Tennis

Moutons noirs, gros sous et mafias, ce que l'on sait des matches truqués

  • Publié le 18 janvier 2016 à 21:07

Plusieurs tennismen de haut niveau mondial, comme le Serbe Novak Djokovic ou le Français Arnaud Clément, ont déjà reconnu avoir été approchés pour truquer des matchs mais jusqu'à présent seuls des seconds couteaux ont été sanctionnés.

• Les moutons noirs

Dix-huit sanctions pour des matchs truqués, dont six suspensions à vie, ont été prononcées par l'Unité pour l'intégrité du tennis (TIU, l'organisme anticorruption du tennis mondial) depuis sa création en 2008, a rappelé lundi à Melbourne le président de l'ATP, Chris Kermode. Parmi les six suspendus à vie, cinq joueurs: le Serbe David Savic (659e mondial) et l'Autrichien Daniel Koellerer (ancien 55e mondial) en 2011, le Russe Sergei Krotiouk (789e mondial, classé au plus haut 486e) en 2013, son compatriote Andrey Kumantsov (meilleur classement: 261e mondial) en 2014, et enfin le Grec Alexandros Jakupovic (469e mondial) en décembre dernier. Le sixième suspendu à vie est un arbitre, le Français Morgan Lamri, en novembre 2014.

Cette sanction suprême a également frappé en août dernier deux joueurs italiens, punis non pas par le TIU mais par leur fédération nationale: Potito Starace (ancien N.27 mondial) et Daniele Bracciali, dont les noms sont aussi apparus dans l'enquête sur le "Calcioscommesse", vaste scandale de matchs achetés dans le football italien. Mais leur suspension à vie a été levée en appel en octobre: Starace a été blanchi et la sanction de Bracciali ramenée à 12 mois.

Outre ces cas extrêmes, plusieurs autres joueurs méconnus ont écopé de sanctions temporaires ces dernières années. Parmi eux, l'Espagnol Guillermo Olaso (cinq ans, 236e mondial), qui évoluait sur les circuits Challenger et Futures, inférieurs à l'ATP.

• Des stars approchées

Après les révélations de la BBC et de BuzzFeed, le N.1 mondial Novak Djokovic a rappelé lundi qu'il avait été lui-même victime d'une tentative de corruption en 2007. "J'ai été approché indirectement, par l'intermédiaire de gens qui travaillaient avec moi à l'époque. Évidemment, nous avons immédiatement dit non. La personne qui essayait de me contacter n'est même pas arrivée jusqu'à moi", a dit le N.1 mondial, qui avait déjà évoqué cette affaire par le passé.

Il n'est pas le seul. En octobre 2007, le Français Arnaud Clément avait livré le même genre de confidences: "Ca m'est déjà arrivé, je ne dirai pas où, ni la somme que l'on m'a proposée car ce n'est pas le plus important, mais on m'a déjà demandé de perdre un match". Toujours en 2007, l'Ecossais Andy Murray avait lâché: "La corruption existe et tout le monde sait que c'est fréquent".

• Obscurs mais convoités

Selon les accusations des médias britanniques, seize joueurs du top 50 mondial, dont des vainqueurs en Grand Chelem, pourraient avoir truqué des matchs ces dernières années. Mais, logiquement, les joueurs moins bien classés sont les plus susceptibles d'être corrompus: les revenus des obscurs du circuit sont à des années-lumière de ce que gagnent les stars.

En 2015, selon l'ATP, les gains en tournoi de Djokovic (hors sponsoring) se sont élevés à 21,6 millions de dollars (11 titres gagnés), contre 4,4 pour le N.5, Rafael Nadal, et 2,2 pour le N.10, Jo-Wilfried Tsonga. Ces revenus chutent à 751.000 dollars pour le 48eme mondial, 436.000 dollars pour le 86eme, 200.000 dollars pour le 150eme, 61.000 pour le 311eme et 8.595 pour le 500eme. Sommes dont il faut déduire les impôts, les frais de déplacement (conséquents car le tennis se joue sur cinq continents), la nourriture, l'hôtel, l'entraîneur... Au-delà de la 100eme place, pas évident de vivre de son sport.

"Ils ont déjà essayé de m'embrouiller plusieurs fois. Un jour, un type parlant anglais m'a offert 100.000 euros pour perdre un match", avait déclaré en 2007 le modeste joueur brésilien Flavio Saretta à la revue IstoE. Il s'agissait, selon lui, d'une rencontre de deuxième tour à Roland-Garros en 2006 contre... l'Italien Starace. Le Brésilien, moins bien classé, s'était imposé. "Dans l'est de l'Europe, les paris dominent tout", avait-il assuré.

• Le cas Davydenko

C'est l'affaire qui a déclenché l'enquête de l'ATP sur laquelle s'appuient la BBC et BuzzFeed et a poussé à la création du TIU par les instances mondiales du tennis. En août 2007, le Russe Nikolay Davydenko, N.4 mondial, dispute le deuxième tour du tournoi de Sopot, en Pologne, contre l'Argentin Martin Vassallo Arguello (83e). Davydenko remporte le premier set 6-2, perd le deuxième 6-3 puis, à 2-1 en sa défaveur dans le troisième, abandonne à cause d'un pied douloureux.

Le lendemain, le site de paris en ligne Betfair suspend les paiements liés au match, obligeant l'ATP à ouvrir une enquête. Selon Betfair, environ 3,4 millions de livres (4,5 millions d'euros) auraient été misés avant la rencontre et durant le premier set, soit dix fois le montant total des paris en temps normal pour un match de ce type. Davydenko avait nié à plusieurs reprises être un tricheur. Le TIU a rappelé lundi qu'une "enquête longue d'un an n'avait pas permis d'apporter de preuve suffisante".

Avant même cette affaire, des rumeurs de corruption agitaient le monde du tennis. En mars 2007 à Miami, l'ATP avait loué les services d'un repenti de la mafia new-yorkaise, Michael Franzese, pour mettre les joueurs en garde. "Il nous a parlé de sa vie, de toutes ces mauvaises choses qui lui sont arrivées avec les gens de la mafia", avait raconté en août 2007 le Tchèque Tomas Berdych, alors N.10 mondial. "Imaginez la situation où ils (la mafia) viennent vous voir et vous proposent de l'argent pour perdre, avait poursuivi Berdych. Vous vous dites "OK, c'est un tournoi de merde". Et là, ça commence à être mauvais. S'ils reviennent lors d'un autre tournoi et que vous dites non, les problèmes commencent".
 

AFP

guest
0 Commentaires