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Lutte contre la dengue : les moustiques stériles prêts au décollage

  • Publié le 8 février 2019 à 10:19
  • Actualisé le 8 février 2019 à 16:34

Depuis fin 2017, l'épidémie de dengue à La Réunion s'intensifie. En 2017 : 155 cas ont été recensés, mais en 2018 le nombre de cas a explosé pour passer à 6739. Depuis le début de l'année, ce sont 322 cas de dengue qui ont été confirmés dans l'île. En plus des actions de lutte anti-vectorielle comme la démoustication, la destruction de gîtes larvaires et les campagnes de communication à l'attention du grand public. Un nouvel outil pourra peut-être être ajouté à cette lutte : la TIS (technique de l'insecte stérile) actuellement à l'étude sur l'île. Nous sommes allés à la rencontre des scientifiques de l'IRD (Institut de recherche et de développement) pour comprendre cette technique.

L'épidémie de dengue reste très active à La Réunion, le point fait par l'ARS-OI (Agence Régionale de Santé - Océan Indien) le 5 février 2019 confirme 82 nouveaux cas entre le 21 et le 27 janvier 2019. Aedes Albopictus, le moustique tigre est responsable de la propagation du virus sur le département. Ce même moustique était déjà responsable de l'épidémie de chikungunya qui a frappé l'île en 2005 et 2006.

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Les équipes de l'IRD (Institut de Recherche et de Développement) et d'autres partenaires développent maintenant depuis 2009 une technique afin de diminuer la population de moustiques tout en préservant au mieux l'environnement. C'est à la technopole de Saint-Clotilde que le laboratoire MIVEGEC est situé. Dans deux petites pièces, David Damiens et ses collègues Lucie et Nausicaa travaillent à la production de moustiques mâles pour les stériliser. L'autre étape consistera à les relacher dans la nature afin qu'ils s'accouplent avec les moutisques femmelles. Les oeufs ne seront pas féconds et la population de moustique dimunera.

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Pour produire des moustiques stériles, plusieurs étapes sont nécessaires. La première étape consiste à faire reproduire les moustiques dans des cages.

"Pour produire les oeufs on va mettre les mâles et les femelles dans les mêmes cages et se reproduira ce qu'il se produit toujours. Les mâles vont se nourrir uniquement de sucre" explique David, l'entomologiste responsable de la production à l'IRD. Les femelles seront abreuver sang de boeuf pour pondre. Elles ont besoin de protéines pour produire les oeufs.  Un pondoir, c'est à dire un gobelet rempli d'eau et du papier sera mis à leur disposition, car la femelle Aedes Albopictus a besoin d'un substrat pour pondre ses oeufs.

En effet certaines espèces de moustiques vont pondre directement sur l'eau. Madame Aedes Albopictus a elle besoin d'un morceau de feuille, un petit déchet - un subtrat -, pour pouvoir  pouvoir pondre dessus. "Le papier récupéré dans le gobelet est mis à sécher pour pouvoir maturer les oeufs et les conserver au maximum 2 mois" indique David Damiens.

La seconde étape est le tri des larves et des nymphes pour séparer les mâles et les femelles

Une fois les oeufs éclos, les larves sont comptées et mises dans des bacs remplis d'eau pour qu'elles se développent. Elles sont nourries chaque jour. Au sixième jour, on obtient un mélange de larves et de nymphes (le stade de développement intermédiaire entre la larve et l'adulte). Il faut de sépare les individus mâles et femelles. Cette étape est faite à l'aide d'un tamis. Les nymphes femelles sont plus grosses que les nymphes mâles.

Les scientifiques versent le contenu de plusieurs bacs dans un tamis afin de récupérer un maximum d'invidus mâles et femelles. Les nymphes sont placées dans un bac d'eau chauffé à 35°C afin de stimuler leur nage. Le résultat de cet tamisage est encourageant car les scientifiques récupèrent 99% de nymphes mâles. Un dernier travail de contrôle est effectué afin d'éliminer les nymphes femelles restantes.

La dernière étape est la stérilisation des moustiques mâles

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Les mâles (au stade de nymphe) sont stérilisés par irradiation aux rayons X. Cette irradiation, tout en affectant les cellules reproductrices des mâles provoquant leur stérilité, préserve leur vigueur et leur performance sexuelle. Il n'y a pas de modification génétique du moustique. Cette technique est aussi utilisée pour stériliser les poches de sang de l'EFS (Établissement Français du Sang).

L'étape ultime sera le lâcher de ces moustiques stériles dans la nature. Il suffit alors d’un seul accouplement d’un moustique femelle avec un mâle stérile pour réduire sa fertilité puisqu’elle stocke le sperme du premier mâle qui l’a fécondée pour concevoir tous ses oeufs durant toute sa vie (un mois environ).

De nombreux avantages

En offrant une alternative aux pulvérisations d’insecticide, la TIS développée à La Réunion présente de très nombreux avantages par rapport aux méthodes de lutte anti-vectorielle "traditionnelles". "Elle est potentiellement très efficace puisque parfaitement adaptée à la biologie du moustique" avait lancé Frédéric Simard, Directeur de recherche à l'IRD. Cette technique est respectueuse des écosystèmes et de la biodiversité puisqu’elle est ciblée uniquement sur l’Aedes Albopictus. La technique d’irradiation induit une stérilité uniquement sur les moustiques exposés en laboratoire aux rayonnements X, il n'y a pas de risques de propagation de ce caractère de stérilité à d’autres moustiques ou dans le milieu naturel.

Prochaine étape le lâcher ?

La prochaine étape pour les équipes travaillant sur le projet sera dédiée aux lâchers tests de mâles stériles pour la lutte contre Aedes albopictus (moustique tigre) en milieu naturel. Il faut attendre la validation des autorités locales compétentes et sera soumis à un arrêté préfectoral. La réalisation de cette phase permettra ainsi de lever les derniers verrous scientifiques et réglementaires pour envisager l'utilisation de la TIS à plus grande échelle à La Réunion. De plus il faudra également communiquer auprès des habitants afin de rassembler autour de ce projet. Frédéric Simard conclue : "Il faut le soutien de la population sur un projet aussi ambitieux".

jb/www.ipreunion.com

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1 Commentaires
macatia
macatia
5 ans

Est-ce que l'IRD peut nous donner le protocole d'évaluation?Comment in situ évaluer l'efficacité de cette méthode en milieu tropical tout en tenant compte l'action du relief et des alizés?