Nouvelle alerte de blanchissement (actualisé)

Lagon: l'eau est trop chaude, les coraux suffoquent

  • Publié le 21 février 2019 à 11:44
  • Actualisé le 21 février 2019 à 11:46

Fortes pluies, coulées de boue, cyclones... et hautes températures. Les coraux sont en souffrance. Dans le lagon à Saint-Leu, Etang-Salé et à la Saline-les-Bains, ils suffoquent, perdent de leurs couleurs et blanchissent tout doucement... Si le phénomène est pour le moment réversible et pas forcement synonyme de mort, il révèle surtout un mauvais état de santé du corail...

Ces dernières semaines, l’eau est très souvent au dessus des 29°C dans le lagon. Elle est chaude, beaucoup trop chaude pour les récifs coralliens. Depuis le début de l’année 2019, la Réserve marine a déjà reçu deux bulletins d’alertes de blanchissement des coraux, émis par le programme de recherche régional CORDIO. "Le premier le 7 janvier, le second le 1er février, détaille Bruce Cauvin, responsable du pôle Animation, Education, Formation et Géomatique. Nous sommes actuellement en niveau 1 d’alerte de blanchissement."

Le mois de janvier a été "exceptionnellement chaud", confirme Météo France, avec des températures maximums supérieures de +1,5°C par rapport à la normale saisonnière. Le record absolu a d’ailleurs été battu à la station de Pointe Trois-Bassin qui a enregistré une température de 37°C.

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A La Réunion, le seuil de tolérance des coraux à la température de l’eau se trouve entre 25 et 29°C. Au dessus et pendant trop longtemps, le corail va stresser et blanchir…

Pourquoi les coraux blanchissent ?

Le corail vit en symbiose avec une petite algue brunâtre, appelée zooxanthelle. L’un se nourrit, produit des déchets que l’autre mange, et ainsi de suite… Une association très importante qui maintien en vie les coraux. Les petites algues leur donnent ainsi 80% de leur énergie. Or, "en cas de stress, le corail va expulser ces petites algues, les mêmes qui lui permettent de grandir. Il va se retrouver fragiliser et va blanchir," déplore Tévamie Rungassamy, chargée des suivis scientifiques de la Réserve marine. Si ce stress dure trop longtemps, le corail est déséquilibré et meurt, sinon, il pourra réintégrer les algues dans son corps et survivre.

Sur l’île 14 stations scientifiques suivent l’état de santé des récifs coralliens. Mais "c’est dans le lagon que le phénomène de blanchissement est le plus visible, explique Bruce Cauvin. En 2004, 2009 et 2016, nous en avons vu beaucoup." Celui de 2016 était un phénomène mondial, la grande barrière de corail en Australie a également été fortement impactée. "Ce blanchissement a entraîné une forte mortalité des coraux," ajoute Bruce Cauvin.

Une situation réversible

Mais la haute température de l'eau n'est pas la seule responsable de ce phénomène. D’autres pressions s’exercent et fragilisent les récifs  coralliens comme la pollution, les crèmes solaires, les cyclones, les fortes pluies… Ainsi, en 2018, lors du passage de Fakir, le lagon à Saint-Leu avait été fortement perturbé par la coulée de boue qui avait emporté une partie de la route. Elle avait avait charrié dans l’océan des nutriments et des polluants, mortels pour les coraux.

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Mais ce blanchissement ne veut pas forcément dire que le corail va mourir. "Heureusement à La Réunion, la capacité de résilience des coraux est importante. Les petites algues peuvent revenir dans les tissus," indique Bruce Cauvin.

Pour le moment, impossible de savoir si les coraux atteints survivront : "nous ne pouvons pas savoir l’impact final des températures sur le corail, il faut attendre que l’été passe." souligne Tévamie Rungassamy. "Nous sommes actuellement dans une situation à risque. Le corail n’est pas encore mort," insiste-t-elle 

Ainsi en 1989, le passage du cyclone Firinga avait fortement impacté les récifs coralliens de l'île, notamment à Saint-Leu où les scientifiques estimaient alors une destruction des récifs coralliens à plus de 90%. Quelques années plus tard, ils ont ensuite noté que ces récifs avaient récupéré une bonne partie de leur vitalité. Résilient le corail ! Mais jusqu'à quel point ?

L'impact du réchauffement climatique

Le blanchissement corallien date de 1983, bien avant qu’on parle de réchauffement climatique. Mais avec lui, il est de plus en plus récurrent. Acidification des océans, cyclones plus puissants, hausse des températures... tous ces phénomènes, liés aux changements climatiques, impactent et impacteront l'île.

"Par rapport à l’échelle des temps géologique et de la vie, tout va trop vite. Il n’y aura peut-être pas assez de générations pour pouvoir avoir une évolution qui suive les changements climatiques," souffle Tévamie Rungassamy. Le temps laissé aux organismes pour s’habituer serait ainsi beaucoup trop court.

"Le réchauffement climatique peut entraîner un affaiblissement du récif corallien. Il pourrait s’habituer et s’acclimater à des températures plus élevées, et ne pas y arriver et mourir" explique Tévamie Rungassamy.

Cependant, le milieu marin ne sera dépourvu de vie : "il aura évolué, au profit d’autres espèces comme les algues, des poissons herbivores. Mais il sera plus désavantageux pour l’être humain," poursuit la scientifique

En effet, s’ils venaient à disparaître des eaux de La Réunion, les conséquences seront nombreuses. "Ce sont les récifs coralliens qui fabriquent les plages de sable et les barrières de corail de la côte ouest, qui protègent le littoral des fortes houles, qui permettent toutes les activités balnéaires," énonce Tévamie Rungassamy.

"La base de l’écosystème de la Réserve marine, ce sont les coraux, il y en a plus de 180 espèces à La Réunion. Plus de 3.500 espèces animales et végétales en dépendent," ajoute Bruce Cauvin. Un affaiblissement ou une mortalité du recouvrement corallien auront forcément des répercussions sur la faune et la flore…

Les tortues imbriquées, dépendantes des coraux

Par exemple les tortues imbriquées… Déjà bien victimes de la pollution plastique, des hameçons et des fils de pêche, ces animaux seront particulièrement touchés par la disparition des récifs coralliens. "La tortue verte se nourrit d’algues et d’herbes marines, elle sera peu concernée, rappelle Stéphane Ciccone. Mais la tortue imbriquée, elle, est très dépendante des coraux et de leur bien être… J’ai déjà observé des cas des tortues affamées, suite à des épisodes d’El Niño à Mayotte. Notamment une tortue imbriquée retrouvée en piteuse état."

Des gestes pour aider les coraux

Dans ces périodes difficiles pour les récifs, chacun peut aider. "On ne peut pas refroidir le lagon, on ne va pas mettre des glaçons dedans, ironise Bruce Cauvin. Mais il suffit juste d’avoir des gestes éco-citoyens : limiter les crèmes solaires avant la baignade, éviter le piétinement…"

nt/www.ipreunion.com

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1 Commentaires
David
David
4 ans

Bonjour c est quand même sacrément mal barré. Je suis venue il y a 20 ans de ça et quel a été mon émerveillement de découvrir cette barrière riche en couleurs. Aujourd'hui 20 ans plus tard je reviens pour elle et quel tristesse de la découvrir à l agonie unicolore blanche. Quand je vois la pression demographique qu'elle subie au-dessus j ai de grosse crainte de la voir disparaître et j ai le sentiment que pas grand-chose n est fait pour la sauver. Voilà j ai pas de leçons a donner je suis pas non plus un spécialiste je suis un passionné de fond marin et je crains fort pour cette merveille de la nature......jadis.