Société

Maman et étudiante : tracas et complications

  • Publié le 19 janvier 2014 à 05:25

Quand les mots mère et études se rejoignent, la situation devient vite complexe. Être à la fois maman et étudiante - parfois lycéenne -, nécessite une réelle organisation. En effet, entre suivre des cours, tenter d'élever son enfant au mieux, trouver quelqu'un pour le garder, gérer le budget pour l'enfant et pour soi-même sans encore avoir de salaire, le quotidien d'une mère étudiante est semé d'embûches. Des aides financières existent pour ces jeunes femmes, mais leur situation reste malgré tout difficile.

Il n'a pas été possible pour Chloé de concilier lycée et bébé. Cette Réunionnaise partie étudier en métropole a dû arrêter ses études en terminale en 2013. Sa grossesse était la cause de trop d'absences. "De fait, j'ai été déscolarisée et je suis rentrée à La Réunion", indique-t-elle. "Ma grossesse était compliquée, j'ai raté 4 mois de cours, et j’ai dû tout arrêter", explique-t-elle. "Mon lycée était très réputé, et ils m'ont dit qu'ils ne pouvaient pas garder une élève qui risquait de rater son bac, un pourcentage de réussite devait être respecté dans leur établissement" dit-elle.

Ana Ebro, infirmière et conseillère technique auprès du recteur de La Réunion, est outrée de cette déscolarisation imposée à Chloé. "Je ne sais pas comment fonctionnent les lycées en métropole, mais ici, c’est le contraire!", s'indigne-t-elle. "On aide les jeunes mamans, on fait tout pour les accompagner. Notre but est qu’elles réussissent, pas qu'elles soient déscolarisées", commente-t-elle. "Il n’y a pas d’aménagements spéciaux dans les lycées de La Réunion, en tout cas pas à ma connaissance, mais le personnel social et infirmier est présent pour accompagner les jeunes mères, pendant toute leur grossesse et même après, pour faciliter leur réintégration dans le milieu scolaire", dit encore Ana Ebro.

Outre le problème de suivi des cours, les mères étudiantes ont aussi à s'organiser sur le plan financier. Comme toutes les mères qui ont un enfant à charge, elles ont droit à un certain nombre de prestations versées par la caisse d'allocations familiales (CAF). Elles bénéficient de la prime de naissance, versée au 7ème mois de grossesse, de l'allocation de base servie jusqu'aux 3 ans de l'enfant, de l'allocation de parent isolé (API), ainsi que du complément de libre choix de garde. Ces montants varient selon la situation et les ressources des mères. "Il n’y a pas d’âge minimum pour pouvoir en bénéficier, les mineurs aussi y ont droit ", précise Liliane Pausé, directrice adjointe à la CAF de La Réunion.

Des aides financières pas toujours suffisantes

Mais même en bénéficiant de ces aides, beaucoup de mères doivent faire face à des difficultés financières. C'est ce qui est arrivé à Julie, ancienne étudiante à l'école de sages-femmes à Saint-Denis. Lorsque sa fille a eu 3 ans, elle n’a plus perçu l’allocation de base. Un trou de 184,62 euros dans son budget mensuel "ce n’est pas rien", commente la jeune maman. "C’est vraiment dommage de retirer cette allocation, cela m’aidait beaucoup pour les dépenses liées à l’éducation de ma fille. Pour moi cela a été tout de suite moins évident financièrement", ajoute Julie.

En plus des allocations servies par la CAF, Julie a bénéficié pendant toute la durée de ses études d’une aide annuelle de 200 euros versées par la commune de Saint-Joseph, la ville dont elle est originaire, et de 1007 euros alloués par le conseil régional. "Mais ce n'était évidemment pas suffisant", souligne la jeune femme.

La situation est tout aussi problématique concernant le logement. Le Crous, un établissement public chargé principalement de la gestion de l'aide sociale et des logements pour étudiants, n’accueille pas les mères ayant un enfant à leur charge. "Il est interdit d’occuper un logement avec un enfant" souligne un agent du Crous. Il ajoute : "de toutes façons, nous ne proposons que des chambres universitaires, trop petites pour accueillir une mère et son enfant". Sur le plan financier, cet organisme ne verse aucune aide particulière aux étudiantes.

Audrey, 23 ans, mère et étudiante en master recherche d'anglais est en colère. Elle estime qu'il devrait y avoir des aides supplémentaires pour les mamans étudiantes. "C'est honteux de la part de l'Etat de ne pas avoir prévu de logements pour les mères étudiantes au Crous… Je perçois cela comme une totale indifférence, et j'exagère peut-être, mais je dirais même une sorte de discrimination", affirme-t-elle.

Un manque de structures d'accueil

Sans structure d’accueil, les étudiantes sont obligées de faire garder leur enfant. Julie laissait son bébé à la garde de sa sœur à Saint-Joseph pendant qu'elle allait en cours à Saint-Denis (où elle avait un petit logement étudiant). Elle a finalement dû placer son enfant à la crèche car sa sœur ne pouvait plus s'en occuper. "J'avais eu une place dans une crèche à 1100 euros par mois. Même si ma famille et le père de ma fille m'aidaient, ce n'était plus possible pour moi de continuer à payer cette somme", confie-t-elle. "Heureusement, j’ai obtenu une place à la crèche municipale de ma commune peu de temps après, qui ne me revenait qu’à 54 euros. Et c'était un énorme soulagement."

Ainsi, les mères étudiantes tentent de gérer au mieux les cours, le budget financier, l'éducation, la garde de l'enfant et les sentiments... Pour voir son enfant le plus souvent possible, Julie faisait la route Saint-Denis – Saint-Joseph, aller et retour, quasiment tous les deux jours. "J’étais frustrée de ne pas être à ses côtés", avoue-t-elle. Elle continue : "quand je ne la voyais pas, je me sentais triste… Je ratais des spectacles qu’elle faisait avec sa classe en maternelle… Je me sentais coupable à fond !"

Si Julie trouvait la force de faire un long trajet plusieurs fois par semaine pour voir sa fille, Chloé est plutôt découragée par sa nouvelle vie de mère : "je dois avouer que je suis encore un peu perturbée dans mon organisation depuis la naissance de Noah. C’est triste, j'ai l'impression que je ne pourrai plus jamais avancer, que je n’aurai même pas le temps de passer le permis, chose qui me tient à cœur si je veux être disponible pour mon bébé."

Audrey, qui ne retourne à Saint-Joseph que le week-end pour voir son bébé, trouve sa motivation dans le fait d'apporter un confort matériel à son enfant dans les années à venir. "Moralement c’est très dur pour moi de vivre loin de mon enfant, mais je me dis que c'est pour lui que je fais tout cela. On ne manquera de rien si je réussis mes études et que cela me permette de trouver un bon emploi. C'est cela qui m'encourage" souligne la jeune femme.

Mélissa Perciot pour www.ipreunion.com

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3 Commentaires
sylvy
sylvy
10 ans

Je ne pense pas que ces étudiantes aient choisi d'avoir un enfant si jeune, cette situation peut arriver à chacun de nos enfants j'ai connu des jeunes femmes salariées être enceinte sous ''pilules'' Ces jeunes femmes ont raison de dénoncer elles assument leur enfant et en cela il faut une entrai aide humaine une sorte de collectif intergénérationnel pour la garde de l'enfant!
Que proposent-elles comme solutions en dehors des aides financières ?

aa
aa
10 ans

on m'a toujours dit: tu reussis a l'ecole, tu fais des etudes, tu te trouves un job, tu te mets en couple et apres quand tout est stable tu songes a faire un enfant!
qu'elles assument (et le pere aussi!)

urpils
urpils
10 ans

C'est n'importe quoi ! Quand on ne peut pas s'assumer on ne fait pas un gosse en espérant que l'Etat c'est-à-dire moi le contribuable subviendra aux besoins des parents et du gosse. C'est quoi cette mentalité ? Je travaille, mon épouse aussi et on hésite à faire un 2è enfant car il faudra songer à un appartement plus grand, des frais suppléméntaires notre situation professionnelle n'est pas encore stabilisée etc... Et des étudiantes ou lycéennes ne se gênent pas, comptent sur la solidarité. Quelle mentalité...