Immigration

Sur les routes de Grèce: à Samos, le casse-tête migratoire pèse sur les élections

  • Publié le 26 juin 2019 à 09:54
  • Actualisé le 26 juin 2019 à 10:09

Quand la nuit tombe sur Samos, les migrants entassés au milieu des immondices descendent prendre l'air sur le port.

Une cohabitation difficile, qui sera le principal critère de vote des insulaires lors des prochaines législatives.

"Samos est très fatiguée, c'était une petite île très calme et très propre, maintenant il y a des poubelles et ça sent le pipi partout", explique Anna Loukazaki, une artiste-peintre qui tient une boutique sur le port de Vathy, le chef-lieu de l'île.

A quelques enjambées, le camp de migrants accroché aux pentes rocailleuses s'étire jusqu'aux grillages des maisons, ses tentes enchevêtrées jouxtent la ville et ses premiers commerces.

Depuis 2015, les exilés affluent sur l'île égéenne de Samos et ses voisines, principales portes d'entrée en Europe. Ici, comme à Lesbos et Chios, la question migratoire "sera le principal critère" de vote lors des législatives du 7 juillet, estime Ioannis Kaltakis, un avocat de 56 ans.

"Généralement, les gens ne sont pas hostiles aux migrants, ils sont hostiles au gouvernement qu'ils considèrent comme responsable de la situation", poursuit le quinquagénaire. Le gouvernement de gauche d'Alexis Tsipras "va payer pour son inaptitude à garder les frontières", prédit le juriste.

- "Aucune excuse" -

"Tsipras va perdre à cause de l'immigration, c'est la première chose qu'on a à l'esprit ici", abonde Georgios Stantzos, qui vient d'être élu maire de la moitié de l'île.

"Il y a une grande déception vis-à-vis de l'Europe, c'est comme si l'UE avait décidé de faire de Samos un entrepôt de vies humaines, mais il y a surtout une grande déception vis-à-vis du gouvernement grec qui a été incapable de gérer la situation", ajoute l'élu indépendant.

"Tsipras n'a aucune excuse", dénonce-t-il. Pour lui, "le parti politique qui s'engagera à ramener la normalité à Samos, à son économie et à notre vie quotidienne, remportera sûrement le siège" de la circonscription, le 7 juillet.

A dix jours des législatives anticipées, convoquées par le Premier ministre sortant après sa défaite d'une ampleur inattendue aux élections européennes et locales face à la droite de Nouvelle-Démocratie (ND), l'immigration n'est pas vraiment un sujet de débat entre les principaux partis en campagne.

A l'exception de l'extrême droite qui a réuni à Samos comme dans tout le pays quelque 9% des suffrages aux Européennes.

- "La population n'en peut plus " -

Mais à moins de 2km des côtes turques, Samos abrite toujours près 4.000 migrants. Et les bateaux continuent d'arriver quotidiennement et de déverser des exilés dans un camp au triple de sa capacité.

"La population n'en peut plus", témoigne Yiorgos Margetis, retraité à Samos après plusieurs années d'activité en Belgique. "Après 18-19H, vous avez 200 moutards qui viennent sur la plaine de jeux, vous n'osez même pas laisser jouer vos gosses", fustige ce natif, qui "hésite" à se promener sur le port le soir, comme il le faisait autrefois.

"Maintenant, la ville est morte, les magasins ferment, la situation s'aggrave de plus en plus avec les migrants", déplore-t-il.

Dans leur magasin familial d'articles pour touristes, les deux jeunes frères Palaigeorgiou accusent aussi le Premier ministre sortant de ne pas avoir su gérer l'afflux de migrants, mais ne mettent pas plus d'espoir en son rival de droite Kyriakos Mitsotakis: "Il jouera la politique de la terre brûlée", estime Ilias, le plus jeune.

Les migrants "sont piégés ici, ils sont traités comme des animaux", regrette-t-il, "ils sont interdits sur certaines plages" et certains restaurants.

"On en a marre depuis trop longtemps, on ne voit pas de changement", renchérit l'aîné Yiorgos, qui exclut tout vote extrémiste. "S'ils déplacent le camp en dehors de la ville, peut-être qu'ils arrêteront de venir".

En janvier, le ministre grec des migrations Dimitris Vitsas a annoncé la création d'un nouveau camp sur les collines, pour fermer le premier et alléger la pression sur le chef-lieu.

Mais près du village de Mytilini, où le camp de 1.200 places devrait être érigé, les habitants craignent de voir fleurir un nouveau "hotspot" surpeuplé.
"Il y a des milliers de personnes actuellement à Vathy. Que vont-ils faire, en rejeter la moitié à la mer?", fustige l'octogénaire Yiorgos Sfiropoulos.

AFP

guest
0 Commentaires