au titre de la TVA pour l'exercice 2006 et 1. 017. 648 CFP au titre de l'année 2008 ; que si les déclarations à la Caisse de Prévoyance Sociale étaient effectuées régulièrement, le retard de paiement s'élevait à 3. 801. 849 CFP ; qu'au titre des impôts sur les transactions il était débiteur de 3. 579. 681 CFP ; qu'au début de septembre 2008 le passif social et fiscal s'élevait au titre des exercices 2006, 2007, 2008 à 14. 586. 136 CFP, outre les salaires, loyers et charges.
L'enquête démontre que Richard Ariihau Tuheiava a été très négligent dans le paiement des salaires, au point que les salariés ont prélevé directement les sommes dues sur le compte du cabinet.

Il ressort également des pièces du dossier que de nombreuses doléances ont été reçues à l'ordre, faisant apparaître un comportement critiquable au plan déontologique, dans la mesure où les dossiers ont été mal suivis, des procédures n'ont pas été engagées contrairement aux assurances données aux clients ; que des informations erronées ont été aussi données aux clients ; que des délais d'appel ont été négligés, qu'il a même tardé à rembourser à un confrère du barreau de Nouméa des honoraires perçus par erreur.

Le conseil de l'ordre a relevé, à juste titre, que pendant plusieurs mois, Richard Ariihau Tuheiava a négligé son activité, que l'accumulation des faits constitue de graves négligences et des manquements non isolés, constants, répétés aux principes essentiels de la profession, à ses obligations de compétence, de dévouement, de diligence et de prudence à l'égard de ses clients..."

Suite à l'annonce de la sanction du Conseil de l'Ordre, par Mme Bourne sur son site Tahiti Today, un scoop en bonne et due forme, le communiqué officiel ayant été rendu public 24h après, Me Tuheiava - qui a démissionné du barreau de Papeete en mars 2010 - a poursuivi au pénal, tout à la fois Mme Bourne, Me Thierry Jacquet bâtonnier lors des faits, le Conseil de l'Ordre des avocats et le Parquet général de la Cours d'appel de Papeete, pour violation et complicité de violation du secret professionnel.
Son but, que soient identifiés les membres du conseil de l'ordre qui auraient transmis à la presse la décision de sanction le concernant, arguant en outre d'un complot "polico-maçonnique" contre son auguste personne.

Parallèlement, M. Tuheiava, qui a prouvé ne pas être capable d'assumer correctement la gestion de son cabinet et le suivi des dossiers de ses clients a déclaré, sans rire, qu'il utiliserait sa chaise curule au palais du Luxembourg pour "réajuster certains aspects du fonctionnement judiciaire français en Outre-mer".

C'est dans ce contexte que le juge Philippe Stelmach a entendu Mme Bourne, journaliste honoraire, carte de presse N° 43324 (H7906), qui officie sur le site www.tahititoday.com, es qualité de témoin assisté, le 6 septembre dernier, dans le cadre d'une information visant à sa mise en examen du chef de violation du secret professionnel, de complicité et recel de ce délit...

C'est donc pour satisfaire l'égo malmené de M. Tuheiava, sans doute honteux de ses propres turpitudes, que Mme Bourne, qui est journaliste - honoraire - mais journaliste encartée, devrait trahir ses sources...
Le problème ciblé ici est bien celui de la protection des sources des journalistes, et ce, que les faits concernent des affaires qui ont lieu en Polynésie française, à La Réunion ou en métropole, n'en déplaise à l'anonyme M. Tahitix.

tahitix
tahitix
10 ans

Faut pas plus dire n importe quoi. Cette dame est cul et chemise avec Gaston flosse, vous savez, ce modele de probite en politique. Le livre de gerard davet et Fabrice Lhomme sur Flosse raconte meme comment elle etait payee pendant 13ans par la presidence flosse tout en etant editorialiste du groupe Hersant (c'est ecrit dans un rapport de la chambre territoriale des comptes sur la presidence flosse)Depuis son licenciement, elle tient un blog qui relaye les comunications et calomnies alimentees par Flosse et ses proches. Un modele de journalisme. Meme quand le sujet est exotique, ca n'empeche pas de se renseigner un minimum.

L\'indépendance
L\'indépendance
10 ans

Quand on vous dit que la justice est indépendante et qu'elle ne réagit pas suivant les ordres aussi bien de tutelle que de fratrie.

daaazibao
daaazibao
10 ans

Mais ouvrez les yeux. Le mode d'emploi est écrit sur bien des fronton de nos mairies alors ne soyez pas surpris aujourd'hui, on nous la suffisamment dit depuis un moment :

Liberté point Égalité point Fraternité point.

C'est écrit.... regardez!

pas a la réunion...
pas a la réunion...
10 ans

Ce n'est pas à la réunion que cela arriverait...!
Aucun organe de presse à la réunion ne fait un travail d'investigation qui mettrait les responsables devant leur contradiction ou leurs forfaitures! La presse réunionnaise est aux ordres, elle se satisfait de la douceur coloniale. Aucune remise en cause du système et de ces héros. La presse reunionnaise est du côté des nantis, de ceux qui dominent et profitent du système. la presse reunionnaise est le système.
Qui met la région face à ces contradictions sur le dossier 2OOO bus? Non...on va dire OH..citalis a achete 4 nouveau bus...c'est bien...
Qui met la région face à ces embauches d'emplois verts et le clientelisme? Face au trou financier que sera la nouvelle route du littoral? Qui a fait une enquete, interrogé les spécialistes, questionner le financement?
Qui met l'état face à ces contradictions? Qui va voir dans les prétoires le mepris face aux personnes souvent démunis face à l'utilisation du français? Face à la condescendance des magistrat en une attitude proprement coloniale?
Qui va mettre sa profession dans l'embarras en soulignant comme le prouvait une enquete récente dans un magazine que 60 % des journaliste à al réunion était des métropolitains. leur professionnalisme n'est pas en question. Mais leur indépendance d'esprit? leur vision de la situation réunionnaise? leur idéologie face aux faits culturels réunionnais? Qui poseront toutes ces questions?
Personnes: vive la colonie. Vive la presse libre!