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Les allocations logement-accession quasiment supprimées

  • Publié le 3 mars 2015 à 09:00

A compter du 1er janvier 2016, les contrats de location-accession ne donneront droit à une aide qu'à la condition d'une baisse des revenus de plus de 30% par rapport à ce qu'ils étaient à la signature du prêt immobilier. Sont concernés par ce dispositif éliminatoire, les foyers qui prétendent bénéficier de l'allocation logement sociale (ALS) ou de l'allocation de logement familiale (ALF), dans le cadre des prêts pour l'accession très sociale (LES), les prêts relatifs à l'acquisition amélioration ainsi que les prêts complémentaires pour l'amélioration de l'habitat.

La loi de finances pour 2015, qui est le budget de la France, a été promulguée le 29 décembre 2014 et publiée au Journal officiel le lendemain. Le sénat, où l'opposition est majoritaire avait voté contre ce texte, mais à l'assemblée nationale, majorité présidentielle oblige, le texte est passé et comme les députés ont le dernier mot et que le Conseil constitutionnel en a validé le contenu, son contenu a désormais force de loi. Ainsi, la réforme des aides au logement "accession" prévoit-elle, sous prétexte "de sécurisation des ménages", en fait d'économies budgétaires,  de restreindre les aides personnelles à l'accession afin d'en réduire le coût pour l'Etat. Un texte adopté dans une étonnante indifférence des élus, sachant qu'à La Réunion cette réforme est synonyme d'une précarité accrue des foyers les plus fragiles.

Pour mémoire, à La Réunion, l'an dernier, 63 472 foyers bénéficiaient de l'allocation de logement familiale (ALF), et 44 485 familles recevaient une aide au titre l'allocation logement sociale (ALS). Et si en métropole ces dispositifs voyaient leur nombre de bénéficiaires décroître, la situation est exactement inverse à La Réunion, où, en 2010 on ne dénombrait "que" 61 368 foyers allocataires de l'ALF, et 39 175 s'agissant de l'ALS.

Au-delà de ces chiffres qui montrent l'utilité de ces aides à La Réunion, dans l'accession à la propriété des plus démunis, l'impact de cette réforme supposée "sécuriser" le parcours des ménages en quête d'un domicile sûr, sera exactement contraire au but proclamé. En effet, ces aides profitent actuellement aux foyers correspondant aux trois premiers déciles de revenus, soit 30% des ménages aux plus faibles revenus et pouvoir d'achat, donc des familles menacées par la précarité. Et ces aides étaient intégrées par les banques et autres établissements prêteurs dans les paramètres d'établissement du plan de remboursement des ménages emprunteurs, qui bénéficiaient ainsi d'une solvabilisation, hors laquelle ils n'auraient pu prétendre à un prêt.

Être non seulement pauvre mais encore ruiné dans l'année pour recevoir une aide

Dès le premier janvier 2016 ce ne sera plus possible. Tous les foyers qui n'auront pu formaliser leur emprunt avant cette date seront soumis aux nouvelles conditions créées par le gouvernement et ne pourront bénéficier  de ce "coup de pouce" technique que représentaient l'ALF ou l'ALS. Ces aides en devenant de prétendus "filets de sécurité" contre les accidents de la vie permettront à l'Etat de faire de sérieuses économies déjà évaluées à 19 millions d'euros pour 2016, 91 millions d'euros en 2017 et 156 millions d'euros en 2018. Des économies à mettre en face du coût social d'un tel procédé de "sécurisation des ménages". Il faudrait être non seulement pauvre mais encore ruiné dans l'année pour recevoir une aide… Autant dire que nombre de locataires préféreront le rester quand bien même ils pourraient disposer des ressources leur permettant d'accéder à la propriété. Enfin, cette réforme instaure une discrimination, ou un distinguo entre ménages, selon qu'ils soient locataires ou propriétaires, quand bien même ils attestent des mêmes niveaux de ressources et de pouvoir d'achat. Ce qui est contraire à l'esprit de la loi telle qu'elle était jusqu'alors rédigée.

Dans un département où l'on dénombrait (chiffres INSEE 2013) "343 000 personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté monétaire (…) 150 000 foyers et 240 000 personnes" qui ont recours aux minima sociaux,  dont "40 % des plus de 65 ans et la moitié des moins de 20 ans sont pauvres", sans oublier des dizaines de milliers de logements en état de suroccupation, plus de 20% de la population concernée, l'impact de cette réforme des aides à l'accession au logement fait peur.

20 000 demandes de logements en souffrance

Enfin, la quasi-suppression des ALF et ALS ne risque pas d'améliorer la situation du secteur de la construction de logements. A La Réunion, l'activité du BTP n'est pas florissante, en attente du démarrage des grands travaux. Selon l'Insee, le chiffre d’affaires de la filière a baissé de 8,3 % en 2013, après un recul de 4,3 % en 2012, et avec un chiffre d’affaires de 1,2 milliard d’euros, le BTP est tombé à son niveau le plus bas depuis 2004. Encore faut-il préciser qu'en 2013, si la promotion privée continue de se tasser avec la suppression progressive des incitations fiscales, la commande publique représente 83 % de l’activité de la filière. Le logement social, contribuant à 34 % de l’activité pour un montant de 395 millions d’euros. Ainsi, de 2009 à 2013, plus de 13 000 logements sociaux neufs ont-ils été livrés et attribués aux familles. Début 2014, environ 20 000 demandes de logements étaient en souffrance.

Au niveau national, la Fédération française des constructeurs de maisons individuelles (FFC) estime que l'impact de la réforme des aides personnelles à l'accession sur ce secteur d'activité pourrait détruire jusqu'à 41 580 emplois, avec une diminution du nombre de logements financés en 2015 estimée entre 10 000 et 23 000 selon les chiffres des professionnels du secteur.

Philippe Le Claire pour www.ipreunion.com

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1 Commentaires
Frigidaire
Frigidaire
9 ans

Qu'en pense ORPHEE et BAREIGHT les deux meilleures représentantes de la Réunion à l'Assemblée Nationale ?
Je ne parle même pas de VLODY qui ne sait pas où il habite. Les deux autres on les cherche mais la forêt de Bébour est très grande.