Paradis fiscaux

Panama Papers: Cameron et le président argentin dans la tempête

  • Publié le 8 avril 2016 à 00:09

Deux dirigeants de premier plan étaient pris jeudi dans la tempête des "Panama Papers" qui balaye la planète, frappant jeudi l'Argentine, avec la demande d'ouverture d'une enquête sur le président, et Londres, où le Premier ministre a finalement admis avoir détenu des parts dans un fonds offshore.

A Londres, après plusieurs jours de pression à la suite des révélations, le Premier ministre britannique David Cameron a avoué jeudi soir qu'il détenait jusqu'en 2010 des parts dans le fonds fiduciaire de son père immatriculé aux Bahamas. Dans une interview à la chaîne ITV, M. Cameron a affirmé qu'il avait vendu ces parts en 2010 pour environ 30.000 livres (37.000 euros), quelques mois avant d'être élu Premier ministre.

Si ce rebondissement n'est pas de même nature que l'enquête argentine, ces aveux tardifs n'en demeurent pas moins embarrassants pour David Cameron. Il est personnellement attaqué depuis la révélation que son père, Ian Cameron, décédé en 2010, avait dirigé ce fonds dont les profits ont échappé au fisc britannique pendant trente ans grâce à un montage complexe via le cabinet d'avocats panaméen Mossack Fonseca.

De l'autre côté de l'Atlantique, en Argentine, l'annonce spectaculaire de la demande d'ouverture d'une enquête sur Mauricio Macri apparaît comme un revers de taille pour ce président qui prônait pourtant une lutte sans merci contre la corruption. Cette demande du parquet, qui doit encore recevoir le feu vert d'un juge, devra notamment déterminer si Mauricio Macri, élu en novembre dernier, a "omis" de compléter sa déclaration de patrimoine, qui était obligatoire, selon un document du parquet. Mercredi, un député argentin de l'opposition avait déposé plainte pour évasion fiscale contre lui.

Le nom du président de centre-droit apparaît dans deux sociétés offshore : Fleg Trading Ltd, des Bahamas, qui a existé de 1998 à 2008, et Kagemusha SA, du Panama, créée en 1981. Depuis le début, le chef de l'Etat argentin affirme qu'il n'a commis aucune irrégularité et n'a détenu aucune participation dans ces entreprises du groupe Macri, propriété de son père Franco, riche homme d'affaires italien qui a fait fortune en Argentine.

Foot et banques

En Russie, le président Vladimir Poutine a rejeté jeudi les accusations contre son entourage après les révélations des "Panama Papers". "Quel élément de corruption ? Il n'y en a aucun", a déclaré le chef de l'Etat, accusant les États-Unis d'être derrière cette vaste enquête qui met en lumière d'importantes pratiques financières et fiscales opaques de personnalités, chefs d'Etat, entrepreneurs, sportifs, etc.

Les journalistes d'investigation membres du consortium international ICIJ, basé à Washington, "ont passé au peigne fin ces paradis fiscaux, mais votre humble serviteur n'y figurait pas", a-t-il ironisé. "Alors qu'est-ce qu'ils ont fait?", a demandé M. Poutine, qui s'exprimait publiquement pour la première fois sur le sujet. "Ils ont trouvé certaines de mes connaissances et certains de mes amis" et suggéré que leurs activités "avaient un élément de corruption", a-t-il poursuivi, défendant son ami violoncelliste Sergueï Roldouguine, ciblé par la presse.

Pour l'instant, le dirigeant le plus notable renversé par le scandale est le Premier ministre islandais, qui a quitté son poste sous la pression d'une rue outrée par le fait qu'il ait contrôlé une société basée dans les îles Vierges britanniques.

Créer ou posséder une société offshore n'est pas illicite en soi, mais cela avive les soupçons d'évasion fiscale, voire de corruption. Des médias du monde entier participant aux révélations continuaient eux de dévider la pelote de noms des clients du cabinet d'avocat panaméen Mossack Fonseca, dont 11,5 millions de documents ont atterri entre leurs mains.

Après la Fifa et son nouveau président Gianni Infantino, le président (suspendu) de l'UEFA Michel Platini, et quelques joueurs en activité, comme la superstar Lionel Messi, les "Panama Papers" pointent les dirigeants du football français du FC Nantes ou de l'AS Monaco, relève le journal Le Monde.
Le secteur bancaire est aussi éclaboussé par ce scandale. Deux dirigeants sont ainsi tombés jeudi: le patron de la banque régionale autrichienne Hypo Vorarlberg, Michael Grahammer, et un membre du conseil de surveillance de la banque néerlandaise ABN Amro, Bert Meerstadt.

Au Royaume-Uni, le gendarme financier a donné jusqu'au 15 avril aux banques pour préparer leurs explications sur leurs relations avec Mossack Fonseca. Le président français François Hollande a lui prévenu que les sociétés prises en fraude "seront poursuivies".

Panama veut négocier

La pression des derniers jours a poussé le président panaméen à afficher sa volonté de négocier. "Je lance un appel aux pays de l'OCDE pour qu'ils reviennent à la table des négociations, que nous cherchions un accord, et qu'on n'utilise pas le contexte actuel pour écorner l'image du Panama", a déclaré le président panaméen Juan Carlos Varela.

Depuis les premières révélations des médias membres du consortium d'investigation ICIJ, le Panama est cloué au pilori à cause de sa législation accommodante pour les montages fiscaux offshore et son attitude à contre-courant de la tendance mondiale vers la transparence fiscale. Le Panama est critiqué pour son refus d'appliquer un nouveau standard quasi-mondial : l'échange automatique d'informations fiscales entre pays, mis récemment en place sous l'impulsion de l'OCDE, l'institution qui pilote ce dossier.
AFP

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