Journée mondiale des océans

Protéger sa peau et les récifs coralliens

  • Publié le 9 juin 2015 à 15:45

Quel rapport entre la préservation de la peau des petits baigneurs et celle des coraux ? Les crèmes solaires... Certains de leurs composants, tout particulièrement le "benzophenone-2" (BP2) peuvent être toxiques aussi bien pour la santé humaine - impact sur le système hormonal et les fonctions reproductrices féminines, le système immunitaire, les fonctions thyroïdiennes - que pour la reproduction de poissons et les coraux, en ce sens qu'ils participent aux phénomènes de blanchissement. Cette problématique, abordée le 9 février dernier lors d'une table ronde organisée à l'aquarium de la Porte Dorée, figurait ce lundi 8 juin 2015 au nombre des sujets soulevés à l'occasion de la Journée mondiale des océans, par le colloque "Paris Climat 2015 - Objectif Océans : Les propositions de l'économie bleue", qui se tenait au siège parisien de l'Agence spatiale européenne à l'initiative de Green Cross.

La Réunion est en pointe sur le sujet, où l’ARVAM (Agence pour la recherche et la valorisation marines) a initié une étude sur les effets néfastes des crèmes solaires sur les formations coralliennes soumises, crise requin oblige, à une très forte fréquentation, en sus des loisirs nautiques qui y sont pratiqués, la concentration de population est telle que l'on pourrait parler, s'agissant de la dépression d’arrière récif dite "lagon", d'un pédiluve.

Or ces récifs hébergent plus de 3600 espèces (faune et flore), dont 170 espèces de coraux constructeurs. Depuis 2011, l’impact des perturbateurs endocriniens - crèmes solaires mais aussi détergents issus des stations d’épuration - a été mis en exergue. Une enquête exploratoire a été menée début 2014 dans la zone balnéaire de l'Ermitage, afin d’apprécier l’impact éventuel des crèmes solaires. Ont été pris en compte les paramètres de fréquentation et pratiques des usagers du récif, la prévalence des maladies coralliennes, la surveillance de l’état de santé du récif par des bénévoles (Reef Check). Le tout sur fond de mortalité massive des poissons à cause d'une épidémie due au Streptococcus iniae et de crise requin…

Les résultats de l’enquête ont montré que 25% des composants des crèmes solaires finissaient dans l'eau et le milieu, à chaque baignade, au bout de 20 minutes. Ce qu'ignorent de bonne foi les usagers, tout comme le caractère toxique de certains des composants des lotions et crèmes solaires qu'ils utilisent. La mention de la présence de filtres synthétiques dans les crèmes solaires n'est obligatoire sur les emballages que depuis le 11 juillet 2013.

Pour l'équipe qui s'est penchée sur ces travaux, Jean-Pascal Quod (directeur de l’ARVAM), Michel Hignette (directeur de l’aquarium de la Porte Dorée) et Nicolas Imbert (directeur exécutif Green Cross France et Territoires), l’impact des crèmes solaires sur les coraux est indéniable. La plupart comportent du BP2, un composant qui affaiblit la résistance des coraux aux maladies et peut entraîner leur mort. Or, dans le monde, de 4000 à 6000 tonnes de crèmes solaires sont déposées chaque année sur les récifs coralliens. Comme en sus certains de ces produits sont préjudiciables à la santé humaine, ils réagiraient comme des oestrogènes… mieux vaut éviter l’usage de filtres solaires chimiques contenant du BP2, et les filtres synthétiques en général.

Des travaux sont en cours sur des molécules naturelles employées par des végétaux et invertébrés marins pour se protéger. Il est question des MAAs (Mycosporine like Amino Acids), produites par les algues rouges Porphyra umbilicalis, entre autres molécules bioactives identifiées dans les organismes coralliens.

En attendant ces nouveaux produits, si on en revient au simple bon sens, il apparaît que l’indice de protection valorisé par les cosmétiques est établi sur la base d'une épaisseur de crème des plus imposantes. Un tube ne durerait pas au-delà d'une à deux applications. Dans la pratique les couches employées sont bien minces et donc peu efficaces. Alors pour vraiment se protéger, rien ne vaut un lycra, un chapeau ou un tee-shirt, couplés à des protections classifiées "Bio". Ce sera tout bénéfice, pour la santé humaine et pour le lagon.

Philippe Le Claire pour Imaz Press Réunion

(Sources ARVAM et Green Cross France)

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1 Commentaires
Citoyens observateurs
Citoyens observateurs
8 ans

Merci cher Philippe Clair pour ces articles très intéressants. Faudrait les diffuser plus souvent et à plus grande échelle, afin d'en faire un vraie éducation du peuple. Habitant devant le lagon de St-Pierre depuis 2002, je peux attester que la plage et le lagon sont dans un état pitoyable aujourd'hui! Et les gens semblent d'en foutre... Dommage!