Elle est la nouvelle 1ère présidente de la cour d'appel de Saint-Denis

Gracieuse Lacoste : "Le défi ici est institutionnel"

  • Publié le 9 février 2015 à 15:04

La cour d'appel de Saint-Denis a organisé ce lundi 9 février 2015 sa traditionnelle audience solennelle de rentrée. A cette occasion, la nouvelle 1ère présidente de la juridiction a pris ses fonctions. Gracieuse Lacoste, alors présidente du TGI de Poitiers, succède à Dominique Ferrière, devenu premier président de la cour d'appel de Bordeaux. C'est elle qui a ouvert la nouvelle année judiciaire 2015. L'occasion pour la magistrate de présenter ses objectifs et sa vision de la justice.

Vous êtes la première femme à occuper ce poste de première présidente de la cour d'appel. Cela représente quelque chose de particulier pour vous ?

Il se trouve que jamais une femme n'a été nommée et que je suis la première, mais vous imaginez bien que je fais partie de ces femmes de la magistrature. J'ai un âge, une expérience et une carrière derrière moi qui expliquent la désignation plus que le fait que je sois une femme. Après, je ne vais pas m'en cacher. Mais ce n'est pas la justice des femmes contre les hommes. Quand j'ai prêté serment, c'était pareil : il y avait plus d'hommes que de femmes. C'est assez normal, et je ne le vois pas comme quelque chose d'extraordinaire. Nous sommes des pionnières, et il nous a fallu plus de temps que les hommes pour accéder aux responsabilités.

Nous sommes tout de même dans un département où l'on parle beaucoup de violences conjugales, est-ce que cela peut vous toucher ?

Trop longtemps, on a considéré que ces violences n'étaient pas une infraction parce qu'elles étaient familiales. Aujourd'hui, la société évolue et je suis au coeur de cette évolution tout comme les hommes au parquet. La famille ne gomme pas l'aspect délictuel des faits. Si on banalise complètement cette violence, je ferais en sorte de revenir sur ce qui est le droit commun.

Maintenant que vous êtes en poste, quelles sont vos priorités ?

Je m'occupe du siège, c'est-à-dire de tous les magistrats qui décident. Pour moi, les juges doivent être dans les meilleures conditions d'impartialité, d'indépendance, de fonctionnement, d'effectifs et de moyens pour rendre une bonne justice. C'est comme ça que je vois les choses.

Lors de votre discours, vous avez notamment évoqué les problèmes fonciers à La Réunion. Pourquoi ?

Je recevais des courriers dans ma précédente affectation, et ici, je reçois un courrier phénoménal. Je vois que les gens se plaignent du foncier en général : du droit de passage, des actes qui ne sont pas fiables, des histoires… Je vois bien que le foncier au sens large est quelque chose de très important. […] Je suis arrivée ici le 20 janvier. Et c'est ce qui m'a sauté aux yeux. Je lis des histoires de ce type dans les journaux tous les jours, et c'est ce qui peut conduire aux assises. C'est pourquoi je parle dans le civil d'une justice pacificatrice.

L'un de vos objectifs, c'est la fin des "temps-morts" en justice. Qu'est-ce que cela veut dire ?

Il y a une enquête très intéressante qui a été faite par le groupe d'intérêt public sur la justice sur ce qu'attendent les Français de la justice. C'est assez curieux : ils parlent tous des délais, sauf qu'ils n'ont pas la même appréciation. Lorsqu'ils sont en demande, ils sont très pressés parce qu'ils sont sûrs d'avoir raison. Quand ils sont en défense, ils demandent d'avoir du temps. Il faut trouver l'équilibre entre les deux. Dans un premier temps, il faut chercher les "temps-morts". Quand un dossier est prêt, il est plaidé. Point. On essaie de faciliter l'organisation de la justice. Tout simplement. En éliminant les temps-morts, on peut gagner deux mois, c'est quand même quelque chose.

L'autre thématique que vous avez abordé, c'est la qualité de la justice.

La justice, ce n'est pas que des statistiques. La justice : c'est de juger des hommes et des femmes. Et elle est rendue par des femmes et des hommes. Il y a aussi toute une démarche de qualité : les gens doivent être entendus, défendus… Il faut leur proposer des bulles pour refaire du lien social, pour qu'ils discutent… Il faut que les décisions soient motivées pour qu'ils sachent pourquoi ils ont été condamnés dans un sens ou dans l'autre. C'est comme ça que je vois les choses. Ce sont les chantiers de la justice en général.

Quel est votre challenge ici ?

Le défi ici est institutionnel. Avec la départementalisation de Mayotte, il a été fait un choix de ne plus laisser l'île toute seule mais de la rattacher à La Réunion. A l'éloignement de la métropole, nous avons également un éloignement de 1 500 kilomètres avec Mayotte. Il faut imaginer, voir les choses et le faire de manière loyale, sans gommer les différences.

Espérez-vous plus de moyens humains ?

Ce que j'espère, c'est que Mayotte devienne attractive. Il faut des candidatures de fonctionnaires et de magistrats. Si personne n'est candidat pour y aller, personne n'y sera nommé. Ce que je voudrais, c'est ce qu'a essayé de faire Dominique Ferrière qui a été obligé de mettre la réforme en musique. Je vais essayer de montrer la complexité de la cour d'appel de La Réunion. Il faudrait une localisation et un peu plus de conseillers.

Pourquoi avoir fait le choix de venir à La Réunion ?

C'est un choix personnel très particulier. Je vais beaucoup vous décevoir. J'ai été très longtemps immobile par choix familial. Dans ma vie personnelle, je suis devenue mobile : mon mari n'est plus fixé et mes enfants sont élevés. Donc, cela m'a ouvert le champ des horizons de la France et d'outre-mer.

www.ipreunion.com

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