Afrique de l'Est - Comores - Mayotte

Le risque de frontières trop perméables

  • Publié le 18 novembre 2014 à 05:15

Mayotte et La Réunion constituent d'intéressantes portes d'entrée de l'Union Européenne dans l'océan Indien, pour qui veut y pénétrer à partir de l'Afrique de l'Est, ou y faire transiter des flux financiers. Or, si le trafic des "mules" en provenance de Madagascar ou d'ailleurs n'excite officiellement pas grand monde, et surtout pas Tracfin, l'argent n'a pas d'odeur tant qu'il n'y a pas de faux billets dans les dépôts opérés sur les banques de la place, les flux incontrôlés de populations parfois dotées d'authentiques vrais-faux papiers suscite quelque inquiétude en ces temps d'essaimage djihadiste.

De fait, à Mayotte, département français sis dans le canal de Mozambique, il apparaît qu'à la pression migratoire comorienne, déjà incontrôlable, s'ajoute celle de filières qui font transiter vers le territoire français des ressortissants étrangers en provenance de Syrie et du Yemen, si on se limite aux arrestations qui ont eu lieu en septembre de cette année et la semaine dernière. Dans le même temps, la population mahoraise observe l'irruption de pratiques et de comportements religieux étrangers à sa culture, ce qui a récemment entraîné la réaction du collectif des "Femmes leader" de Mayotte, vivement opposé au risque de "dérive intégriste" ; moyennant quoi les Mahoraises ont appelé à un meilleur contrôle des écoles coraniques.

A Mayotte, où les effectifs de la police aux frontières ont augmenté de 337% entre 2004 et 2010, rien ne semble pouvoir tarir ou réguler le flux d'immigrants, ni la quarantaine de marins de l’élément de base navale de Mayotte, la gendarmerie maritime ou les douaniers, ni même le radar qui voit à travers l'obscurité. Car ce flux migratoire nourrit un business prospère à partir d'Anjouan, et que l'attractivité de Mayotte, en tant que département français, avec tout ce que cela implique en termes de protection sociale, de santé gratuite, d'éducation, de logement, de naturalisation par droit du sol…

 "Refuser de recevoir les Comoriens et les Comoriennes expulsés illégalement de Mayotte"

Et si l'on expulse beaucoup en retour, 15 908 clandestins expulsés en 2013, les autorités françaises sont confrontées à la relative mauvaise volonté de l'Etat comorien qui considère Mayotte comme partie intégrante de son territoire, et la migration clandestine vers Maore comme un simple déplacement de population. Tel est le propos tenu par le gouverneur d'Anjouan, Anissi Chamsidine, qui sait parler coopération lorsqu'il rencontre les élus réunionnais, Nassimah Dindar récemment, mais appelle au débarquement massif lorsqu'il discourt devant les Anjouanais.

Ainsi, déclarait-il, le 1er août dernier, dans son discours de l'Aid-el-fitr : "A la compassion doit succéder non la politique politicienne et la haute diplomatie mais la conscience humaine pour mettre fin intelligemment à ce génocide (sic) qui ne dit pas son nom. Je propose surtout qu'à l'occasion d'une commémoration de ces drames, nous Comoriens, prenions tous les kwasa qui existent dans le pays et qu'on y embarque par cinq en direction de Mayotte pour voir quelle sera la réaction du gouvernement français…" Et de fonder cette position un brin provocatrice sur cette explication : "Tenter d’empêcher une embarcation qui veut se rendre à Mayotte serait en violation avec notre propre loi, car Mayotte est comorienne."

Aux Comores, réflexe nationaliste et diplomatie obligent, on instrumentalise peu ou prou les milliers de morts du trafic des kwasa kwasa, présentés comme autant de victimes de la politique coloniale de la France et du "visa Balladur", instauré en 1994, pour limiter le flux migratoire clandestin. Sous la présidence de Ahmed Abdallah Sambi, dit l’ayatollah, car d'obédience chiite et sous influence iranienne, les Comores ont un même un temps interdit à la France de rapatrier les sans-papiers débarqués des kwasa kwasa et qui étaient interpellés par la gendarmerie.  Aujourd’hui, si d’Etat à Etat  on en est revenu à une collaboration politiquement correcte, le feu couve aux Comores.

Le président du Comité Maore, Ali Abdou Elaniou, par ailleurs doyen des avocats, stigmatisait  à l’occasion de la célébration de la Journée Maore, la semaine dernière, à l’Assemblée nationale les " collabos de la France " en appelant à former " une résistance solide à l’intérieur du pays et à l’extérieur (…) la diaspora est indispensable car elle peut s’organiser et agir sur le sol Français pour nous apporter la liberté ". Et d’inciter le gouvernement à refuser de recevoir les comoriens et les comoriennes expulsés illégalement de Mayotte. Même état d’esprit pour le vice-président de l’assemblée nationale, Djaé Ahmada Chanfi, qui dans  une récente interview , déclarait au sujet de Mayotte : " Si défendre son pays est synonyme d’anti-français, alors je le suis Les Comores sont souveraines. L’unité de mon pays n’a pas de prix. Nous sommes dans l’obligation morale de défendre cette cause légitime et nous irons jusqu’au bout… "

La gestion du flux migratoire semble bien mal engagée…

Philippe Le Claire pour www.ipreunion.com

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1 Commentaires
gemijuco
gemijuco
9 ans

Ce ne sont pas des frontières que nous avons, mais des passoires !!!!! Il faudrait mettre un frein car on ne peut accueillir toute la misère du monde !