Gesticulation

Elus de La Réunion : beaucoup de paroles mais peu d'actes

  • Publié le 29 août 2019 à 02:59
  • Actualisé le 29 août 2019 à 11:55

Dans l'Hexagone, certains édiles partent en croisade contre des multinationales, choisissent d'affronter le système pour des causes qu'ils jugent justes. Des édiles qui n'ont pas peur de se retrouver sur les bancs des tribunaux. Des édiles, qui n'ont pas peur d'y laisser leur chemise, leur mandat ou de perdre une partie de leur électorat. À un autre niveau, des parlementaires s'engagent sur les conditions d'accueil des migrants, les pesticides, la malbouffe... Ça c'est en Métropole et il s'agit là d'une minorité. À La Réunion, que font nos élus ? Des prises de position tièdes, à retardement et souvent, un silence assourdissant sur les dossiers les plus controversés. (Photo photo RB imazpress )

Un maire en croisade

Daniel Cueff, le maire de Langouët (Ile et Vilaine), inconnu du grand public il y a encore quelques jours est devenu un héros national. Ce maire d’un petit village de 600 habitants est monté au front, a défié le système. Daniel Cueff est à l’initiative d’un arrêté interdisant l’usage de pesticides à moins de 150 mètres des habitations ou des locaux professionnels " pour faire bouger les lignes, pour protéger les habitants, il faut peut-être désobéir un peu " affirmait-il auprès de nos confrères du quotidien Le Monde.

Finalement, le maire de Langouët a été éconduit par le tribunal administratif de Rennes, son arrêté anti-pesticide a été suspendu par le juge des référés. Mais cet acte de révolte fera date et a obligé le gouvernement à se pencher sur le problème.

Elisabeth Borgne, la ministre de la transition écologique a indiqué " je partage les préoccupations du maire de Langouët, oui il faut prévoir une distance minimale entre l’épandage et les habitations et je mettrai en consultation dans les prochains jours, un projet de nouvelle réglementation qui intégrera justement cette interdiction d’épandage à trop grande proximité des maisons, et donc, c’est effectivement une avancée et je pense que ces règles doivent être posées au plan national avec des possibilités de les adapter dans des chartes locales s’il y a des conditions particulières. "

"Pour protéger mes administrés"

Cet édile d’une commune de moins de 1000 habitants a réussi à faire flancher le gouvernement. D’autres se battent pour leurs administrés. Le maire de Saint-Capraise-de-Lalinde est, lui, en guerre ouverte contre les compteurs Linky. Assigné au tribunal par Enedis et l'Etat, et il a eu la surprise vendredi 16 août de tomber nez-à-nez avec un technicien envoyé par Enedis. Il s'est opposé physiquement à la pose d'un compteur.

Denis Szalkowski, le maire de Saint-Éloi-de-Fourques (Eure), a, lui, pris un arrêté de protection de la ressource en eau sur son territoire le 15 juillet dernier. Cet arrêté prévoit une bande de protection de deux mètres entre les routes et les zones cutlivées dans laquelle la pulvérisation de pesticides ou de l’épandage de nitrate sont interdits. Contesté par la préfecture de l’Eure, le dossier devrait être instruit par le tribunal administratif de Rouen incessamment.

À Dolus d’Oléron, pendant plus de quatre ans, Grégory Gendre, le maire de la ville s'est opposé à l'implantation d’un géant du fast food sur sa commune pour des raisons de sécurité. Par deux fois, la multinationale a gagné, ne reste qu’un ultime épisode à venir dans cette longue bataille juridique, la Cour de Cassation, sollicitée pour arbitrer les astreintes versées à l'enseigne américaine.

À La Réunion, moins on fait de bruit, plus longtemps on tient en politique 

À La Réunion, c’est tout le contraire. Pour nos édiles, le mandat de maire est pour beaucoup un long fleuve tranquille, le système, ils ne le combattent pas, au contraire, ils en font confortablement partie.

Pourtant notre île est en alerte sur des sujets majeurs. La Réunion est le deuxième département de France qui consomme le plus de glyphosate, un constat alarmant. Le pesticide, très controversé fait polémique, l’OMS le qualifie de "probablement cancérigène". Cela ne fait ni chaud ni froid à nos édiles. Ni à nos députés d’ailleurs, le 29 mai dernier, ils étaient tous absents de l’Hémicycle lorsque l’amendement visant à interdire le glyphosate d’ici trois ans a été rejeté.

Un manque de combativité, d’implication mais aussi un manquement à leur mission première qui est de porter la voix de la population dans les hautes sphères.

À La Réunion, beaucoup élus ne se mouillent pas ou pas beaucoup. Dès qu’un sujet fait débat, vous pouvez être sûrs de n’entendre que le silence assourdissant de nos édiles, parlementaires et présidents de collectivité. Ils préfèrent bichonner leur électorat, le dorloter, surtout, ne froisser personne. Et cela est encore plus vrai à quelques mois d’échéances cruciale, les élections municipales en 2020 et les régionales en 2021.

La Réunion dans le top 3 des départements qui utilisent le plus de glyphosate, pas de réaction. Des vagues de migrants sri-lankais qui arrivent par centaine, de la gesticulation mais pas de prise de position ferme. Une crise requin qui s’enlise, on en parle, rien de concret n’est fait, on passe à autre chose. Une population qui ne cesse de se paupériser, on dénonce et après ? À chaque fois, les prises de position de nos élus sont tièdes ou alors inexistantes. Beaucoup de bla-bla mais quand on parle concret, y'a plus personne. 

Pour se défendre, ils diront qu’ils interpellent l’État, que le gouvernement ne prend pas ses responsabilités, que face à la majorité présidentielle, nos parlementaires ne font pas le poids. Que nos collectivités et mairies sont à sec à cause des baisses de subventions. Que finalement, ils ne peuvent pas être accusés d’être à l’origine de tous les maux, que certains sujets ne sont pas de leur ressort…

C’est vrai. Mais chers élus, ce que les Réunionnais demandent, c’est de voir des politiques qui font passer l’intérêt général avant leur intérêt personnel. De voir des politiques qui ne lâchent pas l’affaire, qui n’hésitent pas à interpeller encore et encore les ministres, à demander des comptes, à se lancer dans des actions spectaculaires pour pointer du doigt les problématiques auxquelles fait face notre département.

Des paroles aux actes, ce serait pas mal 

Les discours, c’est bien beau mais le concret, c’est bien mieux. À part se faire mousser en disant "mais si, j’ai interpellé tel ministre sur le sujet à l’Assemblée" ou à renvoyer la balle à l’exécutif "j'ai été reçu par tel ministre qui s'est engagé à... " sans que rien n'arrive jamais... À quoi servent nos élus ? 

Parlementaires et présidents de collectivité ont envoyé une tribune commune au président de la République sur la question du rachat de Vindemia par le groupe Bernard Hayot. Mais où était l'action lorsque La Réunion était rachetée morceau par morceau par des groupes mauriciens dans l’hôtellerie, par des multinationales qui font pousser leurs restaurants fast food partout sur l’île ? Où étaient-ils quand de grands groupes ont repris l’industrie réunionnaise ? Où étaient-ils quand la grande distribution commençaient déjà à être grignotée par des investisseurs venus de l’extérieur ?

C’est bien beau d’arriver après la guerre, de faire mine d’être inquiet pour l’avenir de La Réunion mais finalement, n’est-ce pas en partie sur leurs épaules qu’il repose ? 

Si elle n’avait pas des conséquences aussi désastreuses sur la vie des Réunionnais, l’inaction des élus serait presque risible… Après, ne leur jetons pas la pierre "on a les élus qu’on mérite" comme le dit l’adage. Les élections approchent, à nous, citoyens de faire les bons choix. 

fh/www.ipreunion.com/redac@ipreunion.com 

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2 Commentaires
georges
georges
4 ans

très bon article, bon journalisme, un exemple pour les autres médias assez tièdes je trouve, à limage de nos élus

Ti caf bord mer
Ti caf bord mer
4 ans

Les années passent mais l inertie reste le mot d'ordre gardé le moral tout va mal aux armes citoyens