Cyber sécurité, Direction du renseignement intérerieur et raison d'Etat

BinarySEC : une start-up réunionnaise très surveillée

  • Publié le 8 mars 2014 à 10:00

Informatique high-tech, riche investisseurs chinois, "men in black" (direction centrale du renseignement intérieur) et raison d'Etat, petite start-up et géants de l'armement... Tous les ingrédients d'un polar, ou d'une transaction commerciale sous haute surveillance, sont réunis. Le tout, entre New-York et l'Etang-Salé, sur fond de protectionnisme et d'intelligence économique.

Fondée en 2007 à Etang-Salé par Michaël Vergoz (fils du sénateur Vergoz) et Richard Touret, la société BinarySEC, spécialisée dans le domaine de la sécurité informatique en ligne, a connu un développement rapide, notamment grâce au lancement d'une solution novatrice de sécurité pour les sites web intitulée EasyWAF. Tant et si bien que la start-up péi dispose depuis janvier 2013 d'une adresse prestigieuse au 41 Madison avenue à New York, où s'est installé le troisième homme de l'équipe, Joris Buchou, en charge du développement international.

La cybercriminalité est un secteur en développement exponentiel. Sur le seul marché US, il apparaît que sur ces huit dernières années, plus de 600 millions d'utilisateurs américains ont vu leurs informations personnelles volées en ligne. BinarySEC propose donc aux propriétaires et administrateurs de sites web de les protéger aussi simplement que l'on protège un PC à l'aide d'un antivirus.

Un investisseur chinois intéressé

Le succès commercial des solutions de la start-up-péi a attiré l'attention de gros clients. Et comme une bonne affaire est toujours à vendre, un investisseur chinois s'est manifesté, proposantun deal à hauteur de 7 millions d'euros environ. Une aubaine et un joli coup de fusil, vu de l'Etang-Salé ou même de New-York.

Mais, la vente à l'étranger de technologies informatiques de haut niveau n'est pas si anodine et libre qu'il y paraît, même dans un secteur aussi mondialisé que celui des logiciels. De fait, la France et le Royaume-Uni ont demandé d'ajouter au listing de la convention internationale de Wassenaar qui contrôle les exports de technologies sensibles - héritière de la guerre froide - des logiciels de type cyber-sécurité/cyber-défense. Une vigilance qui redouble le régime communautaire de contrôle des exportations de biens dits "à double usage", car susceptibles de connaître une utilisation tant civile que militaire. En conséquence de quoi, on applique aux logiciels et technologies de cyber-sécurité les mêmes préventions qu'en matière d'armement, nucléaire y compris.

La direction du renseignement intérieur ne veut pas d'une vente à l'étranger

Sont particulièrement visés les algorithmes d'attaques Internet ciblées (APT) et leurs contre-mesures, les technologies de surveillance de masse, connues sous le terme de deep packet inspection. La solution de BinarySEC, figurant au nombre des logiciels grand public, ne devrait pas faire l'objet de contrôle à l'export. Mais à la veille de signer leur fructueux "deal" chinois, BinarySEC et Michaël Vergoz ont reçu la visite des "men in black", les "hommes gris" selon l'acception française,  même job en dépit de la différence de couleur, soit la DCRI-Réunion (Direction centrale du renseignement intérieur – services secrets agissant sur le territoire français).

Steria, Cap Gemini Sogeti et… Thalès

On lui a poliment expliqué qu'il serait conseillé de suspendre la négociation avec les Chinois et judicieux de proposer le produit à des entreprises telles que Steria, Cap Gemini Sogeti et… Thalès, lesquelles sont toutes françaises et européennes. Défense et sécurité de la nation et de l'Union obligent, on peut comprendre ce réflexe de patriotisme économique, si ce n'est qu'en corollaire à cette médiation discrète de la DCRI, il a été expliqué au vendeur qu'il ne pourrait obtenir plus de 3 millions d'euros de la part de sociétés françaises fatalement nécessiteuses… Sans doute un trait d'humour intimidant à la sauce raison d'Etat.

Thales et Steria ont fait des tests. Thales a confirmé par courrier avoir analysé l'intégration des solutions logicielles BinarySEC à ses applications militaires…

Aucun n'a communiqué le rapport de test. Le patriotisme économique peut coûter cher parfois...

www.ipreunion.com

guest
0 Commentaires