Briser les tabous

Ecriture bienveillante : un atelier pour ouvrir la parole des femmes victimes de violences

  • Publié le 17 juillet 2020 à 16:30
  • Actualisé le 17 juillet 2020 à 16:38

Ce vendredi 17 juillet, à la cité des arts de Saint Denis, s'est tenue une conférence de presse en présence de la sous-préfète Isabelle Rebattu sur le thème des violences intrafamiliales. Six femmes ayant subies des violences sexuelles, physiques, morales ont décidé de raconter leurs histoires au travers de textes écrits lors de l'atelier. Une initiative menée par Isabelle Kichenin, créatrice d'"Écriture Bienveillante". Un atelier "ouvert à toutes les femmes qui souhaitent s'exprimer et échanger sur leur vie, quel que soit leur rapport à l'écriture" précise-t-elle. (Photo es/www.ipreunion.com)

Le département de La Réunion est, en France, l’un des plus frappés par les violences faites aux femmes. À travers des groupes de paroles et des ateliers d’écriture, les victimes tentent de se réparer, de comprendre leurs actes, de se parler. Des espaces de réflexion pour éloigner la récidive et se reconstruire, une démarche nouvelle, impulsée par Isabelle Kichenin.

- "Mettre des mots sur des maux" -

Ancienne journaliste, Isabelle Kichenin est une auteure réunionnaise. Très engagée, elle a rédigé un roman intitulé "Gourmande" publié en 2017. Depuis 2016, Isabelle porte un projet qui lui tient à cœur et qui a pour résonance le sujet de son roman, à savoir la lutte contre les violences.

Elle propose des ateliers d’écritures bienveillantes via le programme P.L.U.M.E.S (Paroles Libres- Utiles Mots- Émotions Sereines) auprès de victimes, associant atelier d’écriture et méditation de pleine conscience pour développer l’ouverture à l’autre. "L’écriture bienveillante associe trois techniques, l’écriture qui permet d’extraire la douleur, la méditation de pleine conscience qui permet de se concentrer sur l’instant présent, et la bibliothérapie créative qui est l’utilisation de la lecture d’œuvre à voix haute pour briser les tabous" explique Isabelle Kichenin.

Isabelle Kichenin s’est entourée de six femmes, prêtent à témoigner ce qu’elles ont vécues afin de ne pas faire des violences intrafamiliales un sujet tabou. Les six femmes volontaires (toutes séparées et bien avancées dans leur cheminement) avaient le choix d’être photographiées ou non.

Isabelle Kichemin et la sous-préfète ont été surprises de la volonté de ces dernières de témoigner à visage découvert, fières de leur parcours et désireuses d’aider. "Presque toutes ces femmes ont été victimes de violences, d'inceste ou de menaces. Toutes ont souffert. J'ai voulu ouvrir un atelier d'écriture sur la violence éprouvée sous toutes ses formes. Aujourd’hui c’était la restitution de 8 semaines d’ateliers et d’écriture bienveillante. La publication du recueil comprenant les 102 textes écrits par ces femmes est l’aboutissement du chemin qu’elles ont parcouru", précise-t-elle.

Camille, victime de violence nous explique l’initiative de ces lectures aujourd’hui, regardez :

- Une décharge émotionnelle –

"Salope, nymphomane, putain, … Ces mots je les entendais tous les jours. J’ai trouvé le courage de m’opposer à lui un jour. Il avait bu, il m’a attrapé, il m’a insulté, j’étais prise au piège. Il m’a frappé en plein visage avant de me jeter par terre. Les coups ont continué, j’étais à terre sans pouvoir me relever. J’ai cru qu’il ne s’arrêterait jamais, que j’allais mourir sur place" raconte Camille.

Cette scène d’agonie, elle a mis des années avant de pouvoir la raconter. Sur le moment, la jeune Réunionnaise, sidérée par la violence inouïe qu'elle a vécue, tente de comprendre comment sa relation a dégénéré, quel regard, quels mots, quelles actions ont pu déclencher ce déchaînement de brutalité de son compagnon. En intégrant cet atelier, elle a pu, comme plusieurs femmes, mettre des mots sur la violence qu’elle a subie.

Elles s’appellent Julienne, Camille, Lucie, Céline, Pascaline et Kalita. Elles sont six à être venues, ce matin, se confesser sur leur histoire. "Le fait de partager son histoire et d’entendre celles d’autres femmes était très enrichissant, dit Lucie. Pour ma part, c’était difficile, mais c’était une étape dans ma propre guérison. Le fait de mettre des mots sur mon vécu m’a permis un peu de me libérer."

Un recueil d’histoires de femmes qui ont réussi à se sortir d’une relation marquée par la violence, avec pour objectif d’aider les autres victimes et de sensibiliser le public. "Au final, je suis soulagée de l’avoir fait, dit Julienne. C’était pour moi un moyen de rompre le silence pour pouvoir me libérer de ce qui était enfoui au fond de moi."

Retrouver ci-dessous un extrait d’une lecture d'un des textes du recueil, écoutez :

es / www.ipreunion.com / redac@ipreunion.com

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